Le 13 septembre 2020
La lecture de ce roman est un contrat de départ. Si vous acceptez de ne pas comprendre tout de suite où vous êtes, mais que vous consentez à découvrir ce qui se passe dans la maison, vous tiendrez la longueur (1070 pages). Un livre envoûtant, sombre, que l’on a du mal à quitter. Une œuvre unique.
- Durée : 1088 pages
- Reprise: 17 septembre 2020
- Auteur : Mariam Petrosyan
- Collection : Grands animaux
- Editeur : Monsieur Toussaint Louverture
- Genre : Roman
- Nationalité : Russe
- Traducteur : Raphaëlle Pache
- Titre original : Дом, в котором
- Date de sortie : 18 février 2016
- Plus d'informations : Monsieur Toussaint Louverture
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Résumé : La maison dans laquelle on perd son nom, ses repères, son existence à l’extérieur, accueille les enfants laissés là par leurs parents. Dans la maison, on construit son identité, ses rêves, ses sentiments et des amitiés indéfectibles.
Critique : Lorsque Fumeur chausse des baskets rouges neuves, le débat naît chez les Faisans et son insolence lui vaut l’exclusion. Il est alors transféré dans le dortoir du quatrième groupe, avec Sphinx, Lord et Chacal Tabaqui. Certains sont comme lui des « roulants ». Désormais, de nouvelles règles et de solides amitiés s’offrent à lui. Certes, le vocabulaire employé surprend au début : pas de description ou d’explication, nous sommes plongés directement dans l’univers de Mariam Petrosyan. Un univers unique, puisqu’il s’agit de son seul roman, jusqu’alors.
Dans la maison, appelée « La Grise », les enfants laissent leur nom et sont désormais identifiés par une caractéristique : ainsi, Fumeur, Noiraud, Gros Lard, Sphinx, Chacal appartiennent au même groupe. Ils se catégorisent eux-mêmes : les « roulants » sont en fauteuil, les « marcheurs » sont sans bras…
L’environnement n’est pas gai. Pourtant, la vitalité est partout dans ce roman.
Les groupes, ce sont certes des groupes de niveaux scolaires, mais aussi des dortoirs, des lieux qu’ils organisent eux-mêmes. Ils profitent de l’absence des éducateurs ou des enseignants qui les laissent à l’abandon, manifestent une cruauté qui rappelle le récit Sa majesté des mouches. Confrontés à leurs propres règles de vie, ils évoluent dans la crasse, l’alcool, la brutalité et leurs propres codes d’honneur.
Celles et ceux qui habitent la Maison sont malades ou handicapés, différents et cabossés par l’existence. De cette différence, ils tirent leur singularité, au sein de clans marqués par l’animalité. Entrés dans ce lieu durant l’enfance, ils n’en sortent qu’à dix-huit ans. C’est le moment où ils se volatilisent. Cette disparition n’est pas attendue, mais redoutée, car au sein de cet endroit, on se complaît dans l’adolescence, dans les rencontres et les discussions philosophiques.
A travers son roman, Mariam Petrosyan transpose une étape singulière de notre vie : l’adolescence, ce passage à l’âge adulte pour des enfants abîmés par la vie, livrés en grande partie à eux-mêmes, dépositaires et acteurs de mythes et légendes entre des murs. L’univers est sombre, la plume précise et parfois complexe : les lois se dévoilent au fur et à mesure, les récits légendaires se mêlent à l’action et les surnoms peuvent désorienter. Pourtant, l’écriture nous pousse à persévérer dans la lecture, qui s’offre alors comme un refuge.
L’auteure a écrit cette histoire pendant plus de dix ans, comme pour accompagner ses protagonistes dans leur évolution, les aider à mieux grandir. Au fil du temps, la survie s’organise et les clans évoluent. Aussi voit-on apparaître, progressivement, des personnages féminins, témoignages d’un nouvel intérêt, l’aspiration à la tranquillité ou des questions prégnantes sur l’extérieur : que se passe-t-il une fois dehors ?
Entre rêves et pensées, actions ou puissants passages de réflexion philosophique, La Maison dans laquelle parvient à créer un monde, avec son langage, ses codes, ses modes de vie. On s’attache à Sphinx, Lord, à leurs imperfections, leurs doutes et leurs faux-pas. L’endroit est repoussant, mais la vie s’organise, malgré tout.
Dans ce livre, on observe bien sûr, mais on éprouve, on expérimente avec les personnages et comme eux, on appréhende d’atteindre la dernière page qui nous expulse vers l’extérieur.
La maison dans laquelle - Mariam Petrosyan (format poche)
Préface de Tristan Garcia.
Format 13 x 19 cm.
15,50€
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