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Le 15 novembre 2013
Le premier film du cinéaste américain Melvin Van Peebles tourné en France entre Paris et la Normandie
- Acteurs : Nicole Berger, Christian Marin, Harry Baird, Pierre Doris
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Durée : 1h27mn
- Date de sortie : 3 avril 1968
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Le premier film du cinéaste américain Melvin Van Peebles tourné en France entre Paris et la Normandie...
L’argument : l’histoire de cette « permission » est simple. Nous sommes en 1967. Des bases américaines sont encore présentes sur le sol français. Un GI noir, Turner, rencontre, le temps d’une permission de trois jours, une jeune française, Miriam, dans une boite de nuit parisienne – après une virée dans les cabarets érotiques sordides du Pigalle de la fin des années 1960. Miriam et Turner vont vivre une idylle sur la côte normande à Étretat. De retour, Turner va être consigné et sa promotion suspendue. Il ne retrouvera pas Miriam…
Notre avis : En mai 1968, sort à Paris, dans deux cinémas d’art et d’essai, le film La Permission réalisé par un réalisateur noir américain vivant en France, Melvin Van Peebles. Vu les « événements », ce film est passé totalement inaperçu, sauf de quelques rares cinéphiles. Pourtant, plusieurs articles critiques furent élogieux. L’équipe des Cahiers du cinéma, Godard et Truffaut en tête, salua l’un des siens. Plusieurs émissions télévisées françaises et suisses interviewèrent Melvin Van Peebles qui se montra fort convaincant et truculent.
La Permission a un cheminement peu banal. Son réalisateur américain a adapté l’un de ses romans et trouvé le financement en France pour réaliser ce film. Les studios US lui ayant au préalable fermé leurs portes.
Melvin Van Peebles dit ne pas avoir voulu réduire son film au seul thème du racisme, mais surtout insister sur le droit d’être « noir et ordinaire ». On ne peut toutefois ignorer qu’à cette époque la liaison d’un Américain noir avec une femme blanche était suspecte, voire « condamnable »… Plusieurs scènes l’illustrent d’ailleurs parfaitement. Que ce soit l’interpellation ironique de Turner par ses camarades militaires blancs à Étretat – quand ils le voient avec « la femme blanche » –, sa mise à l’arrêt arbitraire par son supérieur militaire, ou encore la scène où l’ignoble hôtelier (succulent Christian Marin) manifeste ses sentiments de haine envers le couple d’amoureux.
Les deux acteurs principaux, Nicole Berger et Harry Baird, défendent avec une totale sincérité ce beau film. Ce fut le dernier rôle de Nicole Berger ; elle décéda quelques jours après le tournage du film, des suites d’un accident de voiture en Normandie, en avril 1967. C’était une merveilleuse comédienne qui avait connu en 1954 son heure de gloire en incarnant Vinca dans Le Blé en herbe de Claude Autant-Lara. Elle avait ensuite séduit la « nouvelle vague », tournant ainsi avec Godard (Tous les garçons s’appellent Patrick), Truffaut (Tirez sur le pianiste), Doniol-Valcroze (La Dénonciation), Rohmer (Véronique et son cancre)… Elle avait aussi conquis le grand public, en 1966, par sa prestation remarquée dans le feuilleton télévisé Cécilia, médecin de campagne). Melvin Van Peebles choisit Nicole Berger parce qu’émouvante et capable de jouer le personnage de Miriam – qu’il désirait lui aussi « ordinaire ». Et puis, quelles comédiennes, à l’époque, auraient accepté de jouer dans une histoire d’amour avec un Américain noir ? Rappelons que nous sommes en 1968, l’année où, aux jeux Olympiques de Mexico, des coureurs noirs ont levé le poing, le geste de la révolte des Black Panthers.
Harry Baird, acteur britannique noir, qui s’était illustré dans de nombreux films depuis 1954, a une présence forte et sensible dans cette « permission ». Il devait tourner de nombreux films jusqu’en 1975, dont Les Quatre de l’apocalypse. Mais des problèmes de vue l’écartèrent ensuite des écrans.
Parmi les qualités artistiques du film, une photographie magnifique et un montage ingénieux et avant-gardiste. Aux scènes réalistes se mêlent des séquences oniriques d’une grande beauté. La Permission s’inscrit dans le cinéma d’auteur et devait être pionnier : Melvin Van Peebles est depuis considéré comme le père du « Blaxploitation Movies », mouvement cinématographique fait par et pour les Noirs.
Le film fut présenté aux États-Unis au Festival de San Francisco – mais comme œuvre française : les organisateurs ne savaient pas que Melvin Van Peebles était Américain et encore moins Noir. « Quand je suis arrivé, ça a été le bordel. À cette époque, les Blancs pensaient que le cinéma, c’était tellement compliqué que les Bamboulas ne pouvaient pas en faire ». Et voilà que le film gagne le Prix de la critique ! La Permission ouvre donc à Melvin Van Peebles les portes des studios hollywoodiens. Cela lui vaudra, en 1971, le succès extraordinaire de Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, où il esquisse une intéressante réflexion sur la caractérisation classique des personnages en héros ou en salauds.
Si les principaux acteurs de La Permission sont tous décédés, Melvin Van Peebles est, lui, bien vivant. Depuis ce film rebaptisé The Story of a 3-Day Pass, il n’a cessé de réaliser, d’écrire, de produire des films et des spectacles – mais aussi de composer des musiques de films comme celle, très belle, de La Permission. Parfois il mène ses activités avec son fils Mario. Régulièrement Melvin Van Peebles revient en France et notamment au Festival du cinéma américain de Deauville, où ses interventions sont toujours aussi chaleureuses, pertinentes et remarquées.
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