Ou quand la radio ne passe pas.
Le 11 février 2014
Second volet d’une tétralogie qui se base sur les quatre points cardinaux de l’Europe, ce film s’inscrit dans un vaste projet, initié par le réalisateur suisse Lionel Baier, qui présente des interactions entre différents pays du vieux continent afin de révéler toute la richesse possible entre des populations qui, souvent, ne se comprennent pas.


- Réalisateur : Lionel Baier
- Acteurs : Michel Vuillermoz, Valérie Donzelli, Patrick Lapp
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français, Suisse, Portugais
- Distributeur : Happiness Distribution
- Durée : 1h24mn
- Date télé : 10 août 2016 20:55
- Chaîne : Arte
- Titre original : Les Grandes Ondes (A l'Ouest)
- Date de sortie : 12 février 2014

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Résumé : Avril 1974. Cauvin et Julie, deux journalistes de la radio suisse, sont envoyés au Portugal pour un reportage. Ils sont accompagnés de Bob, leur technicien, et rejoints par Pelé, un jeune traducteur. La petite équipe déclare vite forfait en constatant que l’objet de leur reportage, l’entraide suisse au Portugal, est bien loin de l’image qu’ils s’en faisaient. C’est en chemin qu’ils apprennent la Révolution des Œillets et vont se mêler corps et âmes à cette folle nuit du 24 avril 1974.
Critique : À l’heure où l’Union Européenne est montrée du doigt, Lionel Baier réalise un film espiègle au ton résolument léger dans lequel il rappelle les fondements de cette zone et tous les échanges qu’elle permet. En mettant en scène quatre personnages très différents, il montre que toutes les générations peuvent trouver une réponse à leurs ambitions et désirs grâce aux autres et par les autres.
Chaque membre de l’équipe symbolise alors tous les espoirs des Européens : Michel Vuillermoz (Cauvin) représente la vieille école et ce vieux continent qui, comme lui, a la mémoire fragile, mais que l’on a tout de même envie de connaître et d’aimer. D’une grande honnêteté, ce personnage de reporter vedette tombé dans l’oubli volontairement a soif de relations humaines et de tendresse.
Face à cet homme parfois bougon qui cache une profonde détresse, Valérie Donzelli prête ses traits et une incroyable fraîcheur à une journaliste ambitieuse et féministe (Julie) qui, talentueuse, n’a pas d’autre choix pour s’imposer à la radio que d’évoluer dans un monde d’hommes qui lui demandent sans cesse de faire ses preuves. Elle voit en la révolution portugaise toutes les possibilités offertes pour le droit des femmes.
Ces deux reporters que tout oppose sont secondés par Bob, technicien et preneur de sons interprété par Patrick Lapp, qui recherche une seconde jeunesse et l’occasion de montrer tout son talent. Le jeune Pelé est celui qui montre le mieux toutes les influences et les idées qui passent entre les frontières. Lui, le jeune Portugais qui vit dans un petit village où il s’ennuie, ne rêve que de connaître l’effervescence du Marseille décrit par Marcel Pagnol.
La radio joue également un rôle majeur : c’est grâce à elle que l’intrigue connaît des rebondissements, grâce à la transmission des infos, permettant à ces journalistes que l’on ne connaît que grâce à leurs voix d’avoir un visage et surtout une identité. La venue des journalistes suisses permet de mettre l’accent sur les échanges entre chaque pays, qu’ils soient culturels, économiques ou sociaux.
Léger sans être naïf, le film témoigne d’une Europe dans laquelle les disparités entre les peuples et les sexes étaient présentes dans les années 70 mais où l’enthousiasme l’emportait, quand la morosité règne aujourd’hui.
Dans ce portrait d’un continent encore en devenir, où toutes les possibilités s’offraient à qui savait prendre des risques, le réalisateur réussit à montrer tous les enjeux d’une évolution nécessaire sans conflit de générations.
La naïveté du film devient malgré tout presque déplacée face à la gravité de certains faits : si le Portugal a su se libérer et donner un élan d’espoir à ses voisins, l’allusion à l’Espagne franquiste rappelle que tout n’est pas aussi rose ailleurs. Voir les personnages s’amuser et profiter des nombreux intérêts que peut leur apporter ce reportage au Portugal est un des points faibles du film, puisque la danse et la musique ne parviennent pas à balayer les attentes du spectateur qui espérait mieux.
Seul Michel Vuillermoz tire son épingle du jeu, en offrant à son personnage de Cauvin un des rares moments vraiment drôles de l’ensemble : cité en exemple grâce à sa nationalité, il entame un discours incompréhensible pour le public et surtout pour son auditoire, confondant les langues brésilienne et portugaise. À sa décharge, il est le seul à se rendre compte des enjeux historiques de la Révolution des Œillets, alors que sa collègue Julie se retrouve au cœur d’un ballet improvisé. Loin de servir l’intrigue, ces pas de danse ne font que révéler l’inégalité globale du film, entre passages rythmés et scènes d’une grande platitude.
Le message passe néanmoins très bien : au lieu de rester dans notre pays, en ruminant inutilement des préjugés sur nos voisins, partons plutôt les découvrir ! La tétralogie de Lionel Baier, une fois achevée, permettra au public de visiter l’Europe sans bouger de son siège, tout en mettant en lumière des clivages qui représentent une force.
Loin de toute considération politique, il rappelle que ce vaste territoire qu’est l’Europe est avant tout une terre d’échanges, où les possibilités sont infinies. Alors film léger, certes, rafraîchissant, aussi… Mais certainement pas dépourvu de bon sens.