Le 13 septembre 2022
Une fresque sociale qui, dans son point de vue théâtral assumé, donne à voir le portrait magnifique de mères en situation d’incarcération dans une Ukraine loin du conflit grave qu’on lui connaît, et plus largement des femmes ukrainiennes.
- Réalisateur : Péter Kerekes
- Acteurs : Maryna Klimova, Iryna Kiryazeva, Lyubov Vasylyna
- Genre : Drame carcéral
- Nationalité : Tchèque, Slovaque, Ukrainien
- Distributeur : Alchimistes Films
- Durée : 1h33mn
- Titre original : Cenzorka
- Date de sortie : 14 septembre 2022
- Festival : Festival de Venise 2021, Les Arc Film Festival 2021
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Résumé : Lyesa donne naissance à un petit garçon dans une prison d’Odessa, en Ukraine. Ici, les mères peuvent s’occuper de leurs enfants jusqu’à leurs trois ans. Ensuite, il faut trouver un membre de la famille prêt à le recueillir, ou c’est le placement définitif en orphelinat. À l’approche de l’anniversaire fatidique, Lyesa tente tout pour ne pas être séparée de son fils.
Critique : La question de la maternité en prison est un sujet universel. Tous les pays du monde sont traversés par cette problématique sociale si particulière où l’enjeu est à la fois de faire respecter le droit et de ne pas compromettre l’avenir des enfants. Le choix en Ukraine est de diriger les prisonnières dans une unité où les petits continuent d’habiter en incarcération. 107 Mothers offre trois points de vue narratifs. Le premier consiste à montrer des entretiens en caméra fixe, sans quasiment aucun montage, où les détenues se confient sur leurs crimes, mais surtout sur leur métier de mère en prison. Le second est une série de vignettes quotidiennes où l’on assiste au quotidien austère de ces femmes qui élèvent leurs petits malgré l’enfermement. Et enfin, le réalisateur met en scène la vie privée d’une gardienne, qui, elle-même se rêve d’être maman.
- © 2021 Punkchart Films. Tous droits réservés.
L’unité de lieu et de mise en scène est évidente avec un tel sujet. Les seules séquences à l’extérieur demeurent les contacts entre la gardienne et sa mère. On perçoit une relation difficile, où la tristesse, le renoncement à la maternité guident la brutalité de leurs échanges. Cette gardienne humanise proprement un univers hostile et froid où les femmes doivent composer avec la privation de liberté, l’exclusion et la difficulté à exercer leur parentalité. La musique y est rare sauf lors d’extraits de lettres, semblables à des morceaux de poésie. Péter Kerekes vise une mise en scène à la fois très dépouillée, comme s’il s’agissait d’un documentaire, et très sensible à l’esthétique. Les lumières, les gros plans, le cadrage apportent aux visages de ces femmes incarcérées des espaces très sensibles de beauté. Pour autant, il refuse tout maniérisme. Le plus dur se joue avec les enfants. On les voit pleurer quand le personnel carcéral les sépare de leur mère, ou petit à petit s’endurcir et se murer dans la mélancolie.
- © 2021 Punkchart Films. Tous droits réservés.
107 Mothers est un film rare. Rare parce qu’il parle des mères détenues qui ont commis le pire, la plupart par amour, ou l’on imagine aussi, lors de violences conjugales. Le cinéma iranien traite souvent de ce sujet courageux et le point de vue de Péter Kerekes a peut-être à voir avec ce cinéma-là, flirtant magnifiquement avec le devoir de vérité et la censure. Les demandes de liberté conditionnelles sont examinées par des juges derrière un écran de télévision, sans recours possible à un avocat. Les enfants sont menacés quotidiennement de se retrouver en orphelinat. Une très belle scène de parloir oppose une jeune prisonnière avec sa mère, cette dernière refusant d’accueillir à son domicile son petit-fils. C’est peu dire du système de protection de l’enfance qui fait si peu droit aux enfants et privilégie la cruauté administrative. Mais heureusement, il y a cette gardienne. Elle illumine le film de sa présence, devenant tour à tour psychologue, soignante ou institutrice. Elle vit à sa manière en prison aussi, n’ayant pas d’amant ni de famille à elle, s’insérant dans l’intimité des parloirs ou des correspondances des prévenues, et se heurtant à la solitude de sa condition.
- © 2021 Punkchart Films. Tous droits réservés.
Très vite, on comprend l’enjeu d’adoption de l’enfant de l’héroïne principale par la gardienne. Mais l’essentiel du film n’est pas là. Il se joue dans cette manière si belle, si sensible, d’appréhender la beauté du geste maternel grâce à la caméra pudique et sincère de Péter Kerekes. Résolument, 107 Mothers est un grand film.
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