Le 7 décembre 2019
Un film subtil dans lequel la douceur le dispute à un réalisme nu.
- Réalisateur : Belén Funes
- Acteurs : Eduard Fernández, Greta Fernández, Àlex Monner
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Oberon Cinematografica, BTeam Pictures, Latido Films
- Titre original : La hija de un ladrón
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Résumé : Sara, jeune femme d’une vingtaine d’années, vit avec son bébé de 6 mois dans un appartement fourni par les services sociaux. Sans sa colocataire, mère célibataire elle aussi, la jeune femme n’aurait que très peu de relations sociales. Elle se bat pour trouver de petits emplois, et c’est dans une agence d’intérim qu’elle retrouve celui qui l’avait abandonnée à son existence de débrouille : son père, récemment sorti de prison. Mais la surprise ne l’enchante pas, loin s’en faut. Sara, qui avait pris en charge son petit frère Martin, doit désormais composer avec ce père qui essaie de se refaire une place dans leur vie, maladroitement. Nominée pour le Prix Goya, Belén Funes réalise là un premier long-métrage fort. L’actrice principale, Greta Fernández, a reçu les Prix d’interprétation des festivals de San Sebastián et de [Thessalonique->https://www.avoir-alire.com/festival-international-du-film-de-thessalonique-le-palmares-2019].
Notre avis : La hija de un ladrón (NDLR : La Fille d’un voleur) - titre surprenant pour ce film qui ne se penche pas sur le passé en tant que faits - est un très beau film naturaliste, parfois dur, dans lequel la tendresse perce comme un rayon de soleil à travers un nuage, de façon presque fortuite. Le spectateur est directement plongé dans un temps contemporain ; ce qui est à l’origine de la situation, le délit commis, puis le retour de ce père prodigue, pourrait-on dire, ne font l’objet d’aucune explication, pas plus que l’inexistence de la mère de Sara. La famille, même atrophiée, même boiteuse, est présentée comme indissoluble, quelles que soient les circonstances, et parfois même malgré soi.
Copyright - Latido Films
Sara, pourtant, est une image de la solitude moderne. Passer d’un emploi à l’autre, devoir retrouver un petit frère fugueur placé dans un foyer d’accueil, vivre soi-même dans un logement social, telles sont les grandes lignes de la vie blafarde, muette, qu’elle mène. Le père de son enfant, s’il est bienveillant et disposé à s’occuper du bébé lors de ses passages, ne partage plus sa vie avec elle. La jeune femme est comme condamnée à survivre seule.
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Greta Fernández donne à ce personnage une grandeur et une dignité époustouflantes. La caméra ne s’y trompe pas, qui l’épouse, littéralement happée par la beauté sauvage de ce visage encore très juvénile, encadré de cheveux décolorés, par ce regard mystérieux, parfois même hermétique. Le père de Sara, incarné par Eduard Fernández, père de l’actrice dans la vie, est lui aussi magistral, en homme égaré, tantôt égoïste, tantôt de nouveau conscient de sa paternité et des liens qui l’attachent à ses deux enfants. Tout en paradoxes, l’homme souffle le chaud et le froid. Le petit frère, Martin, complète ce duo central par un jeu parfait ; le garçon frappe autant le spectateur par sa mélancolie que par ses yeux rieurs. Autant dire que la direction d’acteurs est menée à la perfection ; elle permet de brosser le portrait d’une famille cabossée, irrégulière, dont les évidentes affinités transparaissent pourtant.
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Mais on n’aurait pas tout dit du film de Belén Funes si on ne mentionnait que sa justesse et son réalisme. Non, la beauté de La hija de un ladrón tient dans l’amour porté au geste. Le geste laborieux, d’abord. Qu’il s’agisse du ménage minuté, exécuté dans un cadre professionnel, ou d’une plonge frénétique dans l’arrière-salle d’un restaurant, le geste est précis, répété, su. Il participe de ce réalisme social acéré. Heureusement, les mains sont aussi la source du soin : le soin apporté à l’enfant, au père, au frère. Que Greta nettoie la chemise de son père, se coiffe, donne une douche à Martin ou se batte en jouant avec le père de son enfant, l’usage de ses mains, et des mains en général, est source de douceur. Se joue en filigrane le portrait de la sollicitude, de la beauté du geste offert, de l’empathie. Une sorte de seconde nature, peut-être, chez une femme à la fois battante, contemporaine, et éternelle.
Cette femme entière, digne et fragile, La hija de un ladrón la montre jusqu’à sa séquence finale, sublime.
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