Le 23 septembre 2020
Un bon film d’aventures sur fond d’exotisme et d’érotisme.
- Réalisateur : Richard Pottier
- Acteurs : Jean Lefebvre, Omar Sharif , Jean Servais, Robert Dalban, Jess Hahn, Juliette Gréco
- Genre : Aventures, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Jeannic Films
- Editeur vidéo : Lobster
- Durée : 1h45mn
- Date de sortie : 12 septembre 1956
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Résumé : Au Liban, deux ingénieurs, le Français Jean Domèvre (Jean-Claude Pascal) et le Libanais Mokhrir (Omar Sharif) supervisent les forages de la société pétrolière dirigée par monsieur Hennequin. Ils vont mener une exploration sur un terrain concédé par la comtesse Orloff (Gianna Maria Canale). Mokhrir signale avoir découvert un gisement d’uranium. Il disparaît mystérieusement avant que Domèvre ait réussi à le localiser. Ce dernier soupçonne le major Hobson, directeur d’une compagnie concurrente. Il part à la recherche de Mokhrir avec la comtesse dont il est tombé sous le charme. Il n’est pas au bout de ses surprises…
Critique : Adapté du roman éponyme de Pierre Benoit (1924), grand best-seller, La Châtelaine du Liban, réalisé en 1956 par Richard Pottier, est la troisième adaptation cinématographique, cette fois-ci en CinemaScope, du livre – après le film muet de Marco de Gastyne (1926) et celui, parlant, de Jean Epstein (1935).
Les œuvres de Pierre Benoit, écrivain très célèbre, surtout dans la première partie du XXe siècle, par ailleurs grand voyageur et membre de l’Académie française, ne pouvaient, du fait de leur caractère très romanesque, qu’être source d’inspiration pour les cinéastes de l’époque. Qu’il s’agisse de L’Atlantide, Koenigsmark, ou Mademoiselle de La Ferté – une bonne adaptation pour la télévision en 1965.
Richard Pottier, d’origine austro-hongroise, fut un bon artisan du cinéma français, ayant fait ses preuves depuis 1934 et ayant accumulé les succès populaires – après des débuts en Allemagne dans L’Ange bleu comme assistant de Joseph von Sternberg. En 1956, Pottier triompha avec Le Chanteur de Mexico et Luis Mariano.
Sa Châtelaine du Liban, réalisée la même année dans une production franco-italienne, devait aussi connaître un énorme succès avec deux millions et demi de spectateurs en France et davantage encore en Italie, Allemagne, Scandinavie, Angleterre... On le considère volontiers comme un chef-d’œuvre des « cinémas de quartier ». En le replaçant dans le contexte des années 1950, nous ne sommes pas surpris d’un tel succès. Tous les ingrédients de la réussite sont là : film d’aventure et d’espionnage, avec un bon dosage d’exotisme et d’érotisme, et un casting de rêve, également franco-italien. Richard Pottier réalise ici un film très bien construit, au rythme soutenu, sans temps mort, avec une chute habile et inattendue. Le scénario et les dialogues de Maurice Aubergé sont soignés.
Nous sommes donc dans le Liban d’après-guerre où les intérêts français et anglais se focalisent sur ce pays et rivalisent entre eux. La reconstitution de l’atmosphère de Beyrouth comme des déserts sablonneux est parfaite. Le climat d’ensemble, clairement colonialiste à plus d’un détail, marque bien son époque. Les images sont belles, sans excès de joliesse des plans sur les acteurs ni pour les séquences peuplées de bédouins et de méharistes enfiévrés. Le montage est rigoureux et sans ambages. La partition musicale à tonalité délicatement sensuelle et orientale est assurée par Paul Misraki, un des plus prolifiques et talentueux compositeurs de musiques de film de l’époque. La chanson du film interprétée avec beaucoup de charme et d’intelligence par Juliette Gréco, « Mon cœur n’était pas fait pour ça », devint d’ailleurs un grand succès du disque et radiophonique.
Dans ce désert de sable vit une improbable comtesse russe, Athelstane Orloff, au passé énigmatique – elle ne fut pas toujours riche ! C’est elle bien sûr qui donne son titre au film, incarnant la figure même de l’héroïne troublante, chère à Pierre Benoit, qui hypnotise les personnages masculins qui en valent la peine, à savoir, ici, s’ils ont beaucoup de « fric ». Dans le contexte historique du Liban des années 1950, les sociétés pétrolières occidentales se font une concurrence impitoyable. Les propriétaires terriens, comme la comtesse, essayent de profiter de cette situation. D’où la présence de ces deux ingénieurs, l’un français, Jean Domèvre, l’autre libanais, Mokhrir, qui en recherchant du pétrole trouvent... de l’uranium : la transposition historique est bien vue ! Mais où est donc cet uranium, aussi bien convoité par la comtesse que par un certain major, l’inquiétant Hobson, doté d’un visa diplomatique et directeur d’une compagnie concurrente de la société qui emploie Domèvre et Mokhri ? S’ensuit une série de tribulations et péripéties savoureuses et trépidantes. De découverte en découverte, l’intrigue est bien ficelée et le suspense assuré.
La distribution de cette Châtelaine du Liban est remarquable ; elle allie des grandes « vedettes » de l’époque (Jean-Claude Pascal, Jean Servais, Gianna Maria Canale) et des futures stars (Juliette Gréco et Omar Sharif). On retrouve donc en tête d’affiche le beau Jean-Claude Pascal, qui avait fait ses premières armes au théâtre en jouant l’amant de La Dame aux camélias dans les bras d’Edwige Feuillère. Il passa ensuite par la case pré-Nouvelle Vague, le temps de deux films avec Alexandre Astruc, avant de jouer les beaux ténébreux dans des films inégaux. En plein désert, même s’il n’est ni Lawrence d’Arabie, ni James Bond, il est quand même convaincant dans son rôle de séducteur aventurier des sables chauds. Il forme, de plus, un très beau duo avec le déjà fort séduisant et bon acteur Omar Sharif (sans moustaches), dont c’était, après plusieurs films égyptiens, la première incursion dans le cinéma européen. Pour lui, on connait la suite… Gianna Maria Canale, qui avait été découverte dans des prix de « reines de beauté » en Italie en même temps que Lucia Bosè et Gina Lollobrigida, ne se contente pas d’être belle. Son jeu est parfait dans le rôle de « putain de luxe » comme Demèvre la qualifie à la fin du film. Dans les rôles de mélancolique, de torturé ou de personnage ambigu, Jean Servais était l’acteur qui excellait dans les films des années 1950. C’est ici aussi le cas avec ce rôle de magnifique salaud qu’est le major Hobson.
Et puis, et puis… il y a la sublime Juliette Gréco, qui irradie le film dans chacune des scènes où elle apparaît. 1956 fut une année tremplin pour notre grande dame. Après son triomphe de chanteuse vedette à l’Olympia, en 1955, son grand succès au théâtre Antoine dans Anastasia, elle venait juste de terminer le tournage d’Elena et les hommes de Jean Renoir où elle incarnait la merveilleuse bohémienne Miarka. Dans La Châtelaine du Liban, elle est Maroussia, fascinante et impérieuse chanteuse de cabaret, vaguement entremetteuse et finalement très digne. Juliette Gréco est tout simplement excellente. Elle devait par la suite rencontrer Zanuck et entreprendre une carrière américaine.
On retrouve aussi avec bonheur dans de petits rôles de très bons acteurs. Une marque supplémentaire du professionnalisme de Richard Pottier. Rien n’est laissé au hasard, avec un Jean Lefebvre déjà fort niaiseux, Robert Dalban et sa célèbre grande gueule, Jess Hahn et son accent délicieusement américain, et Moustache, pas encore gros Monsieur balourd mais déjà fort enjoué.
Ce film, au charme savoureusement désuet, honore la mémoire de la production cinématographique française. La Châtelaine du Liban est donc très estimable et par là même fort recommandable.
LE TEST DVD :
Pas grand-chose à dire d’un point de vue technique, la qualité est bonne. En revanche les bonus de cette édition DVD sont très décevants.
Les suppléments :
Ils sont donc insignifiants : un « trois minutes » en couleur sur un extrait de croisière en Méditerranée, un « une minute » sur une pub avec pin-up vantant le dentifrice Colgate, un autre document nous présentant très mal et avec des erreurs le film.
L’image :
Très bonne restauration avec le soutien du CNC. Couleurs sépias très agréables.
Le son :
Tout à fait correct en stéréo.
– Sortie du DVD : 4 novembre 2013
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