Le 16 juillet 2018
Retour sur la soirée Bobbypills aux Max Linder et à son ode à l’imagination débridée du studio d’animation français, aux web-séries inventives, gentiment subversives, toujours réjouissantes. Addictif pour la génération des 15-30 ans.
- Plus d'informations : Le site officiel de Bobby Pills
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Résumé : Bienvenue dans un monde ravagé par les explosions de violence, un monde sans amour. Bienvenue dans le règne de petit Jésus. Dans ce monde, Jung, le héros au cœur brisé, poursuit sa quête : réunifier Maria, son amour perdu, sauvagement décapitée par Petit Jésus. Il pourra compter sur le soutien d’alliés croisés au hasard de sa route sanglante, des rencontres qui lui en apprendront beaucoup sur les autres, mais surtout sur lui même. Il devra aussi malheureusement composer avec ses "crises de violence", une malédiction incontrôlable qui prend source dans son âme meurtrie.
- © Bobbypills 2017
Notre avis : A la base, le studio Bobbypills produit ses séries pour les tablettes et smartphones. Mais, gage de qualité, leur projection sur grand écran (on a pu découvrir les épisodes chroniqués ici au Max Linder, à Paris, lors d’une soirée événement) ne gâche en rien le plaisir, bien au contraire !
Ce moyen de diffusion est totalement adapté à un mode de consommation rapide qui doit allier le plaisir, l’instantanéité, les habitudes de vie contemporaines et l’accroche des spectateurs. Sous la forme de 10 petites saynètes de quelques minutes, les séries Vermin SuperFuckFriends et CrisisJung emmènent les spectateurs dans des mondes ultra stylisés où il est tout autant question d’insectes urbanisés et anthropomorphistes, d’une parodie caustique d’un dessin animé pour enfants, que de l’univers fantastique d’une quête amoureuse et psychologique.
- (C) "Crisis Jung - Copyright Bobbypills 2017
On connaissait déjà des studios Bobbypills le phénomène Les Kassos. Cette série avait pour concept de proposer des épisodes courts, sans liens entre eux dans l’absolu, et représentaient des entretiens avec des parodies d’acteurs ou de films, disons plus généralement des personnages ou situations issus de l’actualité.
Les trois nouvelles séries s’inscrivent dans un univers volontairement déconnecté de la réalité immédiate du jeune spectateur. Et pourtant, génie de l’écriture, elles touchent juste dans les représentations du monde que les jeunes adultes, entre 18 et 30 connaissent, dès lors que l’on tient compte des réactions enthousiastes et vives lors de la projection publique au Max Linder, qui était complète.
En ce sens, les studios Bobbypills proposent un objet artistique très ancré dans les réalités particulières de la jeunesse d’aujourd’hui. Le phénomène est d’autant plus intéressant que les médias ne cessent de rabâcher l’opinion d’une éventuelle reviviscence de Mai 1968. Car ces séries sont d’abord des séries pour (jeunes) adultes. Elles parlent de violence, de sexualité sous toutes ses formes, mais aussi de construction identitaire, et de recherche d’une place sociale légitime au milieu du tourbillon des échanges capitalistes.
L’humour, parfois très corrosif, sert de vecteur principal à l’expression d’un univers où il est à la fois facile de vivre sa sexualité et paradoxalement, où la discrimination, le rejet de la différence, les rapports hommes femmes complexes, mettent à mal cette prétendue facilité. Autre paradoxe, là où ces séries dénoncent sous couvert de rire un mal de vivre pour des jeunesses discriminées ou en perte de repère, leur mode de diffusion par les smartphones demeure l’emblème d’une société très individualiste qui pourrait réduire les échanges sociaux à des SMS ou des dialogues fugaces sur des sites de rencontres.
- © « SuperFuckFriends » - Copyright Bobbypills 2017
Qu’on ne se trompe pas ! Ces séries sont réservées à des majeurs avertis. Les sexualités représentées dans SuperFuckFriends par exemple ne manquent pas de piquant. Adaptée d’un dessin-animé pour enfants déjà assez subversif de type Happy Tree Friends ou du plus conventionnel Dora l’Exploratrice, la série cherche à combiner humour et sexualité dans un registre qui ne s’impose aucune limite (sauf naturellement celle de la loi). Les animaux sont tout nus, à la façon des personnages d’un Disney, sauf que l’on voit leurs parties intimes. De la même façon, si Vermin ne parle pas autant de sexualité, les auteurs ne s’interdisent aucune censure dans la description d’un univers contemporain, très normatif, où il est difficile de faire vivre sa différence ou donner du sens à ses propres vulnérabilités. CrisisJung d’apparence plus conventionnelle, ne se départit pas d’un univers où la violence hétérocentrée et autocentrée est montrée sans aucune inhibition, dans un paradoxe effroyable où, pour regagner l’amour perdu, il en faut en passer par des luttes qui ne font pas dans la dentelle.
- Copyright Bobbypills 2017
Bref, les studios Bobbypills ont frappé juste et fort dans ces trois nouvelles animations. Avec sans doute un tout léger bémol à savoir qu’un peu de féminité ne nuirait pas, les dessins-animés étant pour la présente conçus plutôt par des équipes masculines et visant plutôt un public mâle.
Diffusion au Cinéma Le Max Linder à Paris, le 22 juin 2018
- © 2018 BlackPills & BobbyPills Productions - Tous droits réservés.
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