Le 25 mai 2024
En dépit de longueurs parfois inutiles, The Village Next to Paradise a le double mérite de valoriser un cinéma somalien rare sur nos écrans et de prouver une fois de plus que le paradis de la liberté est entre les mains des femmes.
- Réalisateur : Mo Harawe
- Acteurs : Canab Axmed Ibraahin, Axmed Cali Faarax, Cigaal Maxamuud Saleebaan, Maxamed Xaaji Cabdi Faarax
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Allemand, Autrichien, Somalien
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 2h13mn
- Titre original : The Village Next to Paradise
- Date de sortie : 9 avril 2025
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, Un Certain Regard
Résumé : Un petit village du désert somalien, torride et venteux. Mamargade, père célibataire, cumule les petits boulots pour offrir à son fils Cigaal une vie meilleure. Alors qu’elle vient de divorcer, sa sœur Araweelo revient vivre avec eux. Malgré les vents changeants d’un pays en proie à la guerre civile et aux catastrophes naturelles, l’amour, la confiance et la résilience leur permettront de prendre en main leur destinée.
Critique : C’est un petit garçon brillant qui rêve chaque nuit que le paradis qui lui tend les bras ressemble à une confiserie où l’on peut se gaver de bonbons autant qu’on veut. Il faut dire que le village de paradis ressemble plutôt à l’enfer avec ces drones qui survolent le ciel en permanence, prêts à abattre n’importe quel véhicule susceptible d’être conduit par un partisan d’Al-Qaïda. Cela tombe bien car Mamargade, le père de l’enfant, exerce tout un tas de petits boulots dont celui d’enterrer les morts dans le désert. The Village Next to Paradise est un premier film d’un réalisateur somalien, Mo Harawe, qui réalise, à trente-deux ans, un projet de mise en perspective de son pays, à la fois creuset de tous les petits bonheurs familiaux et terre sacrifiée aux aléas géopolitiques mondiaux.
Pourtant, The Village Next to Paradise n’est pas à proprement parler un film politique. La situation du pays soumis à la pression américaine et à des dégâts écologiques majeurs est une opportunité pour conter la relation très belle entre ce père, un peu perdu, ce garçon très intelligent, et une tante qui vit au domicile et rêve d’ouvrir un magasin de couture. En réalité, c’est cette femme qui tient la maison : elle vient de divorcer de son mari qui, on le comprend à demi-mots, refuse d’honorer son devoir conjugal ; elle vend de la drogue en espérant réunir assez d’argent pour créer sa boutique. Un autre personnage en quelque sorte qui ne dit pas son nom demeure le village. Le désert s’étend de partout, privant les habitants des commodités usuelles de la ville, ce qui n’empêche pas les familles d’y trouver un petit bout de bonheur.
Le portrait que dresse Mo Harawe de ce père et son fils est très beau. L’homme est prêt à tout pour permettre à son gamin d’accéder au savoir, d’autant que l’école vient de fermer, faute de dons suffisants. Le réalisateur rappelle avec force que l’accès à l’apprentissage pour les enfants du monde est loin d’être une évidence dans de nombreux pays. Il refuse d’évoquer frontalement la pauvreté, l’état sanitaire qui rongent la Somalie, en montrant des intérieurs de maison certes très précaires, mais suffisants pour instaurer une vie de famille normale. À plusieurs reprises, le réalisateur filme les temps de retour de l’enfant de l’école, qui entonne des chansons en faisant sa toilette, finalement comme tous les gosses du monde entier.
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Le refus ouvert de la compassion et du misérabilisme sur la Somalie par le réalisateur témoigne de sa volonté de marquer que l’Afrique est capable de s’émanciper par elle-même sans en passer par la tutelle de l’Occident. Les femmes, à travers cette tante déterminée et courageuse, semblent le meilleur rempart contre l’ingérence et la domination. Pour une fois, il n’est pas question du débat sur la religion. L’enjeu du long-métrage demeure la potentialité d’un pays comme la Somalie à trouver ses ressorts d’innovation et de développement économique. Le fait d’ailleurs de faire un film constitue en soi une preuve de l’efficience d’un pays africain, vecteur d’une création artistique dynamique et reconnue.
Le film fait montre d’une maîtrise assez bluffante en matière de photographie, de lumière et de montage. Tout le long-métrage est filmé dans des décors naturels avec une précision et une vraie technicité. Mo Harawa réalise un film digne de ce nom qui n’a rien à envier à des productions occidentales. Les comédiens aussi jouent à la perfection. Seul bémol, la longueur. Le scénario s’empêtre dans une multiplicité de sous-récits qu’il ne développe pas vraiment, là où la relation entre les trois protagonistes constitue en soi un motif narratif amplement suffisant.
The Village Next to Paradise demeure un long-métrage de très grande qualité. Il ne reste plus qu’à attendre le deuxième film qui confirmera l’émergence d’un nouveau cinéma africain, rempli d’espoir et témoin vivant de la résilience en cours du plus continent du monde.
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