Affreux, sales et méchants
Le 3 août 2021
Quand la Belgique s’occupe du punk, c’est un voyage sans retour dans les tréfonds des âmes rebelles. Une curiosité filmique du plat pays étonnante, sonnant faux la plupart du temps, mais capable de transmettre l’énergie du désespoir. A découvrir.


- Réalisateur : Koen Mortier
- Acteurs : Sam Louwyck, Dries Vanhegen, Norman Baert, Arno
- Genre : Drame social
- Nationalité : Belge
- Distributeur : Gunter Lamoot
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 1h44mn
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans

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– Année de production : 2007. Inédit en France.
Résumé : Trois types handicapés, formant un groupe rock sans batteur, sont à la recherche d’un batteur, de gloire et de succès. Ils proposent à Dries, un écrivain renommé, de rejoindre leur groupe. Dries accepte avec plaisir et décide que son handicap sera qu’il ne sait pas jouer de la batterie. Tel un dieu ultime mais en même temps diabolique, il descend du ciel afin de se mêler à la populace en détresse. Avec l’arrivée de ce manipulateur, l’avenir du groupe sera lui aussi mis en jeu et il ne faudra pas longtemps avant que les autres membres n’en viennent à se haïr comme la peste.
Critique : Ex Drummer est inspiré d’un roman sulfureux de l’écrivain Herman Brusselmans, œuvre qui retrace le parcours chaotique d’un groupe punk. Brusselmans est un auteur culte auprès de la jeune génération belge, ses livres ayant le plus souvent pour thèmes l’alcool, le sexe et l’ennui.
Ex Drummer, c’est un peu la fusion entre A Serbian Film, Transpotting et La Merditude des choses. Une plongée glauquissime dans un univers baigné de beuveries effrénées et de violence hardcore. Le cinéaste n’évite pas le sensationnalisme, tout comme Srdan Spasojevic dans son horrible long métrage, A Serbian Flm, mais si le long métrage serbe est un nanar abject, Ex Drummer parvient à dépasser sa volonté puérile de choquer le bourgeois. Le réalisateur belge plante sa caméra à Ostende et confronte le spectateur déviant à un monde dévasté par la pauvreté matérielle et la misère intellectuelle. Une rencontre qui ne se fait pas sans douleur, tant le metteur en scène fait preuve de sadisme envers son public.
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En dehors de son aspect indécent, c’est le flagrant manque d’amour avec lequel le cinéaste saisit ses personnages qui retient l’attention. Jamais on ne s’attache à la destinée de ces antihéros rockeurs pour la simple et bonne raison que ce sont tous des "ordures". L’écrivain qui rejoint le groupe par pur cynisme est antipathique au possible, le guitariste est serial killer et les deux autres membres sont des drogués au quotient intellectuel alarmant. Koen Mortier filme tout ce beau monde avec misanthropie et nous rappelle bruyamment que dans un monde aussi dévasté affectivement, certaines personnes n’ont que peu de place dans leur cœur pour l’amour et la sollicitude.
Souvent agaçant dans son traitement "arty" de la violence (Mortier ne nous épargne rien), Ex Drummer finit par emporter le morceau dans sa dernière demi-heure. Le groupe composé de nos quatre handicapés et du romancier participent à un concours de rock dans un bled paumé de Belgique. A ce moment, la fureur embrase l’écran et l’énergie punk déploie ses ailes pour croquer le spectateur tout cru. Les guitares hurlent, les voix saturent, le public se castagne avec allégresse, les insultes fusent et, clou du spectacle, le chanteur Arno himself débarque pour un set brutal et furieux. Après ce déferlement de rage visuelle et sonore, Mortier continue sur sa lancée et nous balance un final qui clame haut et fort la maxime punk par excellence : NO FUTURE.
Ex Drummer est une œuvre folle et sans concession, souvent roublarde et répugnante, mais unique en son genre.