Le 4 janvier 2025
Si le propos ne manque ni d’intérêt ni de force, le traitement trop énigmatique finit par égarer le spectateur.
- Réalisateur : Meryam Joobeur
- Acteurs : Adam Bessa, Dea Liane, Mohamed Houcine Grayaa, Salha Nasraoui, Malek Mechergui
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Canadien, Norvégien, Tunisien, Saoudien, Qatari
- Distributeur : KMBO
- Durée : 1h58mn
- Titre original : Mé el Aïn
- Date de sortie : 1er janvier 2025
- Festival : Festival de Berlin 2024
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Résumé : Dans un village reculé de Tunisie, Aicha et Brahim sont dévastés par le départ inexpliqué de leurs fils, partis pour une guerre indicible. Quand l’un d’eux revient avec une mystérieuse fiancée voilée et muette, les parents décident de taire ce retour. Mais Bilal, un policier et ami de longue date, enquête sur des événements inquiétants. Ses suspicions ne tardent pas à le mettre sur la piste de la famille.
Critique : Voilà une mère désespérée. Elle élève avec sa famille des moutons, dans la simplicité des contrées tunisiennes, jusqu’au jour où ses deux fils finissent par quitter le domicile familial pour rejoindre les troupes de Daech. La question de la fuite de jeunes gens vers les mouvements de terrorisme syriens notamment ne se pose pas qu’en Occident. Le Maghreb est lui aussi terrassé par cette hémorragie funeste, sans que les autorités ne parviennent à lutter efficacement. Et pour cause, un seul policier a en charge ce territoire isolé, en dépit des cris de colère et de peur de la population qui voit peu à peu les maisons se vider de leurs fils.
- Copyright 2024 Tanit Films, Leona Films Inc, Instinct Bleu, 1888 Films
La Source parvient à point nommé sur les écrans français, au moment où l’Occident vient de connaître un nouvel attentat terroriste. Si la Syrie semble aborder une nouvelle page de son histoire, le risque fondamentaliste n’est pourtant pas écarté, comme en témoigne ce long-métrage qui démontre avec force combien les sociétés contemporaines peinent à épargner les enfants de la radicalité politique et religieuse. Le premier film de Meryam Joobeur repose donc sur un combat juste, d’autant que la réalisatrice compose son récit autour de la figure de deux mères, l’une tentant pas tous moyens de refaire revenir à la raison son enfant ; et une autre, plus énigmatique, qui s’apprête à enfanter un bébé né sur les terres guerrières de la Syrie.
Le long-métrage est bâti sur trois parties qui réunissent à la fois le récit d’un enfant prodige, revenu de la guerre ; celui de la renaissance d’une femme fantomatique, drapée des pieds à la tête ; et une enquête policière à la recherche des hommes disparus. En ce sens, La Source assume une véritable complexité dans la manière de montrer la dimension terrible de l’endoctrinement des jeunes par les troupes de Daech. Les enfants et les personnages féminins jouent un rôle particulièrement éclairant dans cette fable contemporaine, emprunte de désarroi. Mais Meryam Joobeur ne se contente pas de dresser un récit réaliste. Peu à peu, le propos dévie vers le rêve et le fantastique, ce qui ne manque pas de brouiller les intentions comme les lignes du scénario.
- Copyright 2024 Tanit Films, Leona Films Inc, Instinct Bleu, 1888 Films
Pourtant, le long-métrage est truffé de beaux symboles comme cet arbre penché qui commence et termine l’histoire, ainsi que de magnifiques images où le désert et les fleurs occupent une place maîtresse. La photographie ne manque pas de beauté non plus, encadrant, au plus près de leurs émotions, des personnages avec une vraie résonance. Mais travailler sur l’image et la mise en scène très brillante ne suffit pas, si le scénario ne parvient pas à convaincre. La narration sème en effet trop de pistes qui finissent pas se perdre dans un sentiment général de confusion et de manque de maîtrise.
En dépit de l’intérêt véritable du sujet, La Source ne parvient guère à dépasser l’expérimentation esthétique et politique. Les acteurs pourtant très engagés dans le récit ne sauvent pas vraiment non plus le long-métrage, comme si eux-mêmes finissaient pas ne plus comprendre ou ne plus croire aux imbroglios narratifs. On attendra alors patiemment le prochain long-métrage de Meryam Joobeur car, indiscutablement, la réalisatrice a quelque chose à dire sur le monde qui l’entoure.
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