Le 16 septembre 2024
Douze ans dans la vie d’un apprenti en médecine qui ne voit pas seulement l’émergence d’un jeune médecin engagé auprès des patients les plus vulnérables, mais aussi celle d’un réalisateur militant et prometteur. Une œuvre bluffante de sincérité.
- Réalisateur : Antoine Page
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : La Maison du Directeur
- Durée : 1h53mn
- Date de sortie : 28 août 2024
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Résumé : Bac en poche, Angel, dix-huit ans, choisit de « faire médecine ». Antoine, son frère réalisateur, décide de suivre son parcours, et se lance dans un film qui durera douze ans. Douze ans d’apprentissage, du marathon d’examens aux premières consultations, de l’adrénaline des stages en hôpitaux aux méditations solitaires d’un jeune médecin de campagne. Douze ans de vie ponctués de remises en question et de prises de conscience, qui conduiront Angel à s’engager en faveur d’une médecine sociale. Trajectoire singulière sur fond de pandémie, TOUBIB est un voyage au cœur de notre « état de santé » : ce qui nous lie à la vie, à la mort.
Critique : Le documentaire s’ouvre sur la fin, c’est-à-dire la consécration de douze années d’études de médecine où le déjà trentenaire Angel Page, frère du réalisateur, va prêter serment à l’issue de l’exposé de sa thèse. Puis, immédiatement, le film revient aux premières années de vie du presque jeune adulte, qui, le bac en poche, s’apprête à rentrer en médecine, sans être certain de passer le cap de la première année. Puis, pendant plus de douze ans, par alternance, la caméra accompagne le jeune homme au gré de ses changements de coiffure, de ses périples à travers l’Europe et une multitude de stages en hôpital, au point qu’elle semble presque devenir familière du garçon. D’ailleurs, les premières années, Angel suit beaucoup le viseur de la caméra, non sans une certaine maladresse, puis, peu à peu, abandonne l’angoisse de ce regard posé sur lui, pour se livrer sans aucun tabou, sur les motivations qui le conduisent à ce métier, ses découragements, et la vision qu’il se fabrique de la médecine de demain en France.
Toubib est d’abord un film de monteur. En effet, réduire en moins de deux heures plus de dix ans de vie constitue une vraie gageure. Le travail d’Antoine Page n’a pas été seulement de capter le personnage qu’il filme, mais de couper dans ce qu’on imagine des milliers de rushs. Parfois même, le réalisateur choisit de conserver des images somme toute maladroites ou mal abouties, où l’on pressent un mouvement de caméra ou un flou de trop, la présence de l’appareil pour recueillir le son, comme si ce film n’était pas seulement celui d’un jeune frère qui se forme à la médecine, mais d’un réalisateur tenté par le métier de cinéaste. Pourtant, Antoine Page n’est surtout pas à sa première expérience de cinéma, mais celle-là est très dense, à l’image des toutes ces années de tournage. On voit en effet le jeune médecin vieillir, s’endurcir parfois, mais aussi s’éveiller à des réalités sociales complexes, dépasser la technique pour appréhender l’Homme dans toutes ses dimensions, comme on assiste à la transformation d’un film qui aurait pu rester au seuil d’un livre d’images familiales pour devenir un film de cinéma.
- Copyright La Maison du Directeur
Il y a dans la relation qui se fortifie entre le réalisateur et son frère, un lien évident dans la manière dont Angel appréhende le soin avec des patients très précaires. On accompagne d’abord un adolescent qui sacrifie presque sa jeunesse au seul bénéfice de l’apprentissage par cœur de connaissances médicales, puis à la naissance d’un homme plus mature qui se défait petit à petit de l’assurance de la technique pour soigner non plus des corps mais des êtres humains. Cette transformation est quasiment la même pour le réalisateur qui assume un art engagé, nettoyé des contingences commerciales, consacrant son temps à créer des films sans certitude de leur rentabilité et à accompagner des projets artistiques dans sa résidence.
Le film ne s’appesantit pas dans des longueurs qui auraient trait à la maladie et ses déboires. Le point de vue du cinéaste est de décrire un parcours. Symboliquement, le long-métrage est truffé de séquences où l’on voit le stagiaire ou le jeune médecin rentrer et sortir d’institutions hospitalières, ou rouler d’un endroit à l’autre, sans que l’on n’assiste aux milliers de consultations qu’il a pratiquées. La représentation d’une médecine de remplacement et non plus l’ouverture d’un cabinet pour trente ou quarante ans démontre avec, que derrière ce portrait d’Angel, c’est toute la jeunesse d’aujourd’hui qui tranche littéralement avec les visions du monde de leurs aînés. Cela fait de Toubib une œuvre autant initiatique qu’un véritable exposé sociologique de la santé d’aujourd’hui et la jeunesse qui s’en empare.
Toubib constitue ainsi un documentaire passionnant, jamais ennuyeux, encore moins démagogique, où l’on découvre un personnage, Angel, qui se révèle au fur et à mesure comme un être d’une immense humanité. Le point de bascule se noue quand le jeune homme se confie sur le décès prématuré de son père, médecin aussi, auquel d’ailleurs le réalisateur adresse le film. On en oublie toutes les maladresses, que le spectateur peu aguerri à la technicité cinématographique ne verra pas d’ailleurs, un peu à l’image d’un patient qui se plaint d’un rhume et qui a l’impression évidemment fausse que son médecin ne convoque pas toute une série de connaissances et de doutes pour asseoir son diagnostic.
Voilà donc un réalisateur, Antoine Page, une société de distribution et de production, La Maison du Réalisateur, qui devraient de plus en plus faire entendre parler d’eux pour notre plus grand plaisir. Haut les cœurs !
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