Le fruit du passé
Le 29 mars 2018
Un vieux monsieur qui se souvient de son amour de jeunesse. Un postulat intimiste classique qui permet un intéressant travail de déconstruction narratif mais aussi et surtout une plongée dans les affres de la mémoire. Un sujet universel.
- Réalisateur : Ritesh Batra
- Acteurs : Charlotte Rampling, Jim Broadbent, Freya Mavor, Billy Howle
- Genre : Mélodrame
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 1h48mn
- Titre original : The Sense of an Ending
- Date de sortie : 4 avril 2018
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Résumé : Dans son magasin de photographie de Londres, Tony Webster mène une existence tranquille. Sa vie est bousculée lorsque la mère de Veronica Ford, son premier amour, lui fait un étonnant legs : le journal intime d’Adrian Finn, son meilleur ami du lycée. Replongé dans le passé, Tony va être confronté aux secrets les plus enfouis de sa jeunesse. Les souvenirs sont-ils le pur reflet de la réalité ou autant d’histoires que nous nous sommes racontées ?
Notre avis : « Aujourd’hui, plus personne n’écrit de lettre ! ». Cette phrase, prononcée dans son film à la manière d’un axiome moderniste, Ritesh Batra aime la faire mentir. Une lettre en guise d’élément déclencheur est en effet le principal point commun entre son précédent film, le très appétissant The Lunchbox, et son adaptation du roman de Julian Barnes, qui était sorti en France sous le titre Une Fille, qui Danse. Mieux encore, puisque sa narration s’articule autour de deux récits, entre deux axes temporels séparés d’une cinquantaine d’années, le réalisateur est parvenu à mettre deux lettres au cœur de son nouveau film. Mais là où les courriers que s’échangeaient les personnages de The Lunchbox étaient le support d’un attendrissant romantisme épistolaire, ceux qui s’écrivent ici ont des effets bien plus néfastes. Les conséquences difficiles des relations sont en effet le sujet de ce scénario, et en particulier la façon de les assumer sur le long terme, que ce soit les regrets ou le déni.
- Copyright Wild Bunch
Toute l’intelligence du dispositif repose sur le fait de s’aligner sur le point de vue du personnage de Tony, incarné par l’excellent Jim Broadbent, et donc à faire en sorte que les parties constituant un flashback repose uniquement sur les souvenirs qu’il garde de sa jeunesse. Des souvenirs incomplets, forcément. La question que le film pose alors au public est de savoir si cette mémoire biaisée l’est intentionnellement ou non. Cette replongée que Tony fait de ces années de lycée, suite à la réception d’une lettre écrite par la mère de Veronica, sa petite-amie de l’époque, se concentre essentiellement sur ses bons moments entre amis et sur le charme de Veronica. Étaient-ils réellement aussi séduisants que Billy Howle et Freya Mavor qui leur prêtent leurs traits ? Difficile à dire. Ceci dit, on peut aisément comprendre que la sensualité des souvenirs qu’il garde d’elle l’ait laissé dans une inextinguible mélancolie. Mais, parce que se replonger dans ses souvenirs n’est pas toujours agréable, cette introspection forcée va renvoyer Tony face à des événements qu’il avait jusque-là préféré oublier.
Le poids des souvenirs, les bons comme les mauvais, et de se demander avec lesquels il est le plus dur de vivre, est une thématique que la construction en parallèle du scénario parvient très adroitement à développer. Ce développement consistant à justifier ou faire apparaître des sentiments au regard des souvenirs qui remontent, un à un, à la surface donne même à A l’heure des Souvenirs des allures de thriller psychologique. Ce mécanisme va d’ailleurs trouver son climax lors d’un twist final –impliquant la fameuse seconde lettre– qui va permettre de remettre en perspective les événements tels qu’ils ont été jusque-là présentés, c’est-à-dire par le prisme du regard de son personnage principal. Ce retournement de situation va aussi malheureusement s’avérer être la limite du scénario en ce sens qu’il sera suivi par une conclusion moralisatrice constituée d’une voix-off venant trop appuyer ce sentiment de mélancolie que, jusque-là, Jim Broadbent parvenait magnifiquement à exprimer par son jeu tout en retenue.
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En plus de l’extraordinaire prestation de Broadbent, qui comme toujours parvient à dégager les émotions les plus profondes derrière sa bonhomie naturelle, ce sont les parties du film revenant sur les événements ayant lieu des années 60 qui sont les plus marquantes. Leur réussite est le fruit d’un travail formel qui renvoie au charme maniéré du cinéma britannique de l’époque, en parfaite rupture avec un visuel plus brut marquant les années actuelles. La question qui se pose alors est de savoir à quel point les films d’une époque peuvent imprégner le souvenir que l’on se fait de celle-ci. A l’heure où la mode est à une relecture des années 80 à travers films et séries empruntant à la mise en scène utilisée alors, la question de l’influence du cinéma sur notre nostalgie nécessite en effet d’être posée. Le sujet de la mémoire est donc adroitement exploré par ce film qui saura toucher autant les spectateurs qui ont peur de la perdre en vieillissant qu’à ceux qui désireraient revivre leurs plus doux souvenirs du temps où on s’envoyait des lettres.
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