Le 23 août 2022
Une chronique quelquefois burlesque et toujours satirique qui se plaît à observer avec le même plaisir les dérives du continent européen et celles des sentiments humains.
- Réalisateur : Lionel Baier
- Acteurs : Isabelle Carré, Ursina Lardi, Ivan Georgiev, Théodore Pellerin, Tom Villa
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Suisse
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h29mn
- Date de sortie : 24 août 2022
- Festival : Festival de Cannes 2022
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Résumé : Nathalie Adler est en mission pour l’Union européenne en Sicile. Elle est notamment chargée d’organiser la prochaine visite d’Emmanuel Macron et Angela Merkel dans un camp de migrants. Présence à haute valeur symbolique, afin de montrer que tout est sous contrôle. Mais qui a encore envie de croire en cette famille européenne au bord de la crise de nerfs ? Sans doute pas Albert, le fils de Nathalie, militant engagé auprès d’une ONG, qui débarque sans prévenir alors qu’il a coupé les ponts avec elle depuis des années. Leurs retrouvailles vont être plus détonantes que ce voyage diplomatique…
Critique : À Catane (Sicile), une ancienne base de l’OTAN a été reconvertie en camp de migrants. Nathalie Adler (Isabelle Carré) et son adjoint (Ivan Goergiev), chargés de coordonner les opérations, sont sur le pied de guerre. Le président français et la chancelière allemande sont attendus. Les émissaires internationaux envoyés en reconnaissance découvrent un lieu bien trop léché à leur goût. Il faut que les media convoqués aient matière à faire pleurer et que les politiques puissent étaler leur compassion face à la misère du monde. Même le figurant déguisé en immigré sénégalais s’exprime trop parfaitement. Le représentant de l’Élysée (Tom Villa) tance avec un cynisme revendiqué (avec vous, tout finit toujours dans un camp, lui assène t-il) son homologue allemande (Ursina Lardi) qui ne manque pas de le renvoyer à ses propres faiblesses, l’essentiel étant que chacun puisse affirmer la suprématie de son pays. Alors que l’on imagine se diriger vers une satire politique de bonne facture, voilà qu’un virus tout droit venu de Chine (on est en février 2020) vient bousculer l’agenda des dirigeants attendus et donner une nouvelle tournure au récit.
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Alors qu’elle rebrousse chemin, Nathalie rencontre tout à fait par hasard un jeune homme (Théodore Pellerin) qui n’est autre qu’Albert, ce fils qu’elle n’a pas vu depuis une dizaine d’années, quand, à la découverte de son homosexualité, elle a abandonné mari et enfant. Aujourd’hui, le jeune homme, engagé dans une ONG, milite contre l’indignité des traitements infligés à ceux qui tentent de traverser la Méditerranée pour rallier le continent européen à l’heure où sa mère s’arrange avec la réalité pour satisfaire aux pressions bureaucratiques. À l’image du couple franco-allemand en éternelle concurrence et d’une Europe qui peine à répondre aux aspirations de ses citoyens, cette mère incapable de conjuguer émancipation féminine et obligations maternelles et ce fils pas tout à fait irréprochable parviendront-ils à s’accepter et à vivre une relation épanouie ?
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Certes, la comparaison peut sembler osée et le virage de la diatribe politicienne initialement promise vers une comédie familiale omniprésente s’avérer radical. Mais la brutalité de ce changement de cap n’a d’égale que l’intérêt du réalisateur suisse Lionel Baier pour la construction européenne. Attachement dévoilé à travers sa tétralogie démarrée en 2006 avec Comme des voleurs (à l’est) (Pologne), suivi en 2013 de Les grandes ondes (à l’ouest) (Portugal). Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en mai dernier, La dérive des continents (au sud en est le troisième élément avant l’arrivée de Keek (au nord) (Écosse). Appliquant le proverbe Qui aime bien châtie bien, notre fervent supporter européen adopte un ton gentiment moqueur plutôt que désespérément moralisateur. Sans jamais dramatiser, il pointe du doigt l’hypocrisie d’une Europe prise au piège de la crise migratoire et multiplie les situations ubuesques portées haut et fort par le malicieux sens de la dérision de Tom Villa et Ursina Lardi, irrésistible incarnation de l’égocentrisme assumé. Mais finalement, c’est à travers la consolidation du tandem Isabelle Carré/Théodore Pellerin, solidement arrimé sur ses dialogues vifs et bien amenés, que le récit trouve sa vitesse de croisière. Il apporte, sans se prendre au sérieux, sa part d’optimisme et d’espoir autour de l’avenir de cette Union européenne, encore et toujours ballottée au gré des incertitudes.
Si les continents continuent de dériver, le cinéma, lui, peut s’enorgueillir de tenir là une valeur sûre.
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