Carnages

A 29 ans, Delphine Gleize nous livre son premier long métrage, ovni surréaliste récompensé par le Prix de la jeunesse au festival de Cannes. Un film original, parfois trop gratuitement.

Il est bien difficile de résumer en quelques lignes le scénario de Carnages. Le premier long-métrage de Delphine Gleize, présenté au festival de Cannes 2002 dans la catégorie Un certain regard, se noue autour d’une demi-douzaine d’histoires reliées entre elles par la mort d’un taureau.

Carnages, c’est Winnie, une petite fille qui a peur de tous les animaux, parce qu’elle croit qu’ils sont plus grands qu’elle ; c’est son institutrice qui a peur de Winnie, un taxidermiste, un auteur d’Annabac dépressif, une comédienne qui suit une thérapie absurde pour parvenir au cri primal, une future mère de quintuplés, un torero qui attend de se faire greffer un foie, et quelques autres encore. C’est aussi et surtout l’histoire d’un taureau mis à mort dans une corrida, et de son voyage en pièces détachées après s’être fait dépecer à l’abattoir.

Tous ont en commun d’être à un moment en contact avec le taureau (le père des quintuplés est un chercheur qui étudie ses yeux, le taxidermiste récupère ses cornes, le chien de Winnie dévore un de ses os, etc.), mais aussi de vivre des expériences parfois douloureuses de maternité et de renaissance. Là encore, il n’y a aucune continuité dans le traitement de ce thème, abordé de manière parfois loufoque (c’est le cas de la comédienne), parfois éculée (le taxidermiste qui vit avec sa mère dans une caravane).

Et puis, bien sûr, comme le titre le laissait présager, il y a du sang. Beaucoup de sang. Des flaques autour d’une suicidée, des opérations qui vous mettront dans la peau du chirurgien, des animaux morts, un torero éventré... Une surenchère écoeurante qui dessert le film plus qu’elle ne lui apporte.

Le résultat est plus insolite que véritablement séduisant. Carnages est un film-puzzle dont les procédés narratifs s’inspirent visiblement de cinéastes comme Pedro Almodovar. Son originalité fascine d’abord, mais cette volonté délibérée de choquer ou de déstabiliser le spectateur finit par devenir un obstacle au bon déroulement des récits.

Pourtant, rien n’a été laissé au hasard par la jeune réalisatrice qui a mis cinq ans à écrire le scénario et qui a su s’entourer de très bons acteurs comme Chiara Mastroianni, Jacques Gamblin ou Clovis Cornillac. Carnages est un ovni, peut-être un peu trop clinquant pour être véritablement renversant.