Les belles et les bêtes
Le 22 février 2015
Rape and revenge tout à fait classique, La dernière maison sur la plage ne se contente pourtant pas de copier le premier film de Wes Craven mais y insuffle quelques idées de mises en scène pertinentes, une petite touche de nunsploitation et une grosse dose de disco, avec en prime un casting regroupant quelques visages connus du cinéma de série B italien.
- Réalisateur : Franco Prosperi
- Acteurs : Ray Lovelock, Florinda Bolkan, Sherry Buchanan, Flavio Andreini
- Genre : Thriller, Épouvante-horreur
- Nationalité : Italien
- Editeur vidéo : Artus films
- Durée : 86 min
- Titre original : La settima donna
- Date de sortie : 20 avril 1978
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Sortie DVD : le 3 février 2015
Rape and revenge tout à fait classique, La dernière maison sur la plage ne se contente pourtant pas de copier le premier film de Wes Craven mais y insuffle quelques idées de mises en scène pertinentes, une petite touche de nunsploitation et une grosse dose de disco, avec en prime un casting regroupant quelques visages connus du cinéma de série B italien.
L’argument : Après le braquage d’une banque, trois malfrats tombent en panne de voiture. Contraints de se réfugier dans une villa en bord de mer, ils vont se trouver face à un groupe de jeunes filles répétant là une pièce de théâtre. En planque le temps de trouver une solution, les trois brutes vont faire subir les pires atrocités à leurs otages. Lesquels, le moment venu, sauront se venger à la hauteur de leur violence.
Notre avis : Pour fêter ses dix ans de méfaits, l’éditeur DVD Artus lance notamment une collection consacrée à ce genre cinématographique un brin tordu qu’est le rape & revenge. La thématique du viol, et la vengeance qui en résulte, a pu être abordée dans des westerns ou des films sudistes américains, aussi bien que dans un classique comme La Source (1960) de Bergman, bien avant la fameuse Dernière maison sur le gauche (1972) de Wes Craven. Pourtant, c’est bien le succès à scandale de ce dernier long métrage qui engendrera toute une flopée de copies. Certaines feront délibérément référence au film-matrice de par leurs titres mêmes : Last House on Dead End Street, La Maison au fond du parc, The House by the Lake (aka Weekend sauvage) ou cette Dernière Maison sur la plage. Moins marquant que les œuvres pré-citées ou d’autres classiques comme La Bête tue de sang froid d’Aldo Lado (1975) ou I spit on your Grave (1978) de Meir Zarchi, ce film fait aussi le pont avec un autre sous-genre très en vogue à l’époque : la nunsploitation. En gros, le réalisateur a juste remplacé les victimes féminines par des étudiantes en train de réviser leurs cours sous la surveillance d’une bonne sœur. Il ne faut d’ailleurs pas confondre ce Franco Prosperi avec l’autre cinéaste italien qui, allié à Gualtiero Jacopetti, a produit quelques uns des Mondo movies les plus marquants de l’histoire du septième art (Mondo Cane et Adieu Afrique notamment).
La trame narrative calque là aussi le film de Craven. Les sévices, humiliations, viols et meurtres s’accumulent jusqu’à ce que les survivantes décident de faire la peau à leurs bourreaux, en révélant les bêtes sauvages qui sommeillent en elles, et en mettant du même coup leurs idéaux religieux de côté. Mais si les films américains étaient définitivement inspirés de best-sellers des années 1960 qui avaient remis le darwinisme social à la mode et les théories survivalistes mettant en parallèle les hommes et les animaux (On Aggression (1963) de Konrad Lorenz, The Territorial Imperative (1966) de Robert Ardrey, The Naked Ape (1967) de Desmond Morris, Human Aggression (1968) d’Anthony Storr, etc.) ou des images épouvantables diffusées sur la guerre du Vietnam ou sur les crimes de tueurs en série, l’Italie, quant à elle, connaissait une violence sociale sans précédent, très bien retranscrite dans la brutalité du cinéma de l’époque (on était en pleine mode de la nazisploitation ou des films cannibales !). L’horreur n’est plus liée au fantastique mais elle se cache au plus profond de l’âme humaine. Les monstres peuvent être croisés à chaque coin de rue et leur sadisme ne connaît pas de limites. Ils n’ont aucune morale et aucune pitié et il faut même se méfier de ceux qui semblent faire preuve de compassion (Aldo, joué par Ray Lovelock, croisé dans de nombreux films de genre des années 1970, dont La Rançon de la peur, Le Massacre des morts-vivants, Avoir vingt ans, Rome violente, Frissons d’horreur ou Live like a Cop, Die like a Man). Ils peuvent être les pires de tous car plus intelligents et manipulateurs.
Ce qui peut surprendre, c’est le caractère très stylisé et théâtral de La dernière maison sur la plage, un peu dans la lignée de la deuxième partie de Crime à froid (1974). En général, les cinéastes jouaient plus sur une esthétique documentaire. On se souvient par exemple de l’absence de musique de I spit on your grave qui crée un vrai malaise. Ici, Prosperi utilise des tas d’effets mélodramatiques (ralentis, musique décalée, montage rapide, caméra au plus près des visages et des regards) pour accentuer la brutalité de nombreuses scènes qui au final se passent toujours hors-champ. Même si ceux-ci peuvent être carrément grossiers, voire risibles (Sœur Christina qui exerce sa vengeance devant un poster de Picsou, le cadavre du facteur qui baisse le regard, la blessure d’un des tortionnaires qui se déplace au fur et à mesure du film), on ne peut nier l’efficacité de la scène initiale où le braquage de banque qui tourne mal est filmé à hauteur des genoux des protagonistes. La réalité des faits sera révélée peu à peu par le biais de flashbacks plutôt réussis. Pour le reste, l’action, qui se déroule presque exclusivement dans la maison, cumule les clichés misogynes avec pour seul suspense : qui va périr ? qui va subir les fameux viols suggérés par le titre ? comment les bourreaux vont-ils être anéantis ? En bref, les hommes sont des bêtes qui ne pensent qu’à copuler et faire souffrir, et comme par hasard, la vengeance des femmes interviendra après la diffusion d’un discours féministe à la radio. On pouvait en attendre plus d’une histoire qui implique Ettore Sanzò, un des co-auteurs du puissant La bête tue de sang-froid. Cela dit, on ne peut nier que les brutes attardées (Walter interprété par Flavio Andreini et Nino par Stefano Cedrati) sont particulièrement repoussantes et vicieuses, prenant d’autant plus de plaisir que ces femmes sont vouées à Dieu, et Florinda Bolkan (Exécutions, Le venin de la peur, Le orme, La longue nuit de l’exorcisme) arrive à apporter un semblant de crédibilité et de gravité à un rôle qui pourrait vite friser le ridicule. Les autres comédiennes ne font pas dans la finesse, si ce n’est Sherry Buchanan (La terreur des zombies, Tentacules, Maldoror, Action immédiate), mais est-ce bien nécessaire dans ce genre de productions ?
Le pic de ce type de cinéma reste bien évidemment la scène ou les scènes de viol. On en compte trois ici. Une se révèle particulièrement effroyable et toujours aussi brutale plus de trente-cinq ans après sa réalisation mais nous aurons la courtoisie de ne rien vous révéler. La séquence même peut sembler d’autant plus éprouvante aujourd’hui car la barre était mise très haut pour choquer les spectateurs dans ce contexte italien des années 1970. Tout comme chez Craven, le film se termine sur une touche morale, mais amenée très grossièrement (on ne s’attardera pas sur les hurlements grotesques de Ray Lovelock). On regrettera l’absence de contexte sociologique ou politique qui faisait la force des autres modèles du genre, et le film est au final plus à mettre en parallèle avec les œuvres de Fernando di Leo de la même époque (Avoir vingt ans, Vacanze per un massacro). Les amateurs y trouveront tout ce qu’il faut. L’ambiance est pesante. La touche seventies fait toujours son effet. L’idée de confinement et d’étouffement à l’intérieur de la maison est très bien rendue, avec toujours ce cumul d’actes abjects commis dans un cadre paradisiaque (en général, une propriété de vacances isolée de tout).
Au final, La dernière maison sur la plage s’impose comme une sorte de variante disco du rape & revenge. On connaît le goût des Italiens pour des musiques qui contrastent totalement avec le contenu des films. Celui-ci en est un bon exemple. L’humiliation de la nonne se fait au son de ces rythmiques funky seventies si typiques, et une des scènes centrales présente tout ce beau monde en train de regarder à la télévision un strip-tease dans une boîte de nuit disco. C’est la fièvre du samedi soir, mais en légèrement moins festif. Les moogs couinent à mort, les effets sonores sont plutôt réussis (les viols de Lucia et Elisa). Comme pour Avoir vingt ans (une des scènes de viol est quasiment identique d’un film à l’autre), l’esthétique pop se mêle à des séquences d’une rare sauvagerie (le meurtre au fer à repasser quelques minutes après le début du film). On a même droit à une chanson dont la voix est assurée par Ray Lovelock en personne ("Place for the Landing", avec une musique qui reprend "Let’s Stick Together" de Bryan Ferry mais avec des harmonicas à la Morricone) pendant que les jeunes filles se font bronzer en bikini autour de la piscine. C’est bien là que se crée le véritable malaise, cumuler des séquences de femmes frappées, torturées, souillées avec des airs enjôleurs pour les dance-floors. Si vous aimez la finesse et l’élégance, passez votre chemin !
En dehors de la bande annonce du film et d’une courte galerie de photos, cette édition vaut surtout pour son interview longue de presque une heure de David Didelot (Vidéotopsie). Non seulement il revient en détail sur la filmographie de Franco Prosperi et il propose une analyse fort intéressante du film, mais surtout il nous en révèle plus sur l’exploitation VHS de ces purs produits d’exploitation (les re-titrages savoureux ou encore les jaquettes qui ne désignent en rien le contenu des vidéos) et il nous fait aussi un historique passionnant du rape & revenge à l’italienne. C’est un plaisir absolu de l’écouter (j’aurais rêvé avoir un professeur comme lui), du coup on ne râle pas si l’on n’a pas d’interviews de l’équipe du film ou des acteurs.
Le film est disponible en version italienne sous-titrée et en français. Autant la copie doublée en français garde le charme des VHS d’époque (avec de temps en temps la saturation qui va avec), autant la version italienne est d’une meilleure qualité sonore. Donc selon vos préférences, vous pouvez choisir. L’image est d’une très belle définition, le film ayant bénéficié d’une photographie particulièrement soignée pour faire contraster ce paysage touristique avec les actes brutaux représentés à l’écran. Quant à la musique de Roberto Pregadio, elle contribue grandement au film, malgré son côté daté. C’est elle qui rend certaines scènes tout juste supportables. Donc oui les effets sonores sont grossiers, oui la musique disco est vraiment une abomination, oui les synthétiseurs ne sont pas faits pour faire des solos avec, oui dès le générique, la BO nous fait croire à un mauvais porno. Mais le cinéma italien des années 1970 était ainsi et c’est ce qui en fait son charme aussi.
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