Les Bleus : une autre histoire de France - la critique du documentaire

Notre avis : Omniprésent à la télévision, le football figure bien souvent parmi les plus forts taux d’audience. Dès lors, rien d’étonnant que de documentaires sur le sujet voient le jour.
En 1998, suite à l’épopée victorieuse des Bleus, Stéphane Meunier avait réalisé Les yeux dans les Bleus, qui marquait une immixtion dans le quotidien des joueurs de l’équipe de France.
En 2016, Les Bleus : une autre histoire de France a un objectif différent. Ses co-réalisateurs, Sonia Dauger et David Dietz, souhaitent tirer le bilan de vingt ans d’équipe de France de football (1996 – 2016). L’ambition dépasse largement le bilan sportif. Pour cela, il y a évidemment les journaux sportifs, les sites internet et les livres spécialisés.
Ici, les réalisateurs mettent en exergue le lien particulier entre l’équipe de France et la population française. Le documentaire pourrait rapidement susciter l’ennui ou un intérêt moindre dans la mesure où il s’appuie sur des images d’archives que l’on a tous vu à de multiples reprises. On songe ainsi à la victoire des Bleus en 1998 ou au désastre de Knysna en Afrique du Sud avec la grève des joueurs. Et puis la linéarité des événements relatés n’arrange guère les choses.

Heureusement, Les Bleus : une autre histoire de France entend, comme son titre l’indique, se démarquer des autres documentaires sportifs en faisant un parallèle entre l’équipe de France, la politique et l’évolution de notre société. Les thèmes sensibles de l’immigration, de l’intégration des jeunes des banlieues sont au cœur de ce documentaire. On y trouve également de manière prégnante la récupération par les politiques de l’image véhiculée par les Bleus.Une image évidemment positive quand la France gagne (sur le plan sportif) et où les scènes de liesse populaire accouchent de la fameuse expression : la France « Black blanc bleur ». A l’inverse, certains politiques remettent en cause la le patriotisme de certains joueurs de l’équipe de France, avec comme argument le fait qu’ils ne chantent pas l’hymne national.
Rythmé au gré d’images d’archives nombreuses, d’interviews télévisées d’’époque, d’interviews actuelles de joueurs ayant évolué en équipe de France mais aussi de journalistes sportifs et de politiques (Marie-Georges Buffet, Jean-Pierre Raffarin, François Hollande), Les Bleus – une autre histoire de France se présente comme un documentaire particulièrement bien étayé. Certaines analyses sont pertinentes, même si certains raccourcis utilisés sont un peu faciles. Les problèmes sociétaux ne dépassent la question des Bleus. Les joueurs de l’équipe de France sont là pour représenter leur pays et jouer au football. Pour le reste ce sont des choses qui a priori ne les concernent pas.

Toutefois, il faut tout de même reconnaître que le documentaire a le mérite d’appuyer là où ça fait mal, à l’image de ce match « amical » France – Algérie de 2001 qui a dépassé le créneau purement sportif et n’a jamais pu se terminer, en raison d’un stade envahi par des spectateurs. Une nouvelle fois, l’intégration de certains jeunes des banlieue a été remise en question.
Par ailleurs, l’observateur attentif notera que l’équipe de France suit l’évolution de la société spectacle qui est la nôtre : les Zidane, Blanc et Deschamps, loués pour leur modestie ont notamment laissé place à des Anelka, Benzema et Nasri très « bling bling » dans leur comportement et donc parfaits boucs-émissaires des échecs des Bleus. Comme quoi, l’aspect communication demeure fondamental, puisque, au-delà des résultats sportifs, les comportements de ces joueurs sont scrutés de toute part. Et cela est encore plus marqué lorsque certains de ses membres sont issus des banlieues. Les médias ont évidemment leur part de responsabilités, ce que ne manque pas de signaler ce documentaire. Il faut dire que la grève de Knysna a durablement écorné l’image de l’équipe de France dans le monde entier.
Les Bleus : une autre histoire de France prend d’ailleurs une résonance particulière à notre époque actuelle marquée par la crise des migrants, la montée du Front National et du populisme. Comme quoi, l’histoire des Bleus, cela n’est pas que du football. Et c’est ce qui fait tout son intérêt, bien plus que le narcissique documentaire Teddy dans l’ombre de Riner, qui sort quasiment en même temps que celui-ci en DVD, blu ray et VOD.