Le 12 novembre 2017
A l’occasion de la sortie de la saison 4 sur la BBC, retour sur l’une des grandes séries britanniques de ces dernières années. Et en blu-ray, s’il vous plaît.
- Acteurs : Cillian Murphy , Sam Neill, Helen McCrory, Paul Anderson , Joe Cole
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Historique
- Nationalité : Britannique
- : Arte Editions
- Date de sortie : 12 septembre 2013
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Sortie DVD & Blu-ray : le 6 septembre 2017
Résumé : En 1919, à Birmingham, soldats, révolutionnaires politiques et criminels combattent pour se faire une place dans le paysage industriel de l’après-Guerre. Le Parlement s’attend à une violente révolte, et Winston Churchill mobilise des forces spéciales pour contenir les menaces. La famille Shelby compte parmi les membres les plus redoutables. Surnommés les "Peaky Blinders" par rapport à leur utilisation de lames de rasoir cachées dans leurs casquettes, ils tirent principalement leur argent de paris et de vols. Tommy Shelby, le plus dangereux de tous, va devoir faire face à l’arrivée de Campbell, un impitoyable chef de la police qui a pour mission de nettoyer la ville. Ne doit-il pas se méfier tout autant la ravissante Grace Burgess ? Fraîchement installée dans le voisinage, celle-ci semble cacher un mystérieux passé et un dangereux secret.
Notre avis : En 3 saisons Peaky Blinders sera parvenu à se forger une place importante dans le monde de la série télé, et pas tant pour sa popularité (loin des mastodontes de ce médium) que pour sa force singulière à la base de l’engouement que la série a su éveiller chez ses spectateurs. D’une histoire familiale plutôt conventionnelle dans ses fondements, Steven Knight a élaboré une identité unique mystifiée par le ciel grisâtre d’un Birmingham industriel conférant une aura ténébreuse à ce récit de gangster post-Première Guerre mondiale. Ancré profondément dans son contexte, particulièrement dans la saison 1, Peaky Blinders n’évite pas toujours le piège de la démonstration des horreurs de la guerre ou de l’honneur qui découle du soldat pour poser solidement les tourments et principes des frères Shelby, largement dominés à l’écran par le charisme de Thomas (le protagoniste) et d’Arthur. L’écriture manque de subtilité à quelques reprises, mais traduit dans un sens le phrasé sans détour et toujours bien mesuré du chef de meute, brutal dans son leadership mais jamais impulsif. Au détour de ces 3 saisons se déploie une stratégie d’expansion agressive passionnante, passant de la boue d’un univers gitan dont est issue cette famille au luxe d’immenses bâtisses et d’embourgeoisement matériel. Cheminement classique mais ici ô combien ténébreux, la crasse ne disparaît jamais vraiment de l’imagerie de la série, mais change plutôt de strate. L’environnement devient chic, mais les mains bien plus sales qu’au début de ce récit, lorsque les Shelby ne tenaient encore qu’un modeste établissement de paris illégaux.
- Copyright : BBC
C’est avec plus de moyens et une ambition cinématographique clairement affichée que Peaky Blinders assombrit son univers au fil des saisons, amène vers des niveaux bien plus importants le business de cette famille passant du combat de rue aux affaires avec l’aristocratie russe et le gouvernement britannique. Le mysticisme se déplace alors, passant de l’état de bad trip sensoriel à l’opium de la saison 1 aux malédictions de la saison 3, la moins bonne de toute, mais honorable dans sa volonté d’apporter du renouveau dans la continuité. Qu’il touche aux croyances gitanes ou russes, Peaky Blinders ne s’éloigne jamais véritablement de cette atmosphère presque hallucinogène qui caractérise si bien le travail de Steven Knight dans la série télévisée. Sa dernière création, Taboo, poussait encore cet aspect à un échelon bien supérieur, trop supérieur d’ailleurs. Pas tellement d’excès ici, mais un goût certain pour l’ambiance crasseuse et vénère remuant les tripes (les flashbacks dans les tranchées), poussée par une mise en scène esthétisante également vecteur de l’enjolivement d’une série si classieuse qu’elle crée du cool avec du sale.
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Gros paradoxe dans Peaky Blinders donc, réunissant deux sentiments peut-être pas contraires mais assez opposés, puisant dans son univers malsain et funeste une fascination voire admiration pour cette fratrie au tempérament bien trempé. On peut penser à Coppola et son idéalisation des mafieux, avec un code d’honneur fort enjolivé, tant on retrouve ce même goût pour le culte de personnages en dehors des clous, ici glorifiés même dans les actes les plus contestables. La globalité de ces derniers se retrouvent justifiés par la psychologie des protagonistes, certains touchés par la guerre (traumatisme évoqué dans la saison 1), sont peu souvent remis en question (sauf quand le code d’honneur implicite se brise, fréquent dans la saison 3), mais s’inscrivent toujours dans un malaise ambiant. Cela ne remplace bien sûr pas la neutralité du point de vue que l’on peut parfois déplorer, mais amortit fortement l’idolâtrie éprouvée à l’encontre des Shelby. La série entrechoque ralentis glorificateurs et attitudes classieuses avec la prise de conscience de la violence de certains actes, les excès de colère d’Arthur et le pragmatisme de plus en plus froid de Thomas notamment.
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Les efforts de mise en scène de talentueux réalisateurs n’écrasent judicieusement jamais la pression justement écrasante à laquelle font face les personnages au quotidien. La musique de Nick Cave et Warren Ellis et les riffs saturés des White Stripes et des Artic Monkeys viennent contribuer au raffinement rock de cette atmosphère élégante mais poisseuse dans ses fondations. Peaky Blinders est le portrait d’hommes détruits marqués par la guerre, vécue de près ou de loin, ou simplement par la misère d’une Grande-Bretagne du peuple. Dommage que les saisons 2 et 3 ne consolident pas les liens avec ce cadre spatio-temporel fortifié par 6 premiers épisodes totalement dépendants de ce contexte. Exit l’ascension du communisme dans la classe ouvrière, conjointement à l’ascension de Tommy vers des rangs plus bourgeois, la série quitte cette proximité avec le peuple pour des intrigues plus émancipées de cette Angleterre populaire du début du XXe siècle. Au contraire, Peaky Blinders développe la question de la place de la femme comme l’essence de quelques sous-intrigues parfois passionnantes, mais aussi parfois branlantes, surtout dans la dernière saison défaillante dans sa représentation de l’unité féminine, cruche dans sa représentation du « girl power ». Symptomatiques d’une difficulté à maintenir la même qualité dans l’écriture, les derniers épisodes ont pu agacer par la tournure prise par certains personnages, Polly et Michael en tête, grossièrement dessinés dans leur évolution au sein de la famille Shelby et de la haute-société britannique. Pour la saison 4, on attend de Peaky Blinders un travail plus consistant et fluide afin de capter au mieux les évolutions de personnages passionnants à suivre, dans un univers si accrocheur qu’il en vient à fasciner.
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Le blu-ray :
Les suppléments :
A chaque saison son making-of de 15 ou 20 minutes. Classiques et trop courts pour vraiment évoquer en profondeur la série et ce qui gravite autour (notamment les véritables Shelby).
L’image :
Rien à redire du traitement sans failles de cet univers brumeux, donc pas facile à traiter. L’image, conformément à l’esthétique de la série, se retrouve assez fréquemment voilée (de manière légère ou flagrante), mais sans grosse perte de piqué, qui se maintient à un très beau niveau, tout en mettant de côté des noirs manquant parfois de profondeur. Au-delà de la définition, c’est surtout le rendu colorimétrique de la photographie qui satisfait de bout en bout, avec une palette de teintes jaunes et marrons pâles superbe mettant en exergue le travail sur la lumière du chef opérateur.
Le son :
L’ambiance oppressante de Birmingham et de Londres est correctement retranscrite, dans tout son fracas industriel et sa présence humaine, de même pour les voix graves et renfermées des différents grands acteurs du show. Seule réticence, l’inclusion de musique casse à quelques reprises l’équilibre du mixage et pèche par son manque de lourdeur et d’entrain. Pour une série comme Peaky Blinders, le problème est réel, mais heureusement très rare au cours de ces trois saisons. A noter que la VF, si elle fait disparaître les accents des acteurs (primordiaux pour une telle série), se hisse à un bon niveau, chose assez rare dans le monde de la série.
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