Freak d’eau
Le 9 décembre 2022
Même si la naïveté du postulat peut freiner les cyniques, la beauté du nouveau conte gothique de Guillermo del Toro atteint une universalité et une résonance politique qui sont la marque des plus grands chefs-d’œuvre du genre. Brillant.
- Réalisateur : Guillermo del Toro
- Acteurs : Doug Jones, David Hewlett, Michael Shannon, Richard Jenkins, Sally Hawkins, Nick Searcy, Michael Stuhlbarg, Octavia Spencer
- Genre : Drame, Fantastique, Romance
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Twentieth Century Fox France
- Durée : 1h59mn
- Date télé : 30 décembre 2023 20:50
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Box-office : 63.859.435$ (recettes USA) / 1.362.606 entrées France / 406.650 entrées Paris Périphérie
- Titre original : The Shape of Water
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 21 février 2018
- Festival : Festival de Venise 2017
Résumé : Modeste employée d’un laboratoire gouvernemental ultrasecret, Elisa mène une existence morne et solitaire, d’autant plus isolée qu’elle est muette. Sa vie bascule à jamais lorsqu’elle et sa collègue Zelda découvrent une expérience encore plus secrète que les autres…
Critique : Un amour au premier regard. Le motif romantique par excellence. Personne n’est dupe, mais peu importe, on a tous été bercés par divers histoires de coup de foudre et autres contes romanesques, alors pourquoi se braquer au prétexte que l’un des deux amoureux est une étrange créature couverte d’écailles ? Cette question, puisqu’elle revient à interroger les critères qui distinguent « humains » et « monstres », incorpore parfaitement cette passion dans la filmographie de Guillermo del Toro dont on connaît, depuis maintenant un quart de siècle, le goût pour cette thématique philosophique, dans la droite lignée de l’empreinte qu’a su laisser Tim Burton sur le cinéma fantastique.
- Copyright Twentieth Century Fox
Après deux films qui sont loin d’avoir fait l’unanimité (Pacific Rim et Crimson Peaks), del Toro semble avoir entendu le reproche qui leur fut fait, celui de quelque peu délaisser ses personnages au profit d’une recherche esthétique et technique, puisqu’il a fait le choix de revenir à la quintessence de son cinéma, tel qu’il l’avait atteint dans son Labyrinthe de Pan. Le dispositif est d’ailleurs relativement similaire : celui de placer dans un contexte historique tendu (en l’occurrence, les Etats-Unis du début des années 60, alors que la guerre froide était à son paroxysme) un élément fantastique qui va exacerber les pires comme les meilleures attitudes humaines. Dans le Labyrinthe de Pan, c’était l’émancipation de la jeune Ofelia qui naissait de sa rencontre avec le faune, ici ce sont les sentiments amoureux d’Elisa qui forment la finalité de cette fable.
- Copyright Twentieth Century Fox
Plutôt qu’un conte de fées enfantin, c’est le classique du film de monstre L’Etrange Créature du Lac Noir qui sert cette fois de catalyseur à l’imaginaire de Guillermo del Toro. A la différence du chef-d’œuvre de Jack Arnold, dans lequel l’expédition américaine rencontre la créature en Amazonie, le scénario de del Toro imagine le retour de ces militaires avec « l’actif », comme ils l’appellent, dans leur cargaison. Cette différence de contexte est l’occasion pour le cinéaste mexicain de dépeindre une Amérique faussement idyllique, comme un miroir de ce qu’elle est aujourd’hui. Autour de l’histoire qui va naître, la direction artistique est minutieusement travaillée pour alimenter les nombreuses thématiques présentes dans le scénario, à commencer par une dénonciation frontale de la société de consommation, présentée comme antagoniste de l’amour.
Mais là où son long-métrage parvient à créer une intensité émotionnelle à l’état pur, c’est assurément dans l’alchimie que la mise en scène parvient à faire naître entre ses deux personnages principaux. Les prestations des acteurs n’y sont évidemment pas non plus pour rien. Face à Doug Jones, qui a déjà interprété presque toutes les créatures du bestiaire de del Toro, Sally Hawkins fait preuve d’un charme magnétique irrésistible. En plus de se donner le défi d’exprimer son amour sans mot dire (ce qui, déjà, est une performance comme les aime beaucoup l’Académie), elle parvient à exprimer une candeur et une sensibilité qui la rendent bouleversante.
- Copyright Twentieth Century Fox
En plus de ces deux êtres marginaux qui apprendront à communiquer à la seule force de leur amour, del Toro imagine un colocataire gay et fantasque (qui lui sert par ailleurs de narrateur), un scientifique russe pris entre deux feux, ainsi qu’une collègue afro-américaine. Autant dire que l’Amérique, telle qu’elle apparaît ici, est composée de minorités, toutes désocialisées à leur façon. Le discours politique de cette version moderne de La Belle et la Bête, est donc avant tout une dénonciation de la discrimination et du communautarisme qui gangrènent les Etats-Unis de l’ère Trump. Et pourtant, le grand méchant n’est pas alimenté par cette haine de l’autre. Le personnage de Michael Shannon est un être certes détestable, mais la façon dont ses motivations sont purement professionnelles, alors qu’il apparaît à coté comme un bon père de famille, voire même comme étant celui auquel il est le plus facile de s’identifier, nuance habilement le caractère manichéen propre au cabotinage de l’acteur.
Ce général antipathique est-il l’individu le plus humain, victime des normes sociales qui lui sont imposées, ou au contraire le plus monstrueux du film ? Ce doute moral plane sur la fin ouverte, qui elle-même rend discutable l’affirmation selon laquelle une histoire d’amour mène automatiquement vers un happy end romanesque. Guillermo del Toro nous laisse face à toutes ces questions insolubles – comme le faisait Burton avant lui – qui ne cesseront de nous hanter, au même titre que la beauté des images, tant en terme de photographie que de cadrage, avec laquelle il a filmé cette histoire d’amour brute comme un diamant.
– Mostra de Venise 2017 : Lion d’or
- Copyright 20th Century Fox
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Macha 26 février 2018
La Forme de l’eau - Guillermo del Toro - critique
Film visuellement envoûtant, Sally Hawkins est bouleversante. Au-delà d’une histoire d’amour il s’agit surtout de la reconnaissance mutuelle de deux êtres, au-delà de tous les obstacles et de la forme que peut prendre leurs corps.
Jonyx 11 mars 2018
La Forme de l’eau - Guillermo del Toro - critique
Un film très émotionnel, qui emporte le spectateur, malgré certains moments qui peuvent être longs. Les images sont absolument magnifiques, et le film représente la nature humaine, aussi bien dans la cruauté que dans la compassion, pour nous mener à la belle chose qu’est l’amour. Voilà une très belle œuvre que je recommande à tous les adeptes de la science-fiction et la romance.
Titou le chat 22 février 2019
La Forme de l’eau - Guillermo del Toro - critique
Un régal !
J’ai plongé hier soir dans ce conte.
Une créature sublime.
La beauté comme j’aime la regarder.
Beauté de cette femme de ménage, gracieuse,fragile et si forte.
Beauté de cet homme, qui ose prendre la main de cet ignoble restaurateur à la tarte verte, aussi infâme que son caractère nauséabonde d’homme raciste et homophobe.
Une histoire d’amour qui pourrait faire penser à la belle et la bête, mais qui va bien au-delà.
Cette cicatrice, cette blessure, est en fait la plus belle des différences. J’ai imaginé que ce film était une ode à la fragilité.
C’est souvent elle qui nous fait avancer, nous obligeant à nous faire aider des uns et des autres.
C’est aussi l’histoire absurde de l’humanité, qui détruit tous les jours, les plus grands "savoir" que la biodiversité aurait à nous offrir.
J’ai hâte de le revoir !
MYTHOMANIAC 16 mai 2019
La Forme de l’eau - Guillermo del Toro - critique
Une modeste femme de ménage muette travaille dans un bâtiment militaire. Un jour arrive un aquarium géant contenant une créature découverte dans l’Amazone. Des échanges vont se faire entre les deux personnages qui donneront lieu à une relation puis à une histoire d’amour où les mots n’ont pas de raison d’être.
Malheureusement malgré la montagne de qualité du film (esthétique, symboliques, politiques, filmiques...), impossible de rentrer dans le film, je suis resté à la surface de l’eau.
Les émotions ne m’ont pas touchés et l’intrigue de conte de fées gothique cousue de film blanc a réussi à m’ennuyer.
J’ai mis du temps à passer la première impression d’une sorte d’Amelie Poulain dans La cité des enfants perdus plus mature et plus sombre, la musique d’Alexandre Desplat rappelant cruellement celle de Yan Tiersen, tout autant que les effets de montage, les plans... Évidemment, il ne s’agissait que de la scène d’ouverture, le ton change très vite pour avoir la personnalité que l’on attend d’un film de Guillermo del toro, pourtant je suis resté sur le côté. La portée du symbolisme, la construction des personnages, le message politique et social, le traitement des couleurs, le rapport au cinéma ont été évidents, pourtant je suis resté sur le côté à grands regrets.
Je conseille le film en espérant sur l’expérience ne sera pas aussi décevante qu’elle ne l’a été pour moi.