Le 23 août 2023
Cette œuvre austère de Glauber Rocha est un sommet du Cinema Novo. On apprécie sa dénonciation sans concessions des injustices sociales dans un style au carrefour du lyrisme et de la distanciation.
- Réalisateur : Glauber Rocha
- Acteurs : Othon Bastos, Geraldo del Rey, Yoná Magalhães, Mauricio do Valle, Lidio Silva
- Genre : Drame, Aventures, Western, Noir et blanc, Drame social, Policier
- Nationalité : Brésilien
- Distributeur : Capricci Films
- Durée : 2h03mn
- Reprise: 30 août 2023
- Titre original : Deus e o Diabo na Terra do Sol
- Date de sortie : 18 octobre 1967
- Festival : Festival de Cannes 1964, Festival de Cannes 2022
L'a vu
Veut le voir
– Reprise en version restaurée : 30 août 2023
– Année de production : 1964
Résumé : Dans les plaines arides du Sertão, un couple de paysans brésiliens, touché par la misère, commet un meurtre pour s’en sortir avant de s’enfuir. Ils s’en remettent à deux personnages violents et mystiques, symbolisant la révolte : Sebastião, l’incarnation de Dieu, et Corisco, celle du diable.
Critique : Glauber Rocha est l’un des plus brillants représentants du Cinema Novo, avec Nelson Pereira dos Santos, Carlos Diegues et Ruy Guerra. Ce courant majeur du cinéma brésilien des années 1960 souhaitait incarner l’héritage du néoréalisme italien (la description sans fard des classes populaires), tout en s’inspirant des libertés de ton de la Nouvelle Vague (caméra à l’épaule, son direct…). Pourtant, Le dieu noir et le diable blond a peu à voir avec le sentimentalisme humaniste d’un Vittorio De Sica (Le voleur de bicyclette) ou le catholicisme dépouillé d’un Rossellini (Les onze fioretti de François d’Assise). Et l’on est assez éloigné du jeunisme apolitique de certains ex-rédacteurs des Cahiers, davantage tournés vers un nombrilisme bourgeois. Coécrit avec Walter Lima Jr., le scénario opte pour un faux décalage historique. L’action se situe en effet dans les années 40, période de fortes inégalités sociales au Brésil, mais aurait pu être transposée vingt ans plus tard, la situation s’étant peu améliorée entre-temps, d’autant plus qu’un coup d’État devait plonger le pays dans la dictature, de 1964 (année de présentation du film à Cannes) à 1985. Mais Glauber Rocha n’opte pas pour le misérabilisme, et encore moins pour le naturalisme.
- © 2023 Capricci. Tous droits réservés.
Son film se réfère aux contes mythologiques et légendes locales. Et si sa description sans concessions de la pauvreté est manifeste, elle s’inscrit dans une volonté d’intégrer des genres divers, du musical (le chœur antique commentant les faits) au western, en passant par le film policier, via l’intervention du tueur à gages Antonio das Mortes, dont le personnage et l’acteur seront repris dans un autre métrage de Rocha. Le protagoniste, Manuel, doit prendre ses distances avec deux hommes incarnant deux facettes d’une fausse solution face à l’oppression. Le dieu noir s’avère être un prédicateur nocif, quand le diable (pas si) blond a le visage de la terreur et de la vengeance aveugle. Cinéaste engagé, clairement situé à gauche, Rocha n’est pourtant pas dupe des utopies diverses. Dans un entretien paru dans Les Lettres françaises (25/10/1967), et cité dans le dossier de presse, il précise ainsi : « Je n’ai rien inventé, tout est vrai. On voit comment le sous-développement peut conduire aux manifestations les plus étranges de la révolte, à sa forme mystique et même à son expression la plus barbare, le sacrifice rituel. Manuel, le paysan révolté, est soumis à diverses tentations, fasciné par les formes primitives de la violence, mais il finit, comme le peuple, par se détourner de cette sorte de rébellion sans perspective ».
- © 2023 Capricci. Tous droits réservés.
Oscillant entre lyrisme et distanciation, la mise en scène est splendide, et l’on ne voit guère ce que l’on pourrait reprocher à ce film : peut-être un jeu d’acteurs un brin théâtral, à l’exception de Geraldo del Rey dans le rôle principal. En tout cas, le cinéaste ne cherche guère l’art consensuel, et il est à noter que le film comporte une séquence de mort de bébé aussi glaçante que dans L’innocent de Visconti ou Trainspotting de Danny Boyle. Longtemps invisible du fait de la rareté de ses copies argentiques, Le dieu noir et le diable blond a pu être restauré par des fonds privés, le gouvernement Bolsonaro ayant refusé d’y prendre part. Fille du cinéaste et ayant-droit du film, Paloma Rocha a veillé à ce que les nouveaux outils numériques ne fassent pas d’interférence sur les prises de vue et cadrages d’origine. C’est cette version, présentée à Cannes Classics 2022, qui sort en salle en août 2023 à l’initiative du distributeur Capricci, cinquante-six ans après sa première présentation dans les salles françaises.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.