OSS 117 à Tripoli
Le 30 mai 2012
Un ratage de première, d’un nombrilisme déplacé devant les souffrances d’un peuple. Le vrai documentaire sur la révolution libyenne reste à faire.
- Réalisateur : Bernard-Henri Lévy
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Durée : 1h46mn
- Date de sortie : 6 juin 2012
- Festival : Festival de Cannes 2012
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Résumé : La guerre de Libye vue de l’intérieur. Sur le terrain et dans les capitales du monde. Par ceux qui l’ont faite - Libyens, Français et autres.
Critique : Selon Gilles Jacob et Thierry Frémeaux, le film « montre comment des convictions et des idées peuvent infléchir le cours de l’Histoire et rendre possible une ingérence humanitaire et politique qui semblait jusque-là impensable ». À vrai dire, on se demande surtout comment un tel documentaire de propagande et de narcissisme a pu être présenté en sélection officielle du premier Festival de cinéma du monde et encore plus comment il a pu obtenir une distribution en salles aussi ample, quand nombre de films d’art et d’essai peinent à connaître une large diffusion... Nous ne doutons pas une seconde de la sincérité de l’engagement de Bernard-Henri Lévy, déjà auteur de Bosna (1994), et qui échoua à convaincre le président Mitterrand du bienfondé d’une intervention militaire en ex-Yougoslavie, avant d’avoir carrément une fin explicite de non-recevoir de la part du président Chirac pour une ingérence en Afghanistan. Que Kadhafi ait été un tyran inexcusable, notamment pour ses crimes envers son propre peuple lors du printemps arabe, que le droit d’ingérence puisse être défendu pour sauver une population de l’oppression, tout cela constitue des évidences qui ne sauraient être remises en cause. Ce qui ne va pas avec Le serment de Tobrouk, c’est cette certitude avec laquelle BHL assène son point de vue, ne donnant la parole à ses contradicteurs qu’à l’occasion de quelques minutes consacrées à... Eric Zemmour et Marine Le Pen. Au nom de quel mandat démocratique notre philosophe de salon se substitue-t-il aux ministères de la Défense et des Affaires étrangères ? Quelle était la légitimité du Conseil national de transition libyen au moment où l’auteur a voulu le présenter officiellement au président Sarkozy ? Qu’en est-il des dommages collatéraux de l’intervention militaire ? Quels étaient les rapports exacts entre les gouvernements français et libyens avant ces événements ? Ces interrogations sont soigneusement évitées par BHL qui préfère se positionner en sauveur de l’humanité, lui qui a attiré l’attention de Nicolas Sarkozy et Hillary Clinton sur la nécessité d’une intervention de l’ONU et de l’OTAN, lui qui a convaincu Israël de se refaire une virginité en aidant un peuple arabe à se soulever contre un despote, lui qui a voulu fédérer les chefs de tribu libyens pour qu’ils rédigent une déclaration commune, lui qui est allé négocier avec des vendeurs d’armes dans les bas-fonds d’Istanbul. Pour un peu, BHL se décernerait le prix Nobel de la paix (et des marchands de canon)... On croit rêver en le voyant se faire filmer, costume repassé et chaussures cirées, en plein cœur de guérillas urbaines, avec en voix off un texte ampoulé récité d’un ton précieux et sophistiqué... On hallucine devant ces relents de néocolonialisme, drapeaux français agités en plein centre de Tripoli ; on est stupéfait face à ce nombrilisme déplacé devant les souffrances d’un peuple. Le vrai documentaire sur la révolution libyenne reste à faire.
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