Ces fromages qu’on assassine - la critique + test DVD

Un petit pavé dans la marre lactée de la production industrielle où l’on apprend que le producteur de fromages au lait cru n’est pas un dangereux criminel.

L’argument : Croûtes fleuries ou lavées, pâtes molles, pressées ou cuites, chaque fromage est rattaché à une région, un terroir, à des mentalités tranchées et parfois opposées. Mais il y a fromages et fromage. Dans les linéaires des grandes surfaces sont apparus des aliments standardisés, aseptisés, fabriqués à la chaîne dans les usines des groupes alimentaires.

Notre avis : Les éditions Montparnasse propose en DVD ce documentaire diffusé sur France 3, le 26 décembre 2007 et qui fit, à l’époque, du bruit. Il est vrai qu’en ses périodes de fêtes, où le consumérisme est poussé à son paroxysme, l’idée de critiquer les industries agro-alimentaires et leurs choix stratégiques ou les grandes surfaces paraissait risquée eu égard notamment à la manne publicitaire qu’elles apportent. Une courte émission abordant un sujet similaire fut d’ailleurs à cette époque déprogrammée puis reprogrammée sur cette même chaîne de télévision. L’atmosphère entourant la diffusion de ce documentaire était donc pour le moins pesante. Elle alimenta les commentaires des journalistes, des bloggeurs et fut le sujet de la première émission sur le Web d’« arrêt sur image », ancienne émission de France 5 ayant trouvé refuge sur la toile. Bref, un pavé avait donc été jeté dans la marre lactée. Mais pourquoi tant de bruit ? Quelle goutte avait fait débordé le pot au lait et provoquer l’ire du groupe Lactalis ?
Joël Santoni et Jean-Charles Deniau nous proposent un road movie fromager. Les réalisateurs envoient sur les routes Périco Légasse, journaliste gastronomique, et Erik Svensson, journaliste suédois jouant le personnage naïf. Nos deux protagonistes partent à la (re)découverte de la campagne, des traditions, du goût et des effluves odoriférants des fromages français, italiens et, surprise, étasuniens. Le motif de cette aventure est la décision de deux groupes de l’industrie agro-alimentaire française d’abandonner l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) en cessant d’utiliser le lait cru pour la fabrication de leurs fromages. Périco Légasse prend alors les armes à travers ce documentaire pour partir en lutte contre le lobbying des industriels développé à cette occasion.
D’emblée, il est à noter que le film sombre épisodiquement, tant par les commentaires que par l’intervention de personnages quelque peu ésotériques, dans un certain passéisme qui pourrait en rebuter plus d’un. La remise en cause quasi systématique de l’industrialisation est quelques fois sommaire et semble ignorer la pratique de marques respectant cependant les appellations d’origine contrôlée. Même Le Petit avant son rachat par Lactalis était capable de produire plusieurs centaines de fromages par jour, certes peu comparable avec la production en centaine de millier actuelle, mais plus tout à fait artisanale. Bref, le propos souffre parfois, pour reprendre le vocabulaire de la profession, d’un manque d’affinage.
Mais si l’idée d’appuyer sur le bouton « stop » de votre télécommande vous démange, abstenez vous ! Le documentaire mérite grandement le détour pour découvrir les pratiques de l’industrie alimentaire et de la grande distribution.
On apprend ainsi que le terme Camembert n’est pas protégé et que le produit se fabrique, non pas dans ce petit village Normand, mais partout en France, en Pologne et aux États-Unis d’Amérique et ailleurs encore. Les fromages de nos supermarché ne sont plus le reflet d’une production française régionale mais le résultat d’études de marchés et de brainstorming de savantes agences de publicité qui voguent de façon quasi schizophrénique sur la vague du vrai goût et de l’authenticité alors qu’ici, tout ou presque n’est qu’ersatz.
On saura également gré à Périco Légasse de mettre en défaut la rhétorique développée par certains groupes de l’industrie agro-alimentaires arguant de la dangerosité des fromages au lait cru et jetant l’anathème sur les producteurs de ce type de produit. On pourra également saluer au passage le courage de la directrice de l’Afssa, toujours au poste après son intervention, et du responsable de l’INAO, confirmant les propos de notre Don Quichotte se battant contre les moulins à vent de l’industrie.
Le documentaire est présenté dans une version proche de celle diffusée sur France 3, toutefois le censeur a moins joué avec ces ciseaux pour la copie DVD. Il subsiste donc bips sonores, images floues ou retournées afin que le spectateur ne puisse pas reconnaître les produits ou les sites de production du groupe Lactalis. On peut s’en étonner mais on ne saurait réellement s’en émouvoir ; il s’agit d’une fausse pudeur tant le voile qu’il pose est transparent pour le spectateur un peu perspicace. On trouvera également la séquence, coupée dans la version télévisée, où la publicitaire malmenée exige que l’on mette fin à l’interview.
On retiendra donc de ce documentaire la volonté de défendre une certaine idée du goût, du terroir et du respect des traditions ce que traduit d’ailleurs le label AOC.

Le DVD

Descriptif du DVD

Les suppléments

Un seul supplément de 10 minutes. Certes c’est peu. Mais il apporte un fort intéressant éclairage sur l’histoire de ce documentaire, de sa programmation mouvementée sur France 3 et de la prise de conscience qu’il provoqua chez le spectateur à la veille des fêtes de fin d’année 2007.

Image

Un image satisfaisante pour rendre grâce aux paysages de la campagne française ou étasunienne et amplement suffisante pour le documentaire.

Son

Son dolby digital stéréo. Mais ne soyons pas trop exigent, c’est tout à fait suffisant pour pareil métrage. Les voix sont parfaitement audibles y compris lors des scènes en milieu bruyant ou extérieur.