Le 30 septembre 2017
Fragile dans son écriture, Snowfall vaut surtout pour le traitement de son cadre spatio-temporel et de son sujet principal, abordé avec savoir et richesse de point de vue.


- Acteurs : Emily Rios, Sergio Peris-Mencheta, Damson Idris, Juan Javier Cardenas
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 5 juillet 2017

L'a vu
Veut la voir
Résumé : Comment le trafic du crack a changé la ville de Los Angeles dans les années 80...
Notre avis : Voir John Singleton remettre les pieds dans les ghettos de Los Angeles a comme une odeur de retour au source pour celui qui s’est pendant longtemps perdu avec des films comme 2 Fast 2 Furious ou Identité Secrète. Sa connaissance indiscutable du cadre spatio-temporel se déporte cette fois, plus de 25 ans après le succès du pédagogique Boyz’n the Hood, sur un sujet tendance du monde de la télé : la drogue et son expansion. Les années 80, son style, sa musique, la propagation de la violence dans les ghettos : tous ces ingrédients se retrouvent bien évidemment dans cette première saison centrée sur la désillusion et la chute du cool. C’est très doucement que Snowfall s’accapare de son sujet, la démocratisation du crack à Los Angeles, pour correctement décomposer son univers et proposer une lente mais évidente descente aux enfers pour ce qui sera plus tard une tragédie de grande ampleur chez les populations afro-américaines tout particulièrement. D’une atmosphère conviviale, cool et funky des premiers épisodes s’opère le glissement vers le thriller pur et dur, avec son lot de prise de conscience et de changements de mentalités pour des protagonistes qui chacun à leur niveau franchissent le point de non-retour.
- Copyright : FX
Si on n’excusera pas les facilités d’écriture concernant Franklin Saint, dont la naïveté s’apparente trop souvent à de la stupidité (clairement le gars veut se la jouer Gandhi en se lançant dans le business), son personnage symbolise malgré tout cette prévisible mais passionnante évolution vers l’homme qui répandra le crack dans son propre quartier. L’altération de sa personnalité est tardive, le crack n’intervenant réellement qu’à partir du septième épisode (avec un changement dans la typographie du titre pour marquer le coup), mais elle demeure la plus marquante par le fossé séparant le Franklin du pilote et le Franklin du final. Très fragile en terme d’écriture, Snowfall ne brise cependant jamais la tangibilité et la justesse de son univers ainsi que de ses personnages pourtant soumis à quelques facilités pour faire progresser les intrigues, simplement parce que sont maîtrisés d’une belle manière le contexte et la pluralité des points de vue. Ainsi la série vogue entre l’ascension de Saint, l’émergence d’un business de coke mené par deux membres d’une famille criminelle influente (et un Josh Brolin mexicain, excellent par ailleurs) jusqu’à traiter des magouilles de la CIA contre le FSLN au Nicaragua. Sur ce dernier, difficile encore une fois de totalement pardonner les défauts d’une écriture brouillonne, incapable d’exposer clairement ses enjeux, mais définitivement sauvée par la crédibilité de l’ensemble, véritable valeur ajoutée applicable à tous les pans explorés par la série.
- Copyright : FX
Reconstitué avec soin et personnalité malgré son manque de surprise (mais on regarde pas la série pour ça), le Los Angeles des années 80 se présente sous un jour bien sombre par une atmosphère pesante et caniculaire qui vient augurer les événements à suivre. Colorée et ensoleillée, Snowfall pervertit le climat paradisiaque et estival de la cité des Anges par un traitement délavé de teintes maladives et inquiétantes venant happer le spectateur. Incontestablement le gros point fort de cette série mieux pensée dans sa globalité que dans son caractère épisodique, cette ambiance confirme le besoin de John Singleton (on n’oublie pas les autres showrunners cependant) de retrouver un environnement bien connu dont il se dégage une force rêche et brute. Comme pour Boyz’n in the Hood finalement, on pourrait néanmoins regretter dans Snowfall une tendance à surligner certains événements ou situations dramatiques, comme forcée d’appuyer par les mots notamment la dureté de l’univers exploré (lorsque Saint et Leon comprennent la méthode de torture d’une certaine personne pour récupérer leur argent). Heureusement ce caractère a tendance à s’estomper au fil des épisodes et tout particulièrement dans le final, avec la scène glaçante entre Teddy et Alejandro, ou bien même auparavant par de belles fulgurances de mise en scène, jonglant entre la sécheresse des images et une présence parfois intrusive des dialogues. Confirmée pour une saison 2 par FX, on espère que Snowfall oubliera ses tics un peu trop hollywoodiens pour pousser son caractère sans concession jusqu’au bout. Parce qu’elle a les moyens d’être une série de grande qualité.
- Copyright : FX