Beau comme un camion
Le 19 avril 2006
Tendre et troublant, un regard pertinent sur les émois de l’adolescence.
- Réalisateur : Arnaud Simon
- Acteurs : Édith Scob, Pierre Moure, Antoine Régent
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Français
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– Durée : 43 mn
Tendre et troublant, un regard pertinent sur les émois de l’adolescence.
L’argument : Eugène a vingt ans. Il va mal et pourtant c’est l’été. A l’occasion d’un séjour en province, son regard se pose sur Pierre, la trentaine. Il décide de s’en faire aimer...
Notre avis : C’était il y a cinq ans. La collection "Décadrages" [1] (déjà elle...) nous faisait découvrir les moyens métrages d’Alain Guiraudie. Entre saillies homosexuelles et conscience aiguë d’un présent qui s’effrite. Souvenez-vous, Ce vieux rêve qui bouge, son usine en jachère, son temps suspendu.
Un camion en réparation relève de la même volonté. Une sorte de poésie organique où les sensations circuleraient librement, sans attaches, effleurant le spectateur. Juste assez pour qu’il se sache touché. Tranquillement, le film bouscule les conventions, impose son rythme, délicat et précaire. Le rythme des amourettes estivales, a peine écloses et déjà fanées. Arnaud Simon, le réalisateur, vient du théâtre. Il en a gardé le goût des mots, incertains mais justes, et le sens de la voix. On a tendance à oublier son importance, mais il suffit de regarder les films de Rohmer pour se rendre compte que, parfois, un accent, une intonation en dit plus (sur un personnage, son environnement social, ses aspirations) que les paroles. Eugène, vingt ans, à une voix fluette, presque brisée, enfantine. Avait-on vraiment besoin de nous indiquer qu’il est étudiant à l’université, en instance d’échec scolaire ? Qu’il aborde la vie avec une splendide insouciance, sans doute feinte ? Il lui suffit de prononcer quelques mots pour que l’on sache tout de lui. Et Mathilde, fascinante senior, à son intonation tendrement autoritaire, son allure fière, on devine aisément le pouvoir de séduction qu’elle a dû posséder, jadis.
Ces beaux personnages donnent au récit une consistance inhabituelle, à peine troublée par une caméra à hauteur d’homme. Et quand le réalisateur se livre à l’exercice, casse-gueule entre tous, du symbolisme météorologiques, il le fait avec une grâce et une subtilité que l’on recherche toujours dans le cinéma suranné des frères Larrieu. Si la dépression pointe sous l’embellie, elle ne serait nous faire oublier la fraîcheur, la beauté à fleur de peau de cet attrape-cœur de province.
[1] Sous cette collection se cache la courageuse initiative d’un distributeur, Shellac, de sortir des moyens métrages en salle
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