Balzac et la petite tailleuse chinoise

Petit joyau du cinéma asiatique, Balzac et la petite tailleuse chinoise est une œuvre dense, jalonnée d’images sublimes, de dialogues intelligents, d’humour émouvant. C’est aussi un film douloureux qui retrace une période difficile de la Chine des années 70.

En pleine révolution culturelle, deux adolescents issus de familles cultivées, donc anti-révolutionnaires, se retrouvent en "rééducation" au fin fond d’un village tibétain. Ma est musicien et pour sauver son violon il affirme jouer au chef révolutionnaire un air intitulé Mozart pense au président Mao. Luo et Ma tombent amoureux de la fille du tailleur. La très jolie "petite tailleuse". Luo, plus dégourdi que Ma, entreprend de la séduire en lui lisant tous les soirs Balzac, Flaubert, Dumas.. Livres subversifs par essence qu’ils ont volés à un autre "rééduqué". La petite tailleuse voit alors s’ouvrir, grâce aux mots de Balzac, des perspectives qu’elle ne soupçonnait pas...

Dai Sijie est cinéaste avant d’être écrivain [1]. Après avoir tourné Chine ma douleur, Tong la onzième et Le mangueur de lune, il écrit un premier roman qui devient un best-seller international traduit en 25 langues (sauf en chinois) : Balzac et la petite tailleuse chinoise. Qui mieux que lui pouvait adapter son propre roman au cinéma ?

Le réalisateur part tourner en Chine avec des acteurs chinois, parce que "ça ne pouvait pas se passer ailleurs". Largement autobiographique, Balzac et la petite tailleuse chinoise revient sur une partie de l’adolescence de Dai Sijie. Ces "réeducations" avaient pour but d’apprendre aux intellectuels les "vraies" valeurs, celle de la terre et du travail physique. Mais le travail le plus harassant n’empêchera jamais l’homme de penser. Même avili par des tâches ingrates, la connaissance et la culture l’ouvriront à d’autres perspectives.

Dai Sijie filme magnifiquement les paysages et les corps qui s’y déplacent. Par exemple cette scène pudique où Luo et la petite tailleuse font l’amour dans une rivière.

Quant aux acteurs, très peu connus en France, ils sont excellents. Zhou Xun (la petite tailleuse) est une star en Chine pour avoir joué dans une série télévisée très prisée. Elle parvient à faire évoluer son personnage tout en douceur. Cong Zhijun, qui incarne le vieux tailleur, a connu lui aussi les camps de réeducation et insuffle à son personnage une ambiguité, très réaliste, face à la littérature .

On sort enfin de ce film avec une furieuse envie de lire, de relire, de voir, d’apprendre... de se goinfrer de cette culture qui nous est, à nous, si facilement accessible.