Iranien - la critique du film

Mehran Tamadon propose avec Iranien d’aller à la rencontre de mollahs pour échanger sur la société et la religion. Un documentaire réussi qui pose adroitement la délicate question politique du vivre ensemble.

L’argument : Iranien athée, le réalisateur Mehran Tamadon a réussi à convaincre quatre mollahs, partisans de la République Islamique d’Iran, de venir habiter et discuter avec lui pendant deux jours. Dans ce huis clos, les débats se mêlent à la vie quotidienne pour faire émerger sans cesse cette question : comment vivre ensemble lorsque l’appréhension du monde des uns et des autres est si opposée ?

Notre avis : Après un premier long-métrage documentaire, Bassidji, dans lequel il tente d’établir un premier dialogue avec les défenseurs de la République islamique d’Iran, le réalisateur Mehran Tamadon poursuit son entreprise et s’aventure davantage dans la voie de l’échange avec son nouveau documentaire, Iranien. S’ouvrant sur les difficultés que le réalisateur à rencontrées pour mettre son projet sur pied - les mollahs refusant d’y participer soit parce qu’ils considéraient le réalisateur comme un impie avec lequel ils ne souhaitaient pas traiter devant les caméras, soit par peur de représailles - le spectateur aurait pu craindre un documentaire partial se limitant à une critique acerbe du régime islamique. Il n’en est rien et Mehran Tamadon propose ici un documentaire qui met adroitement en avant la notion d’échange et de partage, ou du moins de communication, qui, rappelons-le au risque d’enfoncer des portes ouvertes, constitue le fondement d’une vie en commun, d’une vie politique. © L’Atelier Documentaire / Box Productions
Les premières appréhensions sont perceptibles aussi bien chez le réalisateur que chez les quatre mollahs, lors de leur arrivée ainsi que de celle de leur famille dans la maison commune, et c’est ce qui fait l’intérêt de la mise en scène : Mehran Tamadon a fait le choix de montrer ses interlocuteurs non comme des adversaires mais comme ses concitoyens. Plus les heures passent, plus la vie en communauté prend forme et le documentaire perd peu à peu son aspect expérimental pour montrer un véritable lien se créant entre les hommes. Le temps de la vie quotidienne, rythmé par les scènes de préparation des repas, laisse place à des séquences de dialogue où la question du vivre ensemble est abordée à travers les thèmes de la laïcité, du statut de la femme, de la liberté d’expression et de la délimitation entre espace public et espace privé dans ce qui serait une communauté idéale. On notera cependant l’absence des femmes des mollahs lors des discussions à caractère politique, et ce malgré les récurrentes invitations du réalisateur. Montrant aussi bien les instants de détente et d’entente que les nombreux moments de tension, le réalisateur s’engage dans le débat dans une véritable entreprise de compréhension de l’autre. Lors des discussions les plus animées, certains silences du réalisateur - parfois à court d’arguments - donnent même envie au spectateur d’intervenir, rappelant que le débat politique est un échange d’idées constant auquel chacun peut participer. © L’Atelier Documentaire / Box Productions
Iranien est un documentaire qui interroge également le genre auquel il appartient et qui cherche à trouver la juste distance à mettre entre le réalisateur et ses interlocuteurs, entre ce qui est montré à l’écran et le spectateur pour permettre à ce dernier d’élaborer sa propre réflexion au sujet de ce qui a été vu et entendu. Même si le film se termine sur une note laissant une légère amertume et qu’aucun des partis n’aura véritablement changé de position, Mehran Tamadon montre qu’un dialogue est encore possible et que le cinéma est un inlassable pas vers la compréhension d’autrui.

© L’Atelier Documentaire / Box Productions