Le 6 décembre 2017
Entre espoir et désillusion, une déambulation réaliste dans l’Alger de l’après-guerre civile qui, à travers ses habitants, se cherche un avenir.
- Réalisateur : Sofia Djama
- Acteurs : Sami Bouajila, Nadia Kaci, Lyna Khoudri, Amine Lansari , Adam Bessa
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : Bac Films
- Durée : 1h42mn
- Date de sortie : 13 décembre 2017
- Festival : Festival de Venise 2017
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Alger, quelques années après la guerre civile. Un couple aisé, Amal et Samir fêtent leur vingtième anniversaire de mariage. Ils ne partagent plus les mêmes idées et la soirée se transforme vite en scène de ménage. Pendant ce temps, leur fils Fahim et ses amis, Feriel et Reda, déambulent dans les rues de la ville sans trop savoir où les mènera l’avenir. Au cours de la nuit, ils sont confrontés à la puissance policière de l’Etat algérien.
Notre avis : l’histoire chaotique de ce grand pays du Maghreb n’en finit pas d’inspirer ses cinéastes. Alors que Karim Moussaoui nous proposait il y a quelques semaines, à travers En attendant les hirondelles, le panorama sensible d’un peuple coincé entre respect et résignation, Sophia Djama ausculte les cicatrices laissées au cœur de la ville d’Alger, encore convalescente. Après Mollement, le samedi, un court-métrage revendicateur et nerveux évoquant une Alger « ville étranglée » qui choque les Algérois, elle choisit l’apaisement en réalisant ce premier long-métrage qui laisse toute latitude à la diversité de cette nation multiple. L’action se déroule sur 24h, en 2008 et met en scène plusieurs protagonistes aux opinions et aux désirs variés, révélant ainsi la richesse citoyenne chère aux Algérois.
- Copyright Bac Films
D’un côté, les adultes symbolisés par ce couple qui, en plus de fêter ses vingt ans de mariage, tente de rendre hommage à ce soulèvement populaire de 1988 qui lui avait laissé espérer un avenir meilleur pour le pays. Revenus de leurs illusions, ils constatent l’échec de leur combat qui n’a abouti qu’à un conservatisme religieux méprisant pour les femmes et à des abus policiers capables d’engendrer une violence de tous les instants. Samir, gynécologue, se donne l’illusion de continuer sa lutte pour la liberté en pratiquant des avortements clandestins. Ce qui ne manque de provoquer la morgue d’Amal, plus idéaliste et désormais si persuadée que son pays n’a plus d’avenir qu’elle exhorte chaque jour davantage son fils à partir faire des études en Europe. La réalisatrice illustre judicieusement l’enfermement de cette génération désabusée en la filmant dans des cadres fermés (voitures, à l’intérieur d’une maison, regardant la ville du haut d’un balcon....) jusqu’à cette scène de l’apéritif qui focalise toutes les rancœurs et se termine en règlement de comptes entre ceux qui sont partis pour la France, ceux qui regrettent de ne pas l’avoir fait et ceux qui continuent de se voiler la face.
- Copyright Bac Films
Pendant ce temps, leur fils Fahim et ses amis Feriel et Reda, issus d’un milieu social plus populaire, errent dans une Algérie, sous tension mais dans laquelle ils ont réussi à se créer des espaces de liberté et même de rêves. Ils tuent l’ennui grâce à la drogue et à l’acool noyés dans une bonne rasade de dérision. A l’inverse de leurs aînés, ils vivent dans la société telle qu’ils la connaissent depuis leur enfance et essaient juste d’y évoluer le mieux possible sans porter de jugement, faisant ainsi figure de « bienheureux ». Avec eux, on part à la découverte de cette ville qui s’affirme peu à peu comme le personnage central du récit et dont l’architecture déconcerte autant que son histoire : Entre urbanisme stalinien et vestiges coloniaux, une mise en scène alerte et pragmatique nous promène dans ce dédale de rues folles, au milieu d’ immeubles écrasants et sombres qui accentuent encore la perte de repères, ou au fond de squats occupés par une jeunesse qui, coincée entre respect des traditions et désirs d’émancipation, écoute du taqwacore, musique punk à la sauce "muslim", prétendument destinée à faire la synthèse entre piété musulmane et idéologie sans futur.
- Copyright Bac Films
Si Sami Bouajila prête fort justement son talent au personnage résigné de Samir, c’est vers les deux comédiennes féminines au tempérament lucide et déterminé que se tournent tous les regards. Si la révolte élégante de la plus âgée (Nadia Kaci) émeut, la vivacité cynique de la plus jeune, frondeuse et voluptueuse, permet à la jeune Lyna Khoudri de crever l’écran (elle a obtenu le Prix d’Interprétation au Festival de Venise dans la compétition Orrizonti) en même temps que de déboulonner l’immobilisme déconcertant qui fige ce pays.
A travers ces destins croisés, peints avec une infinie tendresse se dessine une authentique fresque politico-sentimentale en hommage à tous ceux qui ont de tous temps lutté contre un système extrémiste et qu’il est impératif de ne jamais oublier.
39ème Cinémed Montpellier 2017
Bayard 1ère Meilleure oeuvre cinématographique de fiction de Namur
Festival de Venise compétition Orrizonti (Prix interprétation féminine)
Arras Film Festival 2017
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.