Le 7 juin 2021
L’aventure et le récit familial s’entremêlent dans une sorte de road movie qui dénonce autant la situation de la scission entre la Palestine et Israël que la manière dont le politique peut ruiner des équilibres familiaux. Une mise en scène haletante, menée tambour battant.
- Réalisateur : Ameen Nayfeh
- Acteurs : Ali Suliman, Anna Unterberger, Lana Zreik, Gassan Abbas
- Genre : Drame, Aventure
- Nationalité : Suédois, Italien, Palestinien, Qatarien, Jordanien
- Distributeur : Shellac
- Durée : 1h37mn
- Titre original : 200 meters
- Date de sortie : 9 juin 2021
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Résumé : Mustafa d’un côté, Salwa et les enfants de l’autre, une famille vit séparée de chaque côté du Mur israélien à seulement 200 mètres de distance. Ils résistent au quotidien avec toute la ruse et la tendresse nécessaires pour « vivre » comme tout le monde, quand un incident grave vient bouleverser cet équilibre éphémère. Pour retrouver son fils blessé de l’autre côté, le père se lance dans une odyssée à travers les checkpoints, passager d’un minibus clandestin où les destins de chacun se heurtent aux entraves les plus absurdes.
Critique : Deux cents mètres. C’est la distance qui sépare la maison de Mustapha et l’appartement de son épouse qui bénéficie du droit de résidence. Les seuls moyens de communication demeurent des jeux de lumière et des échanges téléphoniques, chaque soir, entre le père et ses enfants. Dans un pareil contexte, il est fort difficile de les élever, de partager les choix éducatifs, d’autant que Mustapha, peut-être par orgueil, a du mal à régulariser sa situation de travail en Israël. L’hospitalisation de l’aîné pousse le père à emprunter le taxi d’un passeur pour rejoindre Israël, faute de pouvoir circuler légalement entre la Cisjordanie et l’État juif. C’est là le cœur même du récit qui ne s’appesantit pas à décrire la situation complexe pour les colons et les Palestiniens, même si la première demi-heure du film est suffisamment bien mise en scène, appréhendant sans détour l’absurdité de la situation et la difficulté que les deux États vivent pour régler le conflit.
- Copyright Shellac
Le film dégage une très belle énergie. On suit avec anxiété et attachement ces drôles de personnages qui se retrouvent dans un taxi sauvage pour rejoindre Israël. Il y a un adolescent qui recherche un travail, et surtout un drôle de couple composé d’un Palestinien et d’une Allemande, venue manifestement créer un reportage pour dénoncer la situation. La mise en scène joue beaucoup sur les temporalités et les tensions. Le spectateur est happé par ce voyage où il subit, comme les protagonistes, la crainte d’être attrapé par les forces de police, la chaleur immense, et le temps qui s’écoule longuement. Ameen Nayfeh maîtrise admirablement la mise en scène, malgré l’exiguïté des espaces et la connaissance parcellaire que nous avons des personnages.
L’un des grands intérêts du film demeure la description que fait le réalisateur du père. Pour une fois, on sort du stéréotype machiste. La question religieuse est heureusement évincée. Mustafa est présenté comme un homme aimant, sensible à l’éducation de ses enfants, respectueux à l’égard de son épouse. La dévotion de Salwa qui cherche à protéger la santé de son mari, tout en veillant à ce que les enfants ne manquent de rien, est particulièrement touchante. Il y a beaucoup de grâce et de hauteur de vue dans la présentation de cette famille, mise en risque par la situation politique israélo-palestinienne. Les personnages sont d’une grande profondeur, à commencer par cette figure paternelle, d’une superbe dignité, qui doit composer entre sa résistance politique, le désir de travail et le secours à sa famille. Même la manière dont le réalisateur aborde la relation de voyage entre le jeune adolescent et Mustafa dit quelque chose de cette vision très belle du métier de père. Pour une fois, la question n’est pas traitée à l’aune de la dimension religieuse. On regarde un homme, simplement un homme, qui fait avec la complexité sociale et assume son amour pour sa famille et l’éducation.
- Copyright Shellac
Mais le film demeure avant tout une véritable aventure qui est tout à fait plaisante à regarder. C’est dire si ce type de cinéma est également capable de prendre du recul avec la situation subie par les deux pays et de centrer le point de vue sur le suspense, le risque, bref tout ce qui fait le bonheur de se laisser enfermer dans une salle obscure. Le rythme ne déçoit jamais et les comédiens sont largement à la hauteur de ce récit aussi haletant que touchant.
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