Waga shogai no kagayakeru hi (Le jour où ma vie se mit à briller) - La critique du film

Brio ostentatoire et numéros d’acteurs hallucinés dans cet étonnant croisement de mélo et de film noir réalisé par un cinéaste aussi talentueux qu’éclectique.

L’argument : Un mauvais garçon héroïnomane est poursuivi par le souvenir d’un homme qu’il a abattu pendant la guerre, alors qu’il était officier dans l’armée japonaise. Il rencontre une hôtesse de bar ...

Notre avis : Kōzaburō Yoshimura (1911 - 2000) fut un cinéaste talentueux et prolifique dont l’œuvre, très éclectique, se signale avant tout par un souci formel qui tend parfois à devenir une fin en soi. Cette tendance est perceptible aussi bien dans l’élégance épurée de Hana - fleur (1941) que dans la virtuosité acrobatique des faux plans séquence de Anjô-ke no butôkai - Le bal de la famille Anjo (1947), improbable transposition japonaise de La cerisaie de Tchékhov.

Yoshiko (Shirley) Yamaguchi (Ôtaka) - わが生涯のかゞやける日 - Kozaburo Yoshimura -1948

Ce goût de l’expérimentation formelle (pour ne pas dire formaliste) est omniprésent dans Waga shogai no kagayakeru hi, étonnant croisement de mélodrame et de film noir, au scénario un brin tarabiscoté, signé Kaneto Shindo, dont la thèmatique (comment s’affranchir du poids d’un passé placé sous le sceau d’une culpabilité refoulée et ne cessant de resurgir) et l’atmosphère nocturne, néo-expressioniste, sont par ailleurs assez typiques de nombreux films de l’immédiat après-guerre, au Japon et ailleurs.

Yoshiko (Shirley) Yamaguchi (Ôtaka) - わが生涯のかゞやける日 - Kozaburo Yoshimura -1948

Noir et blanc très contrasté, montage sophistiqué (ruptures, inserts de gros plans d’objets), mouvements d’appareil complexes, jeu exacerbé et antinaturaliste des acteurs, effets de mise en scène ostentatoires (le visage de l’actrice reflété deux fois dans les lunettes noires posées sur le piano), scènes d’action surjouée (le combat sous la pluie), pathos tendant délibérément vers le grotesque et touches humoristiques appuyées (les filles observant, blasées puis quand même bluffées, un acrobatique crêpage de chignon amorcé par un chewing-gum écrasé en pleine figure) : tout cela relève d’un jeu délibéré avec les codes qui crée une distance presque ironique pas très éloignée des néo-polars parodiques des années 60, à la Seijun Suzuki.
L’ensemble a beaucoup d’allure, veut et réussit à séduire fortement sans porter vraiment à conséquence, Yoshimura excellant à installer un univers trouble, à forte charge électrique et érotique, aidé en cela par des acteurs qui cabotinent éhontément mais avec un plaisir de jouer qui force la sympathie.

Masayuki Mori - わが生涯のかゞやける日 - Kozaburo Yoshimura -1948

Osamu Takizawa en chef de gang machiavélique ou Yûkichi Uno en infirme à béquilles en font des tonnes, mais sont éclipsés par les interprétations hallucinées du fascinant couple de protagonistes : Yoshiko Yamaguchi en fille de bar cynique révélant sous la vulgarité affichée la classe d’une femme du monde et un Masayuki Mori aux yeux bistrés, plus tourmenté et ténébreux que jamais dans un irrésistible numéro de haute voltige maso-narcissique.
Pas vraiment un chef d’œuvre donc mais un une heure et demie de jubilation quasi assurée.

わが生涯のかゞやける日 - Kozaburo Yoshimura -1948