Faites des gosses... ou pas
Le 9 août 2024
Une comédie à tendance dramatique, porté par un casting enfantin solide qui jongle avec les humeurs, entre drôlerie et tristesse. Ces deux tons contradictoires assurent la touchante sincérité de cette chronique familiale.
- Réalisateur : Julien Guetta
- Acteurs : Éric Judor, Marie Kremer, Laure Calamy, Philippe Duquesne, Brigitte Roüan, Déborah Lukumuena, Ilan Debrabant, Louise Labeque
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Le Pacte
- Editeur vidéo : Le Pacte
- Durée : 1h24mn
- Date télé : 18 août 2024 22:25
- Chaîne : TMC
- Box-office : 145 329 entrées France / 39 672 entrées P.P.
- Date de sortie : 25 juillet 2018
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Résumé : Alex, quarante-trois ans, est dépanneur automobile dans le garage que dirige sa mère d’une main de fer. Un jour, il dépanne une jeune femme et passe la nuit chez elle ; mais au petit matin, elle a disparu, lui laissant trois jeunes enfants sur les bras...
Critique : Lorsque l’on évoque Éric Judor, impossible de ne pas penser à cet humour absurde outrancier qui l’avait fait connaître dans le cadre de son duo avec Ramzi Bedia, il y a déjà vingt ans. Celui qui est désormais l’égérie d’EDF a depuis eu un parcours dont on ne saurait dire si la finalité assumée est de capitaliser ou au contraire de se détacher de cette image de clown immature qui lui colle à la peau. Il s’agit donc d’une figure atypique dans le cinéma français tant on ne sait jamais ce qu’il nous réserve, que ce soit des comédies d’une étonnante intelligence sociétale (Problemos qu’il a réalisé l’an dernier) ou à l’inverse des niaiseries déshonorantes (sa présence dans Les Nouvelles Aventures d’Aladin et très prochainement sa suite) mais aussi des ovnis plus inattendus encore (Wrong et Wrong Cop de son ami Quentin Dupieux). C’est exactement en cela qu’Eric Judor nous surprend dans le premier film de Julien Guetta.
- © 2018 SRAB Films, Rectangle Productions. Tous droits réservés.
Au-delà de son affiche et de sa bande-annonce - celle-ci ressemble d’ailleurs à un piteux résumé des vingt premières minutes du film -, qui lui donnent l’image d’une sympathique comédie familiale, c’est surtout l’ouverture du long-métrage, construit sur un montage tambour-battant, qui laisse croire aux spectateurs qu’ils sont face à une énième farce légère dans laquelle Éric Judor, le clown, va partager l’affiche avec des enfants aussi rigolos que lui. La bonne surprise du projet de Julien Guetta - dont on ne connaissait jusque-là que le travail de scénariste via le récent Joueurs – est dans la façon dont il va ensuite faire mentir cette première impression.
Or, justement, si nous évoquions jusque-là Éric Judor, c’est en fin de compte le jeune Ilan Debrabant qui lui vole rapidement la vedette. Le bagout de ce gamin de sept ans devient en effet le seul véritable moteur comique puisque l’on comprend très vite que le fil narratif d’Alex, le personnage de Judor, est celui d’un apprentissage du sens des responsabilités. Un schéma qui ne laisse que peu de place aux bouffonneries immatures auxquelles le comédien a pu nous habituer mais qui lui donne l’occasion d’exploiter son immaturité comme une source de tendresse. Dès lors, si ce grand enfant ne peut pas s’empêcher de lâcher quelques balourdises, celles-ci tendant plus à appuyer son caractère irresponsable qu’à susciter des éclats de rire dans le public. Le scénario rentre alors dans une construction assez linéaire, doublée par une seconde sous-intrigue qui consiste à voir ce "Tanguy" s’émanciper de sa mère, dont la finalité de passage à l’âge adulte est forcément des plus prévisibles.
- © 2018 SRAB Films, Rectangle Productions. Tous droits réservés.
Le véritable défi de Julien Guetta s’avère être de maintenir tout du long ce délicat équilibre entre les tonalités comiques et dramatiques de son pitch. Afin d’y arriver, il apparaît qu’il a eu recours à une mise en scène académique, jouant beaucoup de sa photographie solaire qui contribue pour beaucoup à sa bonne humeur, mais aussi à de nombreuses ficelles scénaristiques. La plus grosse facilité est évidemment de se débarrasser très rapidement du plus petit des trois bambins (celui sur l’affiche !). On pourrait également citer l’introduction d’un autre personnage adulte, incarnée par la toujours exquise Laure Calamy, dont le talent pour parler aux enfants contrebalance, et donc renforce inéluctablement, l’inexpérience du personnage principal. C’est aussi elle qui aide beaucoup à désamorcer toutes les difficultés que peut faire naître le comportement espiègle des deux autres gamins, tour à tour attachants et insupportables.
- © 2018 SRAB Films, Rectangle Productions. Tous droits réservés.
De la même manière, chacun des sous-enjeux qui naît au gré du scénario est rondement conclu, qu’il s’agisse des relations, professionnelles ou intimes, d’Alex ou de la peinture qui est faite des services sociaux. Cette écriture, qui survole toutes ses pistes un tant soit peu « adultes », en vient à se calquer à la sincérité enfantine avec laquelle ses deux jeunes acteurs, de respectivement sept et quinze ans, réussissent à faire partager leurs moment de joie comme de tourment. Et lorsque la trame en arrive inévitablement à son cliffhanger émotionnel, qui se voudrait éminemment lacrymal, c’est le jeu d’Éric Judor, outrancier comme à son habitude, qui pose les limites du film. C’est presque comme un écho à son ouverture, construite comme une comédie pas vraiment drôle, que la conclusion peine donc à nous tirer les larmes, allant jusqu’à faire reposer son happy end sur une niaiserie malvenue. Heureusement, entre les deux, Julien Guetta a globalement réussi ce délicat exercice consistant à mélanger deux genres antinomiques et que l’on nomme « comédie dramatique ».
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