Le 3 juillet 2015
Barbara Loden marque l’histoire du cinéma avec ce portrait âpre et sans concessions.
- Réalisateur : Barbara Loden
- Acteurs : Barbara Loden, Michael Higgins, Dorothy Shupenes
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h45mn
- Date télé : 17 juillet 2021 20:40
- Chaîne : OCS Géant
- Date de sortie : 5 février 1975
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– Reprise : le 8 juillet 2015 en version restaurée
– Année de production : 1970
Barbara Loden marque l’histoire du cinéma avec ce portrait âpre et sans concessions.
L’argument : Mariée à un mineur et mère de deux enfants, Wanda vit coincée entre la grisaille de sa vie familiale et la tristesse des terrils pennsylvaniens. Tournant une page de sa vie, elle décide de partir et se lie à un petit gangster, Mr Dennis. Pour la première fois de sa vie, elle croise l’ambition.
Notre avis : Unique film de Barbara Loden, Wanda se présente comme un portait en creux d’une femme fragile et indéchiffrable. En creux, puisque la psychologie, à l’image du cinéma européen des années 60, bute sur le factuel. De Wanda nous ne saurons pas grand chose, et de ses motivations encore moins. On sent bien qu’elle cherche un peu de tendresse, maladroitement, à suivre des hommes qui la traitent sans délicatesse, mais dans son monde sordide, sans transcendance, le quotidien est une survie au jour le jour. On ne trouvera ni idéal ni esthétisme : les décors sont déprimants, qu’ils soient extérieurs (la carrière du début donne le ton) ou intérieurs ( hôtels et bars miteux), la lumière blafarde, les couleurs ternes. Ces choix de Barbara Loden, qui filme un peu à la manière d’un documentaire, servent d’écrin poisseux à une initiation à rebours : Wanda, après son divorce, commence une déchéance qui la mène de no man’s land en no man’s land, vers un effondrement. Ce parcours passe par le dépouillement (elle se fait voler son argent), la rencontre d’un « maître » inversé (il lui apprend l’obéissance et le mal) et sa séparation. Mais au bout du compte, même si elle se refuse à un militaire de passage, elle n’aura rien appris, et n’aura pas évolué ; son visage énigmatique au début le reste à la fin, dans ce poignant arrêt sur image où elle ferme les yeux, isolée parmi des gens qui rient.
© Camélia Films
L’une des forces du film est le refus d’une explication simple : Wanda n’est pas vraiment une victime de la société (elle aurait pu vivre une vie tranquille avec son mari), ni d’un traumatisme initial. C’est en cela aussi que le scénario, signé par Barbara Loden elle-même, entretient le malaise et ne rassure jamais. Difficile en effet de s’identifier à ces losers pathétiques, et même de les comprendre : Norman Dennis est un voyou minable, qui s’adresse à Wanda par des ordres et l’utilise sans vergogne mais devient petit garçon face à son père ; quant à l’« héroïne », elle se comporte comme un chien battu, obéissant au malfrat qu’elle suit presque aveuglément. Son langage limité, très concret, sans aucune distance, la laisse démunie face aux événements qui la maltraitent et Barbara Loden la montre un peu comme une enfant qui lit des bandes dessinées et s’endort n’importe où.
© Camélia Films
En filigrane, le film propose l’envers du rêve américain : des personnages cassés, sans avenir et sans valeurs ; un monde sordide et au sens propre insensé, dans lequel les fondements de la société américaine (la famille et la religion) deviennent des repoussoirs ou des attractions. Pour autant la lecture disons marxiste est elle-même inopérante : voir une aliénation dans ce parcours est tentant, avec quelques symboles du capitalisme (le hamburger, la voiture ou le supermarché) affichés, mais elle ne rend pas compte de la complexité du film, bien réelle derrière sa linéarité apparemment simple. Il en est de même à notre sens pour une opinion souvent émise par des commentateurs, qui présente le film comme une parabole sur les relations de Barbara Loden avec son mari de l’époque, le cinéaste Elia Kazan, et qui, même si elle est pertinente, semble singulièrement réductrice. Wanda excède ces interprétations par son rythme lent, ses séquences languissantes qui portent un regard sans complaisance sur des personnages obtus. En les suivant au plus près, le film devient un objet fascinant mais opaque sur lequel nous ne pouvons que buter.
Barbara Loden n’aura réalisé qu’un long-métrage, au prix de grandes difficultés, avant de mourir très jeune en 1980. En France, oublié pendant des décennies, le film a connu un retour en salle salvateur en 2003, grâce à la bonne volonté d’Isabelle Huppert, avant de retrouver une fois de plus le chemin des salles en 2015. Le voir, le revoir, est une expérience très riche : austère et peu aimable, à l’image de son personnage central, Wanda reste le portrait saisissant et inoubliable d’une laissée-pour-compte vaincue d’avance.
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