L’ Eté - la critique

Une œuvre lumineuse, véritable ode à la beauté.

L’argument : Une jeune fille attend, dans la campagne normande.

Notre avis : L’Eté, qui date de 1968, est le premier des films de Hanoun regroupés en tétralogie sous le titre Les Saisons ; relativement court, à peine plus d’une heure, il constitue un reflet intéressant d’un cinéma personnel, débarrassé d’une intrigue qu’il s’ingénie à refuser. On comprend vite que la richesse du film est ailleurs : patchwork de photos, de citations, de moments filmés, de musique surtout, il fait également la part belle au montage. Il faudrait d’abord entrer avec un regard neuf dans cet essai poétique savamment construit. Prendre le temps de s’abandonner à des sensations multiples, à une contemplation a-narrative. Car s’il y a bien des éléments épars qui rattachent à une histoire (une séparation, une maison louée en Normandie, un regard sur l’actualité), Hanoun « raconte » surtout sa fascination pour l’actrice omniprésente, Graziella Buci, qu’il enregistre sous toutes les postures, en détail ou en pied, en mouvement ou immobile, au gré d’un montage qui la fragmente, la fait apparaître / disparaître.

On trouve des tics « godardiens » comme le goût de la citation (Kleist, Marcuse, Eluard, les slogans de mai 68), les ruptures de ton ou le « saut d’images », mais Hanoun fait entendre une petite musique originale fondée sur la célébration : par son cadre réfléchi, par son montage et son mixage, le cinéaste poursuit une quête de la beauté sous toutes ses formes. Celle de l’actrice, évidemment, mais aussi celle du quotidien (la nature, les objets) qui, regardé d’une certaine manière, perd son statut de quotidien pour devenir autre chose ; mais c’est également la confrontation avec une musique (Bach, Couperin ou Monteverdi) qui magnifie et densifie le réel. Certes, il y a bien des audaces avant-gardistes dans L’Été mais, comme l’aspect politique, c’est ce qui a le moins bien vieilli à notre sens. Plus passionnantes, la tentative d’épuisement d’un personnage ou les voix entremêlées lisant un texte gardent leur puissance évocatrice. Les fragments composent un portrait parfois touchant et en partie énigmatique, qui est aussi en creux une interrogation sur la solitude et

l’expérience humaine. Cela ne fait ni un film « hermétique » ni un film « difficile », mais un film à part sans aucun doute, souvent très beau et à rebours de nos habitudes. L’occasion encore de s’interroger plus largement sur le cinéma : qu’est-ce que filmer ? Qu’est-ce que monter ? Que peut-on encore filmer ? Avec ses plans qui reviennent comme des rimes internes, L’Été est un témoignage ou une proposition de réponse qui garde toute sa valeur près de cinquante ans après son tournage, celle d’une œuvre originale, comme close sur elle-même, qui se termine comme elle a commencé, par un générique parlé.

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