Nolan, faut le suivre
Le 17 octobre 2013
Intriguant et déroutant. Le premier film de Christopher Nolan.
- Réalisateur : Christopher Nolan
- Acteurs : Jeremy Theobald, Alex Haw, Lucy Russell
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Britannique
- Durée : 1h09mn
- Titre original : Following
- Date de sortie : 1er décembre 1999
L'a vu
Veut le voir
– Grand Prix du Festival international du film de Rotterdam (1999)
– Prix du meilleur film en noir et blanc du Festival international Slamdance (1999)
– Prix du meilleur réalisateur au Festival international du film de Newport (1999)
– Hitchcock d’argent au Festival du film britannique de Dinard (1999)
N’essayez pas de vivre une vie qui ne serait pas la vôtre, et au contraire réjouissez vous de ce que vous êtes.
L’argument : Bill est apparemment un jeune homme ordinaire, un londonien comme tant d’autres. Mais Bill se rêve romancier et c’est sans doute pour cela qu’il suit de manière quasi-obsessionnelle des inconnus au hasard de ses errances. Où vont-ils ? Que font-ils ? Quelle est leur vie ? Un jour, Bill suit Cobb, un fascinant dandycambrioleur. Cobb deviendra pour lui un ami, un mentor, un complice, un confesseur et une source d’inspiration. Mais les apparences peuvent parfois être trompeuses et Bill ne ressortira pas indemne de cette rencontre…
Christopher Nolan
Notre avis : Filmé caméra à l’épaule, rythmé et chronologiquement déroutant, pour son premier long-métrage le réalisateur britannique Christopher Nolan réussit un tour de force en nous démontrant son talent par un scénario savamment orchestré avec une sortie de route à la Usual Suspects.
Following reflète déjà les prémices de son obsession scénaristique, à savoir “le trouble identitaire“. On y retrouve également ce qui le fera connaître dans le film Memento sa manière anti-chronologique, pour autant non-aléatoire, de nous raconter son histoire. Une narration mêlant flash-back et instants présents où les différents événements et temps fort sont confrontés les uns avec les autres.
Tourné en noir et blanc par nécessité budgétaire (budget dérisoire de 6.000$) ou par choix esthétique, ce film pourrait en rebuter certains. Idée totalement absurde : parce qu’il n’y a pas de couleurs, il serait désuet et par conséquent inintéressant. Mais heureusement, d’autres spectateurs ne s’y tromperont pas et s’y attarderont pour y voir, peut-être, un film d’auteur. Une chose est sûre Following mérite le détour. Car qui croirait en le découvrant qu’il est l’oeuvre du réalisateur de la dernière trilogie des Batman, où foisonnent les effets spéciaux ? A contrario, ici, le film est dépourvu d’artifices avec une action qui se situe dans le décor naturel de certains quartiers de Londres. C’est cette couleur qui lui permet de devenir intemporel. Following aurait pu être tourné des années plus tôt, comme par exemple dans les années soixante, ou récemment, mais il date bien de 1998. L’image s’accompagne d’une musique originale peu présente et succincte, mais cela fonctionne car elle est distillée de façon à la rendre entêtante voire dérangeante. On peut dire que ces différents aspects esthétiques (visuels et sonores) lui confèrent un côté « underground ».
D’une durée de 69 minutes, le film est assez court pour un long-métrage, mais cela n’empêche pas le spectateur d’avoir une sensation de longueur et de s’ennuyer assez rapidement. Pourtant, on ne peut pas dire que Following ne soit pas bien rythmé. Peut-être, est-ce l’interprétation au flegme typiquement britannique qui nous hypnotise ? Il faudra attendre l’entrée véritable d’un troisième protagoniste pour nous sortir de notre torpeur et à nouveau éveiller notre intérêt qu’on ne lâchera pas jusqu’à la fin. On notera toutefois une erreur d’écriture, que l’on pardonnera à Christopher Nolan. Premièrement, parce que c’est son premier long-métrage et deuxièmement parce que peu s’en apercevront. En effet, le film est raconté du point de vue de Bill, l’écrivain raté, pourtant à un moment donné on quitte son point de vue pour celui d’un autre… Pour autant, cela n’entache en rien la qualité du scénario, alors passons…
Sous sa forme policière, ce premier long relève surtout d’un aspect philosophique et cela par le biais de ces deux personnages principaux. Où Bill se rêve d’une vie qui n’est pas la sienne. D’abord s’illusionnant être dans la peau d’un écrivain, puis à la recherche d’une certaine exaltation, et l’adrénaline aidant, il abandonnera sa propre vie pour usurper celle d’un gentleman cambrioleur. Victime consentante, les mots de Cobb auraient dû résonner en lui comme un écho, à savoir que le vol n’est pas une finalité en soi, mais que c’est bien l’effet révélateur qui est recherché : le sentiment de la victime face à ce vol, qui découvre une fois disparu, l’importance de l’objet perdu. Et voilà bien ce qui fait la force de ce film et des autres qui suivront, c’est que sous un aspect divertissant, Nolan n’en oublie pas d’interroger le spectateur sur sa vie, sur celle qu’il rêve mais qui parfois ferait mieux de rester sous cette forme fantasmée.
Christopher Nolan
Pour finir, on soulignera un clin d’œil à l’un de ses réalisateurs phare : Stanley Kubrick. Avec un hommage à Jack Torrence, héros inquiétant du film Shining (qui lui aussi est dans l’incapacité d’écrire), dont le portrait, affiché en trois exemplaires sur le mur de Bill à côté de sa machine à écrire, semble veiller sur lui. Peut-être une référence aux « Trois petits singes » de la sagesse : « Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire » ? Face à cette judicieuse maxime asiatique, nous vous invitons à regarder Following, à l’écouter et à en parler…
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