Requiem - la critique du film

Il y a quelques années, des membres du FIS prenaient d’assaut un monastère cistercien dans le désert algérien et massacraient onze moines. Cette trame réactualisée permet à Hervé Renoh d’imaginer comment des hommes de foi non-violents peuvent réagir lorsqu’ils sont confrontés à la barbarie absolue. Un premier film sombre au suspense haletant.

Une bande de quatre malfrats menée par Marcus (Moussa Maaskri) s’évade de prison et trouve refuge dans un monastère coupé du monde. Christian (Patrick Dell’Isola), leur ancien complice laissé pour mort dans un cambriolage et qu’ils ne peuvent reconnaître, fait partie des moines pris en otage.

Un effroyable huis-clos va se jouer dans le monastère isolé. Comme les saints qu’ils adorent, les moines auront à faire le choix du martyre ou de la révolte. Ils devront trancher du plus profond de leur âme un insoluble dilemme : peut-on continuer d’affirmer des convictions pacifiques face aux pires horreurs, ou le démon doit-il se combattre avec les armes du diable ? Jusqu’où peut aller la foi quand des êtres maléfiques comme Marcus bafouent par leur existence même les enseignements de Dieu ?

Ces interrogations méritaient une atmosphère sombre jusqu’à l’excès pour se développer pleinement. Les quelques lieux qui servent de décor (monastère, forêt, prison) s’y prêtent naturellement et Hervé Renoh en rajoute encore à coup d’orages dignes des plus terribles colères divines. Le film bascule alors dans une esthétique gothique qui, sans être scandaleusement caricaturale, prête parfois à sourire. Dès leur évasion, les criminels se retrouvent ainsi drapés dans de longs manteaux de cuir noirs qui semblent les oripeaux du diable.

Imprégné de cette ambiance lugubre, Requiem ménage un suspense digne d’Usual Suspect, entrecoupé de séquences bourrées d’humour noir (la scène des "tympans fragiles" est particulièrement mémorable). L’histoire égrène savamment les révélations et tient le spectateur en haleine jusqu’au dernier moment. Et cela sans entourloupette scénaristique, sans justification bancale.

La grande force de l’intrigue tient dans une analyse psychologique assez fine pour éviter l’écueil d’une vision trop manichéenne. Les ravages du mal comme les préceptes de la foi ont pénétré les âmes à des degrés divers. Grâce à ces nuances, le crescendo de l’horreur n’en devient que plus efficace.

Dans l’obscurité du monastère, les visages des protagonistes ressortent avec force. Et quelles gueules de cinéma surgissent de l’ombre ! Moussa Maaskri, que l’on a pu voir dans Vidocq, campe ici un méchant qui fera date. Il donne à Marcus toute sa puissance physique pour en faire un personnage terrifiant, presque un ogre. Rien que pour lui, Requiem vaut le détour.