L’ami, François d’Assise et ses frères - la critique du film + le test DVD

Notre avis : Il est très difficile d’évoquer au cinéma la spiritualité ; si Rossellini s’en est bien tiré, nombre de films hollywoodiens se transforment vite en imagerie sulpicienne. D’autant que notre époque lestée de transcendance paraît rétive devant les obscures polémiques qui peuvent passionner des théologiens aguerris, mais nous semblent infiniment loin de nos préoccupations. Il fallait donc de l’audace et du courage à Renaud Fely et Arnaud Louvet pour aborder la vie de Saint François d’Assise, sans la réduire à un kitsch new-age et en faisant du treizième siècle un écho de notre monde. Pari à demi réussi, puisque une fois salué le culot, on se retrouve devant un objet hybride, dont il semble que l’esthétique et les dialogues se complètent sans se rejoindre : les cadrages léchés et les éclairages soignés renvoient au pictural, alors que les répliques parfois sentencieuses se chargent du combat moral, encore alourdies par une voix off explicative. La musique accentue elle aussi ce que les intentions peuvent avoir d’abstrait, alors que des détails (les ongles noirs, la blessure en gros plan) renvoient au concret le plus sordide. Au fond, les réalisateurs paraissent hésiter entre plusieurs métrages comme ils hésitent entre réalité historique et invention.

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La langue elle-même pose problème : si le film est censé se dérouler en Italie, pourquoi mêler des acteurs français et italiens dont l’accent pose de temps en temps des problèmes d’intelligibilité ? Pareillement faut-il imiter un langage médiéval, l’actualiser un peu ou beaucoup ? Là encore le choix n’est pas net et certaines répliques feront tiquer même les moins puristes.

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Il y a pourtant à la base une très bonne idée, qui évite nombre d’obstacles : celle d’adopter le point de vue, non pas du futur saint, mais de son comparse Elie de Cortone, moins intransigeant et finalement adepte du compromis. Ce regard distancié met en valeur les grandes questions par opposition : faut-il travailler la terre ? Combattre ou célébrer la pauvreté ? Composer avec l’église institutionnelle ? Autant d’interrogations qui trouvent avec une transposition facile des résonances actuelles, même si elles demeurent à notre sens très théoriques.

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Le début du film est assez malicieux : sous un beau soleil, François est entouré d’oiseaux peu farouches ; tout se passe comme si ces premières images étaient la caution à l’image traditionnelle, un clin d’œil à ce qu’on peut attendre, caution bien vite oubliée. Car le reste sera sérieux, voire même un peu trop.
Alors, si l’on est gêné par de nombreux éléments (et que dire de l’interprétation grimaçante de François ?), si malgré la brièveté de l’œuvre on trouve parfois le temps long, L’ami ... reste une tentative originale, soignée, respectable, qui mérite largement qu’on s’y arrête.

Les suppléments :
Le court making-of (4mn30) insiste sur l’actualité politique du film. Mais c’est surtout l’historien du Moyen Age qui, dans un entretien précis, intéresse en revenant sur François d’Assise et sa complexité (19mn30).

L’image :
La beauté des paysages, la finesse des éclairages ou le simple grain de la peau sont magnifiés par une copie impeccable, aux contrastes et à la colorimétrie soignés.

Le son :
Les deux pistes (5.1 et 2.0) rendent sensibles le vent dans les arbres ou les dialogues murmurés, comme le crissement d’une plume sur le parchemin.