Forgé dans l’argile friable
Le 14 décembre 2018
Une relation père-fils au schéma ultra convenu dont les seules spécificités, propres à la culture péruvienne, restent uniquement contextuelles et anecdotiques.
- Réalisateur : Álvaro Delgado Aparicio
- Acteurs : Magaly Solier, Junior Béjar Roca, Amiel Cayo
- Genre : Drame
- Nationalité : Péruvien
- Distributeur : Damned Distribution
- Durée : 1h41mn
- Titre original : Retablo
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 19 décembre 2018
- Festival : Festival de Berlin 2018
– Ours de Cristal, Berlin 2018
Résumé : Vivant dans les montagnes reculées du Pérou, Segundo, un jeune garçon de 14 ans, se prépare à suivre les traces de son père dans l’art traditionnel du retable, représentant des scènes religieuses et d’importants événements quotidiens. Segundo, comme tous les habitants de la région, vénère son père, et prend conscience du poids et des obligations que représente un tel héritage. Mais la découverte d’un secret inavouable va tout renverser pour la vie de son père et révéler à Segundo la réalité brute du monde dans lequel il a grandi.
Notre avis : L’affiche du film, mais aussi son titre original, Retablo, annoncent que l’un des principaux sujets auquel Alvaro Delgado Aparicio a choisi de consacrer son premier long-métrage concerne ces petites statuettes. Dans la scène d’ouverture notamment, le sculpteur, surnommé « el maestro », fait prendre la pause à une famille entière, avec au moins autant d’autorité qu’en aurait un photographe de mariage de par chez nous. Toutefois, un spectateur ne connaissant pas les retables, ces figurines colorées, ni leur importance dans la culture locale, n’en apprendra pas beaucoup plus, sinon qu’il s’agit d’une tradition qui se transmet de père en fils. Cet art populaire andin est en effet avant tout le support de l’héritage que le jeune Segundo reçoit de son mentor de père. Tour à tour sous influence et conflictuelle, la relation de cet adolescent avec ce patriarche omniprésent suit une construction en trois actes telle qu’on en a déjà vu pléthore.
- © SIRI Producciones / Claudia Cordova
On en retiendra au moins que les crises d’adolescence que vivent les jeunes au fin fond de la Cordillère des Andes sont parfaitement similaires à celles que l’on vit, ou plus exactement que l’on voit au cinéma, en Occident. Les deux premiers tiers de cette évolution, qui font respectivement apparaître Segundo comme un fils prodigue puis comme un enfant révolté, n’offrent comme véritable plus value que la beauté des paysages dans lesquels ils sont filmés. Le troisième tiers, qui mathématiquement dépasse à peine la demi-heure, et qui, sans surprise, consiste à voir Segundo revenir vers son père, aurait, à l’inverse des précédents, mérité d’être davantage développé. Cette inévitable étape rédemptrice, au cours de laquelle l’inversion du rapport de force entre les deux hommes devient source d’émotions, manque en effet d’intensité dramatique. Ainsi, même si le climax final est incontestablement tire-larmes, il aurait été bien plus bouleversant s’il avait su être mieux amené.
- © SIRI Producciones / Claudia Cordova
Les éléments perturbateurs qui marquent les étapes dans cette relation –toujours selon cette même construction théâtrale– manquent eux aussi d’un minimum d’approfondissement. Découvrir que ce père cache son homosexualité et que, en l’apprenant, aussi bien sa femme que les villageois deviennent soudain très violents à son égard, ne nous permet d’en savoir davantage sur la place délicate des homosexuels dans les Andes, tant ce que l’on en voit ici aurait, là encore, été strictement similaire dans un film produit n’importe où ailleurs.
En relevant le défi de signer un film en quichua, une langue qu’il ne maîtrise pas, Aparicio a assurément rencontré de lourdes difficultés dans la direction de ses acteurs, pour la plupart non professionnels. On peut alors supposer que Secundo était décrit comme moins mutique dans le scénario que tel qu’il apparaît à l’écran. Que ce soit ou non le cas, la frugalité des dialogues ne justifie pas à elle seule que ce film ne parvienne à exploiter efficacement aucune des thématiques qu’il aborde. Le manque d’expérience de son auteur y est assurément pour beaucoup.
- © SIRI Producciones / Claudia Cordova
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minouche 3 janvier 2019
Mon père - la critique du film
le film ne m’a pas vraiment déplu mais j’aurai préféré que cela soit réalisé par un quechua , car ce qui me gène , c’est que le thème de l’homosexualité est tant à la mode qu’il est même transporté dans les Andes. Or il y a tant de problèmes à traiter dans ces communautés qui sont un peu les "laissés pour compte" dans la société métissée qui existe au Pérou : problèmes de contamination de l’eau, pas de retraites pour ceux qui ont travaillés au service pendant des années de familles plus aisées, pas d’accès gratuits aux médicaments et j’en passe . Ce film fait donc un peu figure de film "bobo". Par contre les images sont très belles ainsi que les acteurs qui jouent très bien.