Le 13 juin 2017
Une remarquable saison deux, aussi riche que profonde.
- Acteurs : Justin Theroux , Amy Brenneman, Margaret Qualley
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Durée : 10 x 1h
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Résumé : Il y a un peu plus de trois ans, 2% de la population mondiale disparaît mystérieusement. Aucun pays, aucun état, aucune ville n’est épargnée, à l’exception d’une petite ville de l’est du Texas. Population : 9261. Disparus : 0. C’est là que se déroule l’histoire de deux familles : les Garvey, qui ont déménagé dans cet endroit particulier et dont les vies ont été bouleversées par la Disparition, et les Murphy, une famille texane, apparemment épargnée par cet événement tragique.
Notre avis : Une femme se réveille dans la nuit. Elle est enceinte et quitte son groupe pour uriner ; un éboulement tue sa tribu. Elle accouche au son de La Traviata ; son bébé menacé par un serpent, elle s’interpose et meurt au bord d’un lac, l’enfant dans ses bras. Presque sans transition, on passe à l’époque contemporaine et des jeunes filles se baignent dans un lac (le même ?). Ainsi commence, de manière énigmatique, la deuxième saison de The Leftovers. Qui sont ces personnages ? De quand date l’histoire ? Où se passe-t-elle ? Nous n’en saurons rien, aucun élément ne figurant dans la suite. Si cette séquence ne laisse pas d’intriguer, elle est suffisamment puissante pour rester en tête et comprendre qu’elle instille des motifs qui vont revenir dans toute la saison, en échos : les secousses reprennent l’éboulement, la protection d’un bébé a lieu dans le dernier épisode, la perte du groupe irrigue l’ensemble de la série. Autrement dit, cette introduction a valeur d’ouverture, au sens opératique du terme, ce que Verdi corrobore ; Verdi qui d’ailleurs resurgit sous forme de quasi bégaiement dans l’épisode 8. Plus importante, la localisation temporelle, énigme puissante et insoluble : il semble qu’il faille prendre la séquence comme une parabole biblique, ce qui lancerait le thème majeur de la foi, mais une Bible concrète, sale et cruelle, plus Ancien que Nouveau Testament ; une Bible terriblement présente puisqu’elle se poursuit dans le monde contemporain.
- © HBO
À partir de là, la série se déroule puissamment en se centrant sur plusieurs personnages, souvent un par épisode, jonglant avec la chronologie et les points de vue : ainsi un même événement, la soirée d’accueil des voisins, prend différents sens selon le protagoniste mis en valeur. Mais toujours The Leftovers avance de manière imprévisible : on ne sait pas ce qui va suivre, et certaines actions ne trouvent leur sens que beaucoup plus tard (voir en particulier la disparition des trois filles). Au centre, le thème de la foi guide la plupart des êtres, mais une foi éclatée et variée, entre celle de John et celle de Michael, celle du stylite ou le refus de Nora. S’écartant du religieux, elle prend une forme sectaire (les « coupables survivants ») ou proche de la magie (le grand-père et la mort de Kevin). Elle est aveugle et intolérante le plus souvent, brutale parfois ; c’est à dire qu’elle est en perpétuelle réinvention, adaptation à chacun et au fond, constitue une prison mentale dont le stylite inutile est la métaphore.
- © HBO
D’un épisode à l’autre, la série présente des ruptures de ton et de genre surprenants, mis en valeur encore par des colorations musicales différentes : du prosaïsme le plus plat au fantastique lynchien de l’épisode 8 (destiné à devenir une référence), du policier au drame intimiste, on est confronté à des bouleversements qui font de The Leftovers sans conteste l’une des plus originales propositions qui soit. Le pari extraordinaire, c’est que la structure éclatée soit à la fois cohérente et profondément énigmatique : ce que nous dit la série, ce dont elle s’approche, c’est l’universel mystère, le mystère de la vie et le mystère de l’homme. Ainsi de la disparition aléatoire, ainsi de ce qui motive les actions : pourquoi John est-il à ce point violent, jusqu’à devenir pompier-pyromane ? Qu’est-ce qui a transformé Meg ? Pour les scénaristes, l’homme est irréductible à ses actes comme à ses dires. Toujours une part ineffable échappe à la compréhension. C’est frustrant du point de vue du spectateur, mais tellement plus riche et fort. Même une série complexe comme Broadchurch ne résiste pas aux explications définitives ; The Leftovers s’appuie au contraire sur ce que chacun ressent, c’est à dire l’absence de sens, elle pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses et présente à la lettre un monde « insensé ». A cet égard l’abondance de gros plans sur les visages devient la métaphore de cette tentative vouée à l’échec d’approcher l’humain, de pénétrer ses pensées. Échec certes, mais échec glorieux, échec majestueux.
- © HBO
Il reste à dire que chaque épisode intrigue, passionne et multiplie les interprétations ; au gré de son humeur et de sa culture, chacun verra des signes et des références. Ainsi la ville épargnée de Jarden (jardin + Éden ?) est-elle aussi la métaphore d’un pays assiégé par les migrants, mais encore le lieu d’un conflit entre puritanisme et débordement orgiaque. Ainsi le parcours de Kevin est-il une initiation profonde qui passe par la mort et la résurrection. Ainsi celui de Laurie peut-il se lire comme une tentative désespérée de rachat. Mais tout cela n’est que suggéré, jamais aucune résolution définitive ne vient faire la lumière sur une histoire à la fois complexe et lumineuse. Et, en regardant ces dix épisodes douloureux (l’épisode 5, centré sur Matt, est particulièrement éprouvant), on est frappé par la richesse infinie, on ne peut s’empêcher de penser que The Leftovers fait du format série une expérience inédite. Peut-être un chef-d’œuvre.
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