Le 25 octobre 2021
Ecrit comme un hymne à la liberté, à la maternité, à l’émancipation féminine et au cinéma, Le Pardon participe une nouvelle fois à la grandeur du septième art iranien.
- Réalisateurs : Maryam Moghadam - Behtash Sanaeeha
- Acteurs : Maryam Moghadam, Alireza Sani Far, Pouria Rahimi, Avin Poor Raoufi
- Genre : Drame
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : KMBO
- Durée : 1h45mn
- Titre original : Ghasideyeh gave sefid
- Date de sortie : 27 octobre 2021
- Festival : Festival de Berlin 2021
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Résumé : Iran, de nos jours. La vie de Mina est bouleversée lorsque son mari est condamné à mort. Elle se retrouve seule, avec leur fille à élever. Un an plus tard, elle est convoquée par les autorités qui lui apprennent qu’il était innocent. Alors que sa vie est à nouveau ébranlée, un homme mystérieux vient frapper à sa porte. Il prétend être un ami du défunt et avoir une dette envers lui.
Critique : C’est une cour de prison. D’un côté, il y a les hommes rangés le long du mur ; de l’autre, les femmes qui disparaissent sous la noirceur de leur voile ; et au milieu, sur le pavé, il y a une vache, comme une illustration de la fameuse sourate Al Baqarah, dont un extrait d’ailleurs commence le long-métrage. On ne peut pas faire le procès de la démagogie à ces deux réalisateurs. La première est une jeune comédienne, le second un cinéaste plus avancé en âge. Ils connaissent leur pays, l’Iran, dont ils ont à cœur de décrire la mécanique administrative et judiciaire où le pire trouve sa justification dans une prétendue volonté divine. Le pardon est un film proprement stupéfiant. Il concourt à un patrimoine cinématographique iranien qui évoque, avec un courage inouï, une société partagée entre la modernité de sa capitale et un système juridique réactionnaire, faisant encore droit à la peine de mort. On se croirait soudain précipité dans la France de la fin des années 70 où un certain Badinter dénonçait dans une plaidoirie aux accents d’éternité, le risque de l’erreur judiciaire et le devoir d’une société à ne pas succomber au désaveu de la vengeance.
- Copyright Amin Jafari
Le pardon, c’est d’abord une mise en scène totalement maîtrisée et d’une immense profondeur. Pour une fois dans le cinéma iranien, il n’y a pas d’excès dans les cris ou les larmes. Au contraire, Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha font le choix de la sobriété comme moteur narratif central. Il n’y a pas de musique ou très peu, les prises de vue semblent simples, évidentes presque, la lumière et l’étalonnage refusent toute forme d’esbroufe. Cette épure du style à la façon d’un film de Fassbinder permet au spectateur de se rapprocher des deux personnages principaux, comme s’il avait été invité à déambuler avec eux dans les avenues chargées de voitures de Téhéran ou à prendre le thé au bord de leur table. Derrière le récit éminemment cornélien, les deux cinéastes parlent de la douceur de vivre, du courage à affronter ses fantômes et de la nécessité de se recréer un sens quand on a tout perdu.
- Copyright Amin Jafari
Il y a beaucoup de tragique dans cette œuvre magnifique. Le tragique est politique, sentimental, familial. Il essaime toute la société iranienne qui doit composer avec les relents conservateurs de la religion, le poids du patriarcat dans les relations sociales, et la nécessité d’avancer vers plus de liberté. Les personnages du film sont écartelés entre ces fils complexes. Ils doivent se frayer un chemin, une raison d’être, malgré la peur des représailles, qu’elles émanent du régime ou de l’intérieur des familles elles-mêmes. Plus précisément, Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha rendent hommage à la puissance d’agir des femmes, à travers la figure quasi christique de Mina. La jeune femme protège sa fille de l’aigreur de la réalité en lui réécrivant l’histoire de leur vie et en lui offrant des séances de cinéma plusieurs fois par jour. L’art rime avec le féminin. La création romanesque, la fiction apparaissent comme les piliers d’une société qui doit se réinventer.
- Copyright Amin Jafari
Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha offrent sur les écrans français un long-métrage d’une rare intensité. L’amour est convoqué dans ce récit militant qui met au cœur de la lutte pour la liberté, la figure exemplaire d’une mère. La petite fille sourde et muette dont un pan du visage partage l’affiche, nourrie de cinéma et d’images, apparaît comme une fenêtre, un espoir à tout un pays, l’Iran, qui se débat dans ses contradictions.
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