Le 20 octobre 2019
Une brillante série d’anticipation, qui dépeint le futur de manière bouleversante et réaliste.
- Réalisateur : Russell T Davies
- Acteurs : Anne Reid, Emma Thompson, Rory Kinnear
- Nationalité : Britannique
- Durée : 6h
- VOD : My Canal
- Titre original : Years and years
- Date de sortie : 14 mai 2019
- Plus d'informations : MyCanal
Résumé : Alors que Daniel Lyons regarde la télévision avec son compagnon, sa sœur Rosie l’appelle pour le prévenir de son accouchement imminent. En arrivant à la maternité, il se demande alors dans quel monde son neveu Lincoln va grandir ? Nous voilà alors propulsés en 2024, dans le quotidien de la fratrie Lyons, à Manchester.
Notre avis : Ce qui frappe dès le premier épisode de cette mini-série qui en compte six au total, c’est la crédibilité et la richesse du scénario. A travers une saga familiale, Russel Davis, créateur de Years and Years, dépeint un futur où les individus évoluent au gré des nouvelles technologies, du populisme grandissant en Europe, des conséquences des bouleversements climatiques, du triomphe de l’uberisation ou encore de l’afflux de réfugiés fuyant les régimes autoritaires.
Le parti pris de la série - explorer les relations familiales pour mieux décrire la société de demain - diffère en ce sens des dystopies que l’on a l’habitude de voir. En suivant les personnages impactés chacun par différents aspects d’une Grande-Bretagne post-Brexit, leurs interactions, points de vue et choix personnels, le spectateur s’identifie davantage aux membres de cette famille. Comme dans Mad Men, c’est au travers des personnages, tous membres d’une famille britannique ordinaire, que sont abordés les sujets qui seront les préoccupations de demain. Alors que la plupart des Occidentaux se pensent à l’abri des maux de la planète, la série montre au contraire comment ils vont nous impacter : les bouleversements climatiques, la chute du système financier, le transhumanisme, la montée des populismes.
Alors que les sujets abordés, dans un rythme qui fait défiler le temps et les années, peuvent paraître particulièrement anxiogènes, le style se veut léger, voire quelque peu cynique. L’écriture de la série joue avec nos peurs actuelles, mais pour mieux nous surprendre. Là où une situation pourrait nous paraître tout à fait révoltante, on se surprend à penser, que, comme les personnages, au quotidien, on accepte ce qui se passe. Le spectateur n’est alors pas totalement extérieur à la série qu’il est en train de regarder : il s’imagine y vivre, évoluer avec les personnages, adoptant tour à tour la psychologie des uns ou des autres. La force de l’écriture réside bien dans cet aspect-là : nous comprenons les contours de notre société actuelle, en visualisant les conséquences possibles dans un futur proche. Le contexte dépeint n’est pas seulement réaliste, il est surtout vraisemblable.
Le meilleur exemple est sans doute le personnage d’Emma Thompson, Vivienne Rook, une femme politique dont le populisme et la montée progressive au pouvoir rappellent l’extrême droite séductrice qui se répand en Europe. Elle tient des propos particulièrement choquants, prend des décisions qui nous paraissent insupportables, Pourtant, elle danse, chante et continue de sourire. La population fait tout simplement avec. C’est une sorte de mise en abyme du message porté par la série ; loin de faire l’apologie du populisme, elle dénonce au contraire l’endormissement des populations face au divertissement que l’agitation procure, montrée ici au sein même de la famille !
Le rythme de la mini-série n’encourage d’ailleurs pas à un visionnage compulsif, les épisodes peuvent être difficiles à enchaîner. Certaines scènes coupent littéralement le souffle (dès l’épisode 1, l’apogée étant le 4). Cependant, nous nous attachons très vite à cette famille, ses défauts, ses erreurs et ce qui leur arrive nous bouleverse parce que cela pourrait nous arriver. Edith, lanceuse d’alerte et militante de la famille, l’évoque dans le dernier épisode (la série en compte 6 au total) : « nous ne sommes qu’une famille ordinaire ». Là où la série Black Mirror nous effraie sur les dérives technologiques, dans une société froide et déshumanisée, Years and Years met au contraire l’humain au centre de son récit, dévoilant ainsi un autre enjeu dans son propos : comment l’homme va-t-il s’adapter ? Comment va-t-il accepter sa responsabilité dans cette société ?
Pour autant, le message de cette fiction reste l’optimisme. Là où l’on pense que l’avènement des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle renforce la solitude, un cercle persiste, celui de la famille. Attention, il ne s’agit de la famille au sens traditionnel ou conservateur, mais bien de la « tribu », du cercle intime que l’on se crée, où malgré les épreuves, la solidarité et la bienveillance prévalent. Les différences sont alors gommées : couleur de peau, orientation sexuelle, handicap, genre…Tout ceci existe, est montré à l’écran. Et pourtant, cela ne constitue jamais un sujet à traiter.
En ce sens, Years and Years n’est pas une dystopie, davantage une série d’anticipation, puisqu’il ne s’agit pas de nous faire voir le pire, mais bien de nous montrer comment la société occidentale, européenne, pourrait évoluer. Le Brexit aura lieu et Russel Davis imagine ses effets. L’uberisation du monde du travail est plébiscité, parce que les consommateurs se pensent à l’abri en ce qui les concerne, jusqu’à ce qu’ils finissent eux aussi par être rattrapés par le « progrès » et deviennent inutiles. L’intelligence artificielle fait partie de nos vies. Au final, ce sont les humains qui décident de la manière dont ils vont interagir avec l’ensemble de ces faits.
La scène ultime repose sur un événement sombre. C’est ainsi que se résume le mieux la série. Tout au long des épisodes, la famille Lyons conduit le spectateur dans l’exploration des voies de l’espoir : ainsi, parce que les peurs actuelles ont l’opportunité de s’exprimer, il y aussi la possibilité de les combattre.
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MeSweetriver 20 février 2020
Years and years - la critique de la série
Superbe. À voir absolument.