Obscure chute.
Le 5 septembre 2019
Avec cette deuxième saison de Histoire d’un crime, Netflix continue d’autopsier des affaires criminelles totalement brouillées par des contextes politiques et sociétaux, avec, en prime, une touche façon David Fincher. Éprouvant.
- Réalisateurs : Juan Felipe Cano - Felipe Martínez Amador
- Acteurs : Laura Osma, Enrique Carriazo, Fabiana Medina, Julián Román, Juan Pablo Urrego, Juliana Velásquez
- Nationalité : Colombien
- : Netflix
- Durée : 8 épisode de 38 à 49 min
- VOD : NETFLIX
- Genre : Drame, Policier
- Titre original : Historia de un crimen: Colmenares
- Date de sortie : 3 mai 2019
- Plus d'informations : histoire d’un crime : Colmenares
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Résumé : Après une fête d’Halloween, Luis Andrés Colmenares, un étudiant, est retrouvé mort. S’agit-il d’un accident ou d’un meurtre ? Une série inspirée de faits réels.
Notre avis : Après une plongée nauséeuse dans les sordides magouilles politiques mexicaines, afin de rendre totalement opaque l’assassinat, en 1994, du candidat à présidence, Luis Donaldo Colosio, Netflix livre, à quelques semaines d’écart, un deuxième volet de sa série originale Histoire d’un crime. Cette fois, direction la Colombie pour une affaire plus récente, qui mit Bogotá, et tout le pays en émoi, en suivant un infernal feuilleton judiciaire partiellement achevé 2016, sans qu’à ce jour une vérité soit clairement établie.
Lors de la soirée d’Halloween 2010, Luis Andrés Colmenares et ses amis se rendent en boîte de nuit. Ça s’amuse, danse et boit beaucoup. Luis est amoureux de Laura Moreno qui a rompu depuis des mois avec Carlos Cárdenas. Luis, Laura et Jessica, une amie commune, sortent vers trois heures du matin. Luis, qui a pas mal bu et tenté d’embrasser Laura sans succès, s’enfuit brusquement alors qu’il mange un hot-dog acheté à un marchand ambulant. Laura tente de le rattraper, mais le drame se noue en quelques minutes : Luis chute dans un canal. Après avoir exploré l’endroit qui est peu profond -cinquante centimètres d’eau environ-, Laura appelle ses amis. La police et les pompiers investissent les lieux, descendent dans le canal et ne voient rien. À six heures, les parents de Luis arrivent à leur tour et exigent une nouvelle exploration. Trois heures plus tard, d’autres pompiers y retrouvent le corps sans vie de Luis. Voilà, on en assez dit.
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Également produite par Dynamo Producciones, contrairement à Colosio, la réalisation reste exclusivement dans le domaine de la « fiction », y compris à travers les images finales d’usage, accompagnées d’explications sur les destins des différents protagonistes. Donc pas de vraies photos de Luis et encore moins d’extraits vidéo de l’époque. Bien qu’un texte au début de chaque épisode précise que « les événements et les personnages représentés (…) ont été tournés vers la fiction (…) certains noms ont été modifiés, dans le but de montrer une version fictive largement connue (…) ; l’existence de certains passages et personnages est le produit de la créativité, de la fiction et de la narration (…) ». Une rapide revue de presse des médias colombiens au moment de la sortie de la série, rappelant les faits, ainsi que la réaction de Jorge Colmenares, le frère de Luis, montre, que comme dans la première saison, la frontière entre fiction et réalité est plus que mince. D’ailleurs, les noms des principaux protagonistes, Luis, ses amis, ou ceux des procureurs n’ont pas été changés.
Si cette saison est moins nébuleuse que l’affaire Colosio liée à des enjeux d’État, elle n’en demeure pas moins aussi sordide. La Colombie est gangrénée par la corruption et une fracture sociale, la justice est réellement à deux vitesses, pour peu que la « victime », ou le « coupable », soient bien nés ou pas. Et le premier épisode pose très bien les bases d’un dossier qui ne peut que mal partir. Le « gentil » surnom de Luis est Negros. Ses parents appartiennent à une classe très moyenne, de souche indigène, et se saignent aux quatre veines pour leur fils étudiant, sans histoire et œuvrant consciencieusement dans l’ingénierie industrielle à l’Université des Andes, une institution privée réputée en Colombie, et forcément fréquentée par des étudiants issus de familles fortunées. Des étudiants à qui on ne va pas aller chercher des poux dans la tête, a fortiori, pour une stupide histoire de jeune indigène bourré qui se tue bêtement en se cassant la figure dans un canal. Circulez, il n’y a rien à voir !
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Comme dans Colosio, le prisme central d’écriture passe par la femme, ici une mère dévastée par la mort de son enfant, profondément aimante, croyante, mais également adepte de pratiques indigènes de « communication » avec l’au-delà et son fils. En plus des incohérences matérielles relevées lors de la nuit du drame, elle reçoit suffisament de signes de son fils pour être convaincue qu’il ne s’agit pas d’un accident, mais d’un meurtre. Qui, pourquoi, comment ? Elle et son mari vont remuer ciel et terre avec l’aide d’un procureur, également d’origine modeste, pour obtenir la vérité, tout en se heurtant à un système procédural et judiciaire d’un cynisme épouvantable. Et autant des deux côtés, Ministère public ou partie civile. Pour accroître le malaise et la tension, Histoire d’un crime : Colmenares, introduit une trame parallèle, via un autre prisme, celui d’un journaliste d’un magazine populaire défendant les « opprimés ». Responsable d’une petite rubrique, il sent l’occasion de faire un coup, de grimper dans la hiérarchie, et se saisit de l’affaire pour s’y consacrer des jours et des nuits, au point de mettre en l’air son couple. Bien entendu, l’ombre de Fincher et de Zodiac plane, mais le cheminement est plus subtil. Là, encore, on ne spoilera rien.
On soulignera la performance des comédiens totalement investis dans leurs rôles, avec toute la pression qui a dû peser sur leurs épaules, cette affaire étant encore plus que présente dans l’opinion, puisqu’en 2018, de nouvelles instructions ont été ouvertes et sont encore en cours. Cette deuxième saison est aussi captivante, voire plus que Colosio, car elle mêle habilement les genres, thrillers d’investigation, officielle et officieuse, comédie dramatique intime et intensité théâtrale des diverses audiences et procès.
Avec Histoire d’un crime, Netflix revisite avec qualité le genre, en proposant un format qui mérite le détour et on ne peut qu’espérer que la plateforme continuera son travail d’autopsie d’affaires sud-américaines.
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