Corbeau numérique
Le 3 juin 2020
Intriquant sournoisement deux intrigues, Control Z est une série aussi addictive que les messages reçus par ces ados rivés à leurs smartphones. Une première saison habilement menée qui appelle une « suite » via son final, comment dire, furieux… ?
- Réalisateur : Alejandro Lozano
- Acteurs : Ana Valeria Becerril, Michael Ronda, Yankel Stevan , Zión Moreno
- Nationalité : Mexicain
- : Netflix
- Durée : 8 épisodes de 34 à 41 minutes
- VOD : NETFLIX
- Scénariste : Carlos Quintanilla
- Genre : Drame, Chronique sociale, Policier
- Titre original : Control Z
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 22 mai 2020
- Plus d'informations : Control Z
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Résumé : Quand un hacker se met à distiller les secrets les plus intimes des élèves du lycée, Sofia, une jeune fille solitaire mais observatrice, tente de découvrir son identité.
Critique : Nous allons être honnête, mais avant de regarder Control Z, nouvelle production mexicaine de Netflix, nous ignorions tout de son créateur, Carlos Quintanilla. Et selon IMDB, ce n’est pas le premier venu. Auteur prolifique de séries et télénovelas, patron des contenus chez Televisa (numéro un de l’audiovisuel du monde hispanique), enseignant en écriture de scénario, formateur en showruning, il est vice-président de Lemon Studios (autre leader en Amérique latine), chargé des projets avec Netflix. Nous y voilà. Du coup, à la question suivante, nous fichons notre billet sur sa réponse : « Mr Quintanilla, avouez, vous aimez bien Henri-Georges Clouzot, Alfred Hitchcock bien sûr, et voire un peu beaucoup aussi Wes Craven, n’est-ce pas, hein ? »
Sofia, après une longue absence, revient au lycée. En une simple séquence d’ouverture, on découvre que cette adolescente est pour le moins « particulière » : assez renfermée sur elle-même, elle prend pourtant la défense d’un copain maltraité par trois étudiants. Avec des méthodes dignes du Mentalist, elle retourne comme des crêpes les agresseurs. Qui est cette Sofia dont on comprend, toujours au cours du premier épisode, que son père est mort dans des conditions autant tragiques qu’étranges et qu’elle est passée par la case hôpital psychiatrique ? Mais ce jour pour Sofia, et tous les autres élèves, est loin d’être banal. Au cours d’une conférence animée par le proviseur, sur les dangers des réseaux sociaux, le PC relié au vidéo-projecteur est piraté. Un mystérieux hacker y balance une vidéo d’une rare violence, révélant un incroyable secret sur une étudiante. Et inutile de taper « Control Z », cela n’effacera rien. Pis, cela ne fait que commencer.
- Copyright Netflix
Inévitablement, nombreux penseront à la série culte Gossip Girl, où la jeunesse huppée de New York était suspendue aux potins d’un blog, ou plus récemment à Elite. Autant vous le dire, a priori, double fausse piste. D’abord, les premiers blogs d’il y a quinze ans (la S1 de Gossip Girl date de 2007) ont depuis été pulvérisés et enterrés par les smartphones, réseaux sociaux et messageries bien plus trash. Si notre hacker démarre par un coup d’éclat, il agit ensuite de façon plus sadique et anxiogène, ses messages n’arrivant qu’en privé. L’atmosphère dans ce Colegio Nacional devient vite irrespirable, chacun suspectant l’autre. Quant au corps enseignant et au proviseur, ils sont vite dépassés par la situation, le réseau Wi-Fi et tous les portables du lycée étant sous le contrôle de ce mystérieux « @_allyoursecrets_ ». Et de là à penser que cette Sofia, dotée d’une intelligence et d’un sens de l’observation du moindre détail redoutables, en menant son enquête, brouillerait les pistes, l’idée est vite tentante. À moins que ? Ou alors ? Oui, sac de nœuds en perspective ! Quant à une possible ressemblance avec Elite, outre que l’histoire se passe dans un lycée brassant plusieurs catégories sociales, elle se limite plus à une façon, devenue un peu trop canonique, de filmer les soirées dans de belles villas avec piscines, alcool, herbe et poudre à gogo, sans oublier les coucheries plus ou moins dénudées.
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D’ailleurs, nous convenons volontiers que Control Z, n’échappe pas aux défauts (ou critères ?) usuels des teen drama, avec rebondissements faciles et personnages stéréotypés de gosses de riches, filles « superficielles » et autres bad boys torturés. La réalisation est de bonne facture et le casting regroupe quelques célébrités mexicaines en devenir, à commencer par Ana Valeria Becerril dans le rôle de Sofia, révélée à Cannes en 2017, dans Les Filles d’Avril réalisé par Michel Franco (prix spécial du jury d’Un certain regard). On ajoutera la présence de Michael Ronda, également chanteur et danseur connu au Mexique, et enfin celle de Zión Moreno, actrice et mannequin transgenre américano-mexicaine, annoncée justement dans le reboot de Gossip Girl pour HBO, en cours de production, mais décalé en raison de la Covid.
Cette série se démarque en fait, plus par son double arc narratif qui se résume à une même question : qui sont au juste Sofia et ce fichu hacker ? Avec ces deux intrigues totalement intriquées, Carlos Quintanilla nous embrouille presque à chaque épisode. Alors pourquoi demanderions-nous au créateur de la série, s’il aime Clouzot, outre le fait qu’après avoir épousé une Brésilienne, Véra, il est aussi tombé amoureux de l’Amérique du Sud ? Le cinéphile pensera inévitablement à son œuvre maudite, Le Corbeau (1943). Ce film inspiré d’un fait divers des années 20, raconte comment un village est mis sans dessus dessous quand plusieurs habitants reçoivent des lettres anonymes signées « Le Corbeau », dénonçant les turpitudes des uns et des autres. Un drame rural en quasi huis clos, où les lettres s’échangent discrètement et les rumeurs vont bon train. C’est en transposant cette mécanique dans un autre huis clos que Control Z se distingue. Sauf que nous sommes en 2020, les lettres anonymes manuscrites sont remplacées par des textos et vidéos absolument intraçables, et que contrairement à des temps antédiluviens pour nos Générations Z, imposer une dictée aux élèves pour identifier une écriture, ou surveiller les boîtes à lettres du village, comme dans Le Corbeau (et la vraie affaire) est impossible. D’où une tension plus rampante et assez addictive.
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Le créateur de la série, enseignant le showrunning, pourrait alors, en toute modestie, présenter, pendant ses cours, le plan narratif de Control Z et ses deux intrigues. Sans spoiler, Carlos Quintanilla nous la joue « double effet Kiss Cool », avec deux résolutions, amenées de façon assez tordue, en particulier lors d’un épisode dont on ne dira pas plus, et un final qui nous laisse sur un cliffhanger, qui appelle non pas une suite au sens de continuité mais, comment dire ? À part vous suggérer de relire les noms des réalisateurs évoqués dans notre question initiale…
Enfin, petit détail. Le proviseur dans la série, l’homme qui en principe contrôle tout dans un lycée, s’appelle Miguel Quintanilla. Sacré farceur, ce Carlos, non ? Bref, Control Z est un raccourci à voir. En attendant, à notre humble avis, Control Z 2. Pas S2…
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