Tous les sens en éveil
Le 29 avril 2015
Aussi dérangeant que fascinant, Blind réforme remarquablement les codes du film miroir, en replaçant la sensualité au centre de son intrigue.
- Réalisateur : Eskil Vogt
- Acteurs : Ellen Dorrit Petersen, Henrik Rafaelsen, Vera Vitali, Marius Kolbenstvedt
- Genre : Drame
- Nationalité : Norvégien
- Durée : 1h31mn
- Titre original : Blind
- Date de sortie : 29 avril 2015
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Aussi dérangeant que fascinant, Blind réforme remarquablement les codes du film miroir, en replaçant la sensualité au centre de son intrigue.
L’argument : Ingrid vient de perdre la vue. Elle quitte rarement son appartement mais se rappelle encore à quoi ressemble l’extérieur. Les images qui étaient autrefois si claires se remplacent lentement par des
visions plus obscures. Elle soupçonne son mari Morten de mentir quand il dit aller travailler. Est-il dans l’appartement avec elle à se cacher et l’observer en silence ? Ecrit-il à son amante quand il prétend envoyer des emails à ses collègues ?
- © KMBO
Notre avis : Il est des films dont on ne parvient à saisir le sens qu’après coup. De ce fait, Blind, premier long-métrage du metteur en scène norvégien Eskil Vogt, tendrait à se faire une place confortable au royaume de ces œuvres délicates qui nous hantent longtemps après la projection, dans une quête fascinante du sens, douce ironie pour un film bâti sur la perte d’un des cinq sens, celui de la vue en l’occurrence.
Le film met en scène Ingrid, une jeune femme qui vit recluse dans son appartement d’Oslo depuis qu’elle est atteinte de cécité. C’est donc dans l’obscurité et à tâtons qu’elle progresse tout au long de l’intrigue. En privant sa protagoniste de la vue, le réalisateur parvient à nous faire percevoir son film d’une manière différente à laquelle nous sommes habitués. En effet, si nos yeux fonctionnent très bien, nos sens sont sollicités autrement, grâce à une mise en scène singulière et précise qui nous fait partagé l’handicap de l’héroïne : des plans serrés sur ses mains accentue l’importance du toucher, dans un environnement moins accessible où la faible profondeur de champ contribue au sentiment d’enfermement.
- © KMBO
Cependant, le film ne se cantonne pas seulement à la pathologie d’Ingrid et aux effets, plus ou moins néfastes, qu’elle produit sur son quotidien. La cécité va provoquer la remise en cause inéluctable de l’identité sociale et sexuelle de la jeune femme. Comment savoir qui on est et à quoi on ressemble aux yeux des autres lorsqu’on n’est plus capable de se voir soi-même ? Telle est la question que se pose Ingrid.
Et sa crainte de ne plus plaire aux autres est confirmée par l’infidélité de Morten, son mari, qui ne semble plus du tout attiré par son épouse depuis que celle-ci ne voit plus. « Je consens que ça doit être bizarre de se faire sucer par une aveugle, dit Ingrid, même si vous êtes marié avec elle. ». Ainsi Morten préfère-t-il coucher avec Elin, une jeune mère divorcée. C’est là que Blind prend une nouvelle dimension, psychique et inattendue, provoquée par le triangle amoureux que forment Ingrid, Morten et Elin. Tous se croisent, se mêlent et se répondent, jusqu’à égarer le spectateur dans ses propres sensations, et dans la logique narrative du récit. Dès lors, le spectateur se met à épier littéralement les moindres faits et gestes de ces trois personnages, à travers les yeux d’Einar, le voisin d’Elin, célibataire fétichiste et grand amateur de pornographie ; et l’on assiste à l’éveil d’un rêve freudien sombre et sensuel duquel seul le dénouement de l’action parvient à nous faire sortir.
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Balayant d’un revers de manche les paradigmes du film miroir traditionnel (le déguisement, la schizophrénie…), Blind permet à Eskil Vogt de faire une entrée remarquable dans la cour des grands cinéastes contemporains.
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