Effluves macabres
Le 23 avril 2003
A la fois pittoresque et drôle, une histoire qui donne pourtant froid dans le dos.


- Auteur : Guillermo Arriaga
- Editeur : Phébus
- Genre : Roman & fiction
- Date de sortie : 5 février 2003

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A la fois pittoresque et drôle, mesquin et statique, le monde d’Un doux parfum de mort est celui du Mexique rural. Dans une atmosphère étouffée par la chaleur brûlante, l’histoire donne pourtant froid dans le dos...
Ce doux parfum de mort, Ramón est le premier à le respirer. Le jeune épicier arrive le premier auprès de l’assassinée. Il ressent une immédiate émotion au contact du cadavre poignardé de la jeune Adéla. Cette jeune femme, il ne la connaît que de vue, mais les badauds l’identifient d’emblée comme sa fiancée. Par trouble, par faiblesse, par lâcheté, il ne dément pas. Les rumeurs courent tandis qu’on embaume le corps, non sans mal. Il empeste, tout comme l’air qui nimbe ce roman. Dans cette petite chronique d’une ignorance ordinaire, entre mensonges et affabulations, le parfait assassin est tout trouvé. C’est l’étranger, le Gitan. Echoit alors au faux fiancé de se venger du faux meurtrier...
Baigné d’une moiteur torride, le récit enferre les victimes. Sur fond de sorgho, de poule étouffée entre les sacs de canne à sucre, de cours de mise à mort de taureau sauvage, le livre est grave, pessimiste. Les hommes, indécis, de ce Mexique rural s’abreuvent de bières et de palabres. Ils sont pleutres, se trompent, et se tuent, offensés ou pas. Ici, les victimes ne sont jamais les bonnes, et la force du nombre prévaut, la volonté d’être quelqu’un au moins une fois, quitte à mentir ou à laisser dire. Dans ce roman à la fois cruel et léger, Guillermo Arriaga signe avec justesse un traité cinglant sur les absurdes bassesses humaines.
Tout le talent d’Arriaga consiste à rendre pétillante et enlevée une fable sordide. Le roman, qui a rencontré un immense succès dans tout l’Amérique latine, déconcerte et fait sourire. Pourtant, partout plane ce parfum de mort, miasme tenace que la chaleur rend âcre. En refermant ce Doux parfum de mort, des relents aussi aigres que les villageois de Loma Grande pourraient bien avoir imprégné l’air ambiant...
Guillermo Arriaga, Un doux parfum de mort, (traduit de l’espagnol (Mexique) par François Gaudry), Phébus, 2003, 192 pages, 15 €