Prix Nobel de la Paix 2018
Le 11 mars 2021
Documentaire récompensé à de nombreuses reprises, L’homme qui répare les femmes revient sur l’ignominie d’une pratique qui meurtrit une région, sur le combat d’un docteur pour mettre fin à ce phénomène, et sur le courage de femmes, anciennes victimes, qui s’érigent en militantes anti-viol.
- Réalisateur : Thierry Michel
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Belge
- Date télé : 11 mars 2021 22:58
- Chaîne : TV5 Monde
- Date de sortie : 17 février 2016
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Résumé : Le docteur Mukwege est internationalement connu comme l’homme qui répare ces milliers de femmes violées durant 20 ans de conflits à l’Est de la République démocratique du Congo, un pays parmi les plus pauvres de la planète, mais au sous-sol extrêmement riche. Sa lutte incessante pour mettre fin à ces atrocités et dénoncer l’impunité dont jouissent les coupables, dérange. Menacé de mort, ce médecin au destin exceptionnel vit dorénavant cloîtré dans son hôpital de Bukavu, sous la protection des Casques bleus. Mais il n’est plus seul à lutter. A ses côtés, ces femmes auxquelles il a rendu leur intégrité physique et leur dignité, devenues grâce à lui de véritables activistes de la paix, assoiffées de justice…
Lauréat de plusieurs prix internationaux, L’homme qui répare les femmes : La colère d’Hippocrate jette un regard pesant sur une région tourmentée par le viol, tout en dressant le portrait de Denis Mukwege, gynécologue et militant des droits de l’homme congolais, récipiendaire du Prix Sakharov en 2014.
Critique : Le chirurgien-gynécologue Denis Mukwege a rapidement été amené à s’intéresser à la détresse physique et psychique des femmes de sa région. Originaire du Sud-Kivu, un théâtre de guerres intestines, celui qui est parfois surnommé « Papa » ou « Le Messie » s’évertue depuis des années à sarcler les racines de cette « capitale du viol ». La tâche, éminemment complexe tant cette pratique est devenue monnaie courante pour les guérillas (les agresseurs n’hésitant pas à introduire des objets tranchants ou contondants dans le sexe de leurs victimes), dévore l’intégralité du temps du docteur. Ce dernier a vécu l’absence de ses dirigeants lors de ses interventions au siège des Nations Unies, subi des menaces et survécu à une tentative d’assassinat… autant d’épreuves qui ont l’ont poussé à fuir en Europe avant de revenir au Sud-Kivu devant à l’insistance de ses anciennes patientes. Denis Mukwege y exerce toujours, tout en enchaînant les apparitions publiques à travers le monde.
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Le spectateur le comprendra vite : Thierry Michel et Colette Braeckmann dressent un portrait foncièrement élogieux de leur sujet. Les documentaristes mettent bout à bout une myriade d’entrevues (grossièrement montées, voire « dirigées ») au cours desquelles chacune des personnes interrogées n’a de cesse de souligner l’infinie compassion du docteur Mukwege. Il serait certes inconvenant de ne pas relever l’excellence de l’action de l’homme et l’ampleur de son dévouement, mais cela suffit-il pour structurer un documentaire de près de deux heures ? La réponse à cette question est aussi complexe que l’œuvre est imparfaite.
L’homme qui répare les femmes : La colère d’Hippocrate est divisé entre l’utilisations d’images archives narrées exposant toute la complexité de la situation du Sud-Kivu, des entretiens de patientes du docteur Mukwege, des interventions dudit docteur, des phases de réceptions de prix et des plans de coupe dévoilant toute la beauté de la région susmentionnée. Ces fragments s’enchaînent avec une redondance navrante, trahissant une absence manifeste de ligne directrice. Et pourtant… s’il est meurtri par son manque de souffle, le documentaire demeure captivant. L’homme qui répare les femmes est introduit par le témoignage d’une fillette revenant sur son viol : dès le début, l’œuvre se révèle radicale et d’une violence aux antipodes de l’allégresse émanant de son affiche. Peu de choses sont épargnées au spectateur : des vestiges sanglants de la guerre civile à la brutalité psychologique de certaines scènes, en passant par l’absurdité de l’être humain qu’en exposent (avec maestria) d’autres. Il est difficile de croire que ces ruptures (drastiques) de ton sont volontaires, il n’en demeure pas moins vrai qu’elles percent l’âme de ceux qui les subissent. De la même façon, la formule exagérément cyclique de l’œuvre semble porteuse de sens : si d’une part, Denis Mukwege enchaîne les discours au siège de l’ONU et reçoit autant de prix que de titres honorifiques, il déplore, d’autre part, le trop lent recul de du problème du viol au Congo. Si les femmes « réparées » s’érigent, avec un courage qui force le respect (il aurait été intéressant, à ce titre, de les interroger sur leur combat plutôt que sur le docteur Mukwege), en bouclier contre ce phénomène ignominieux, le chirurgien continue d’opérer des fillettes violées nées de ses ex-patientes, si bien qu’il craint l’arrivée d’une « troisième génération » du viol.
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Les récompenses qu’il collecte paraissent, a fortiori, frappées du sceau d’un apparat qui ne fait que camoufler l’inaction des organismes qui les offrent. Ce fatalisme est accentué par certaines scènes dans lesquelles le regard des documentaristes se fait aussi puissamment accusateur, dont une parodie de procès militaire au cours duquel un avocat de la défense rétorque à l’accusation, non sans fierté, que son client n’est pas coupable d’avoir forcé une enfant à lui prodiguer une fellation car si cela avait été le cas, elle n’aurait pas pu appeler à l’aide… Ce sont ces nuances, couplées à l’importance de son sujet, qui font de L’homme qui répare les femmes une œuvre précieuse. Si elle est percluse de défaut, elle demeure percutante et éveille les consciences – peut-on exiger davantage d’un documentaire ?
Le docteur Denis Mukwege, au coeur du film, a reçu le Prix Nobel de la Paix de l’année 2018, aux côtés de Nadia Murad.
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