Une pluie sans fin - la critique + le test DVD

Copyright : Wild Bunch Distribution

Notre avis : Pour son premier long-métrage, le chinois Dong Yue n’a pas choisi la facilité en s’immergeant dans un style de cinéma conquis par les Sud-Coréens et leur batterie de thrillers acclamés. Nombreux sont ceux qui ont rapproché Une pluie sans fin du classique Memories of Murder de Bong Joon-ho, à raison, influence par conséquent lourde à porter lorsqu’on puise autant dans cette source pour construire son film. On le sait, les générations plus jeunes tendent parfois à chercher l’acceptation de la part des aînés, et c’est clairement vers le cinéma coréen et non chinois que Dong Yue part en quête de cet adoubement. Pour autant, ce premier film ne peut se simplifier comme une copie AlliExpress du cinéma coréen, parce qu’il parvient, à plusieurs niveaux, à s’approprier la substance de ce style si particulier afin de la transposer dans une vision personnelle d’une Chine perdue et recluse sur elle-même. D’influence coréenne, certes, mais il ne faut pas déposséder Une pluie sans fin de sa personnalité, de sa singularité, et surtout de sa richesse.

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Là où le cinéma policier / thriller coréen aime le mélange des genres avec l’infiltration fréquente d’un humour absurde désamorçant la noirceur générale ambiante, Dong Yue choisit plutôt une alternative qui semble peut-être moins ambitieuse sur le papier, mais qui a le mérite d’aller jusqu’au bout dans son nihilisme. Une pluie sans fin est une descente sans concession, si non dans les enfers, au moins dans la misère d’un pays dont sa population se retrouve enlisée dans un sol boueux inextirpable. Élément esthétique formidablement utilisé, la pluie trouve également sa raison d’être pour ce qu’elle révèle de la vision de son réalisateur. Ce sont autant les larmes d’un peuple livré à lui-même qu’une façon d’enfermer son cadre dans une monotonie aux allures de fin du monde, ou ici de fin d’un monde. La déliquescence industrielle de la Chine réserve de grands moments de mise en scène, épaulée par une photographie grisâtre sublime, qui converge parfaitement avec le ton assurément pessimiste du film. Bien qu’il commence avec une certaine (et relative) légèreté, ou au moins naïveté, Une pluie sans fin s’immisce rapidement corps et âme dans un cinéma noir sans issue possible. Même Seven, pourtant réputé comme une grande descente aux enfers, proposait quelques touches d’humour en s’amusant avec les codes du buddy movie, contrairement au film de Dong Yue, bien moins joueur avec les genres. Et finalement, cela engendre la satisfaction, un peu rare aujourd’hui malheureusement, de profiter d’une œuvre qui ne veut pas réinventer quoi que ce soit ou à tout prix se détacher du genre auquel il se revendique pourtant, pour plutôt se donner au maximum pour en sortir une synthèse poussée.

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Cette générosité pour délivrer une œuvre jusqu’au-boutiste s’accompagne d’une écriture un peu brusque par moment, avec quelques éléments dramatiques, un tout particulièrement, plus soudains qu’un tir de flashball en pleine manifestation pacifiste. Fonctionnant énormément sur les non-dits, Une pluie sans fin rate parfois le coche lorsqu’il s’agit de passer par les regards pour se passer des mots. A trop être uniforme dans sa démarche, le long-métrage perd un peu de sa complexité, notamment dans la relation entre Yu et Yanzi, touchante dans son idée de la pureté mais finalement un peu obscure. Présenté comme un film policier, Une pluie sans fin choisit intentionnellement d’axer son récit sur l’atmosphère, le poids de son environnement, plutôt que sur l’enquête. Sur un plan narratif, l’œuvre patine, privilégiant ainsi l’immersion et un sous-texte primordial qui relègue la traque du tueur à l’arrière-plan, bien qu’elle devienne une obsession pour le protagoniste. L’intérêt n’est pas de connaître le tueur mais plutôt de savoir ce que ça exprime sur Yu et la Chine à un temps donné. C’est l’histoire d’un pays qui a vécu un bouleversement majeur et dramatique pour une partie de sa population et n’a jamais su se relever de ce changement : en témoigne ce froid qui gèle sur place ceux qui désirent partir. Après les averses, qui ralentissaient le peuple, vient la neige, qui le glace et l’empêche d’avancer. Une pluie sans fin évoque un idéal de départ au final inatteignable, un rêve illusoire. Parce qu’il faut bien s’évader dans une prison à ciel ouvert.

Le DVD :

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Les suppléments :

Un entretien très intéressant de 26 minutes avec Dong Yue survole au-dessus de ces bonus plutôt bien fournis et enrichissants, même s’ils ne dérogent pas à cette tradition de montrer la joie, le bonheur, l’amour et moins les difficultés. Il n’empêche qu’ils constituent malgré tout une source plutôt généreuse d’informations, sur la genèse, le travail avec le compositeur (très belle bande originale par ailleurs), le tournage et l’importance du film en terme de retombées.

L’image :

Bien que ce ne soit pas un monstre de définition, le DVD a au moins le mérite de faire honneur à la photographie du film. Les couleurs sont restituées avec une palette de nuances plutôt complète et les noirs, très présents, se montrent assez profonds, ce qui permet de mettre en avant l’énorme travail sur l’image. C’est vraiment dans le piqué que cette édition pêche avec des textures trop souvent baveuses, notamment pour les visages, et un manque de détail parfois évident, qu’il faut cependant replacer dans une esthétique très sombre.

Le son :

Seules les deux pistes 5.1 ont été testées, bien que le DVD propose également deux pistes en 2.0. Pour un film se déroulant intégralement sous la pluie, il ne valait mieux pas rater sa spatialisation, et heureusement, c’est par un travail immersif d’excellente qualité que l’on se plonge dans cette Chine désabusée et perdue. Les averses semblent se déverser tout autour de nous mais ne bouffent jamais l’espace sonore des dialogues ou de la musique. Un résultat équilibré et percutant. La VF quant à elle délivre une puissance amoindrie en raison d’un mauvais doublage.