Le 6 septembre 2017
Une plongée dans l’enfer des caraïbes mené par un Wes Craven alors au paroxysme de son esprit malsain. Sortie du coffret Blu/ray + DVD + livret le 6 septembre 2017
- Réalisateur : Wes Craven
- Acteurs : Bill Pullman, Paul Winfield, Cathy Tyson
- Genre : Fantastique
- Nationalité : Américain
- Distributeur : UIP (United International Pictures)
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Durée : 1h34mn (DVD), 1h38 mn (blu-ray)
- Box-office : 23.874 entrées (Paris Périphérie) . 19.595.031$ (recettes USA)
- Titre original : The Serpent and the Rainbow
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 11 mai 1988
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Résumé : Dennis Alan, un jeune anthropologue, est envoyé en mission dans une clinique à Haïti pour rencontrer un patient diagnostiqué mort et enterré quelques années plus tôt. Arrivé sur l’île, Alan apprend l’existence d’une mystérieuse poudre vaudou capable de plonger un homme dans une mort artificielle. Son enquête le met bientôt aux prises avec les Tontons Macoutes, des miliciens paramilitaires qui utilisent cette drogue pour éliminer les opposants politiques au régime. Menacé de mort, Alan tente de récupérer la recette du poison avant de repartir pour Boston. Mais, ensorcelé par ses ennemis, il ne tarde pas à sombrer dans un univers de magie noire, où se mêlent hallucinations, cauchemars et réalité.
Notre avis : Quatre ans après avoir horrifié le public en introduisant un cauchemar (ce bon vieux Freddy Krueger) dans une charmante bourgade pavillonnaire typique de l’Amérique reaganienne, Wes Craven a eu la délicieuse idée de retourner le dispositif en introduisant un brave américain en plein cauchemar. C’est exactement ce que lui a permis de faire l’adaptation du roman autobiographique de Wade Davis. Intitulé en anglais « Le Serpent et l’Arc-en-ciel », se référant à la Terre et au Paradis entre lesquels les hommes sont condamnés à vivre et mourir selon les symboles vaudous, cet ouvrage très documenté lui a également permis de profiter d’un réalisme loin des idées souvent capillotractées de ses précédents longs-métrages. C’est ainsi que les tortures infligées au nom de pratiques animistes et autres rituels nécromants tels que les filme Craven peuvent se targuer d’être suffisamment proches de la réalité des adeptes du vaudou pour produire un effet véritablement traumatisant. Toute l’imagerie exotique et malsaine, faite de serpents, de mygales, de scorpions ou encore de cadavres à divers stades de putréfactions, posée par-dessus font de cet Emprise des Ténèbres un véritable cauchemar éveillé qui, pour une fois, n’a pas démérité son titre français annonciateur.
Dans le film, c’est Bill Pullman (celui-là même qui, 8 ans plus tard, incarnera l’héroïque Président des Etats-Unis dans Indépendance Day, le rôle de sa vie) qui incarne Wade Davis, renommé pour l’occasion Dennis Alan. Le parcours de ce scientifique pragmatique, spécialiste en ethnobiologie, à la recherche de zombis nés de pratiques mystiques apparente le récit à une enquête dans un contexte surnaturel. Une occasion de mettre en pratique ce que l’on appellera quelques années plus tard « l’effet Scully », à savoir l’exploration des limites d’un esprit rationnel en le confrontant à des évènements qu’il ne peut pas expliquer. Même si Wes Craven semble vouloir donner raison à Davis en validant sa thèse comme quoi l’état d’insensibilisation morbide des zombis serait dû à la consommation d’une toxine naturelle (une théorie qui, 30 ans plus tard, reste discutée), il ne se prive pas, en particulier dans la seconde moitié de son film, d’accorder aux prêtres vaudous de véritables pouvoirs magiques.
- spip-bandeau
C’est cette dichotomie entre un traité scientifique et une pure divagation fantastique qui fait de ce long-métrage une œuvre terriblement dérangeante. Après une première moitié où l’intrigue est relativement linéaire, voire prévisible, notamment dans l’évolution de la relation du scientifique avec la charmante autochtone qui l’escorte, le retour d’Alan à Haïti s’accompagne de davantage de scènes hallucinogènes purement horrifiques. Comme il sait si bien le faire, Wes Craven fait ainsi naitre le cauchemar au cœur du quotidien, et même en l’occurrence d’une réalité historique puisqu’il situe son récit en parallèle à la chute du président Duvalier en 1986. Dans ce contexte socialement chaotique, où le folklore religieux est macabre et la chaleur étouffante, l’horreur semble omniprésente. Elle s’incarne en la personne de Dargent Peytraud, un influent homme de main du dictateur. Cette insertion d’enjeux politiques fait de L’Emprise des Ténèbres un mélange de genres qui dépasse le seul entre-deux entre rêve et réalité, une thématique centrale dans les précédents films de Craven et qui touche ici son paroxysme. C’est d’ailleurs sans doute pourquoi le cinéaste la remplaça ensuite par le rapport entre fiction et réalité dès Freddy Sort de la Nuit pour l’explorer plus en profondeur dans sa quadrilogie Scream.
Entre étude anthropologique, thriller politique et série B d’épouvante, il s’agit là d’un film-somme, et de la marque d‘une maturité que l’on avait longtemps reproché à Wes Craven de manquer. Un long-métrage qui a depuis gagné son statut de film culte, ne serait-ce que dans les Caraïbes où les habitants aiment à voir leur région dépeinte avec un réalisme cru qui brise l’image de carte postale. Et même si certains effets spéciaux ont mal vieilli (en particulier ceux qui illustrent la sorcellerie du grand méchant lors de l’affrontement final), beaucoup des images de L’Emprise des Ténèbres ont vocation à hanter nos cauchemars, et c’est exactement ce qu’on attend de lui.
Le box-office :
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Gros échec en France, le film entra en 5e place du box-office sur Paris, avec seulement 18.000 entrées dans 22 salles, en pleine période du festival de Cannes. Pour la mémoire, il sortait face au phénomène de société Le Grand Bleu de Besson, qui démarrait timidement en tête avec 97.000 entrées.
En première semaine parisienne, Wes Craven faisait autant que son concurrent direct... Le Retour des Morts Vivants 2 qui célébrait sa 2e semaine macabre dans nos salles.
Il ne restera que 3 semaines à l’affiche sur la capitale, avec 23.874 entrées. Un désastre.
Il se comportera mieux aux USA avec 19M$ et une 51 position annuelle. On reste loin du plus adolescent Les Griffes de la nuit.
Les suppléments :
A la mort du décès de Wes Craven, en 2015, Alexandre Aja, connu pour avoir signé un remake de La Colline a des Yeux fut interrogé sur son rapport avec le maître de l’horreur. C’est cette interview de 29mn, intitulée Gentleman Wes, que l’on retrouve en guise de bonus.
L’essentiel de cette édition collector, c’est toutefois un livret d’une soixantaine de pages, très complet, au sens où il explore multitude de sujets autour du film, des pratiques vaudous (dont un prologue de Bill Clinton sur la question) à la filmographie de ses principaux interprètes. De quoi briller en société dès que le titre du film sera évoqué !
L’image :
Un travail de restauration a visiblement été effectué, améliorant la qualité visuelle de ce film qui a su devenir culte grâce à la VHS.
Le son :
La véritable réussite de cette restauration est d’avoir su améliorer son mixage sonore et rendre ainsi son pouvoir immersif plus oppressante encore. Seulement du 2.0, mais en DTS, s’il vous plaît.
Galerie Photos
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