Les risques du métier
Le 30 juin 2020
Un mélange de genres qui tient debout, parce qu’il invoque Kafka et surtout qu’il fait de son ambiance cauchemardesque le support d’un véritable discours politique.
- Réalisateur : Sébastien Marnier
- Acteurs : Pascal Greggory, Laurent Lafitte, Emmanuelle Bercot, Grégory Montel, Gringe , Thomas Guy
- Genre : Thriller
- Nationalité : Français
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 1h34mn
- Date télé : 1er juillet 2020 18:55
- Chaîne : OCS Choc
- Date de sortie : 9 janvier 2019
- Festival : L’Étrange festival 2018
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Résumé : Lorsque Pierre Hoffman intègre le prestigieux collège de Saint Joseph il décèle, chez les 3e 1, une hostilité diffuse et une violence sourde. Est-ce parce que leur professeur de français vient de se jeter par la fenêtre en plein cours ? Parce qu’ils sont une classe pilote d’enfants surdoués ? Parce qu’ils semblent terrifiés par la menace écologique et avoir perdu tout espoir en l’avenir ? De la curiosité à l’obsession, Pierre va tenter de percer leur secret...
Critique : S’il est un métier propice à une observation de cet élément symptomatique de l’époque que sont les troubles de la jeunesse, c’est assurément celui de professeur. Ici, le prof de français remplaçant s’appelle Pierre et on le retrouve sous les traits de Laurent Lafitte, décidément jamais là où on l’attend. Toutefois, ce qui rend cette Heure de la Sortie si singulière, ce n’est pas tant cet enseignant, mais davantage ses élèves qui ont la particularité d’appartenir à une classe de surdoués. Une particularité que le réalisateur exploite comme une source d’aggravation des habituelles frictions intergénérationnelles. Davantage que de jouer avec les malentendus qui peuvent naître entre un adulte et des adolescents, pour en faire en une comédie telle qu’on en a déjà vu des dizaines, Sébastien Marnier a jugé bon de les faire figurer via une ambiance oppressante, allant jusqu’à faire jongler son film avec les codes du fantastique.
Maintenant que le succès de Grave a prouvé que le public français était prêt à accueillir des productions, qui soient à mi-chemin entre le cinéma d’auteur et un cinéma de genre, Marnier n’a eu aucun scrupule à illustrer la paranoïa de son personnage principal avec l’appui d’un habillage sonore particulièrement anxiogène. En plus de cette musique signée par Zombie Zombie, quelques effets de mise en scène nous plongent même dans les cauchemars de Pierre et transforment alors ce drame social en véritable fable kafkaïenne. La présence récurrente de cafards, évoquant La Métamorphose, est l’un des éléments les plus caractéristiques qui imposent la comparaison à « l’auteur praguois » sur qui ce professeur est justement en train de rédiger une thèse.
- © 2018 Laurent Champoussin. Tous droits réservés.
Au-delà de la mise en images de la peur du personnage principal, que viennent alimenter des coups de fil anonymes, ainsi que son sentiment d’impuissance face aux violences qu’il constate parmi ses élèves, le scénario se caractérise avant tout par l’attitude de ces troisièmes surdoués, différents de ceux du roman du l’histoire est pourtant adapté. Or, c’est justement leur comportement inextricablement hostile et l’enquête que leur nouveau prof va mener sur leurs activités extrascolaires, qui vont décaler le cœur du sujet, depuis la peinture d’une institution scolaire loin d’être aussi exemplaire qu’il y paraît, jusqu’à un véritable conte écologique.
Parce qu’ils sont soi-disant surdoués, on a forcément du mal à donner tort à ces gamins quand ils évoquent une prochaine fin du monde. Et leur fatalisme, Pierre ne devrait pas non plus pouvoir le nier, lui qui observe au quotidien son électricité vaciller et son eau du robinet pourrir. Dès lors que la dramaturgie met toutes les cartes sur la table – ce qui arrive après un développement assez long car chargé en rabâchages, mais c’est exactement ce que l’on attend d’un prof –, et que l’enjeu dépasse le seul cadre scolaire, le film se transforme donc bel et bien dans ses dernières minutes en véritable thriller. C’est cette façon de sauter d’un genre à l’autre, sans pour autant faire vaciller la cohérence globale, qui rend ce film si atypique dans le paysage français. Pourtant, le fait que les relations entre les personnages (qu’il s’agisse des profs ou des élèves) soient aussi convenues, rend le résultat peu surprenant. Le discours sociologique qui décrit cette jeunesse dorée, se considérant comme une génération sacrifiée, et le plan de fin qui annonce qu’il vaut mieux être ensemble pour faire face au drame écologique, restent deux piliers qui font que ce mélange de genres globalement maîtrisé reste avant tout un véritable film d’auteur, qui a ses chances de trouver son public.
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