Au sommet, le danger
Le 17 octobre 2017
Le deuxième long de Jan Zabeil, sélectionné au festival du Film allemand de Paris, est un enivrant drame psychologique entre trois personnages à fleur de peau, sur fond de décors montagneux vertigineux. Une révélation.
- Réalisateur : Jan Zabeil
- Acteurs : Bérénice Bejo, Alexander Fehling, Arian Montgomery
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand, Italien
- Durée : 1h34mn
- Titre original : Drei Zinnen
- Plus d'informations : Le site du festival
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Année de production : 2016
Résumé : Séduisant, athlétique et cultivé, Aaron a trouvé une idée à son image pour renforcer son union entre Léa, sa nouvelle compagne, et Tristan, le fils de cette dernière : des vacances dans le cadre splendide et alpestre des Dolomites en Italie, vers les « trois cimes » qui figurent si bien cette famille recomposée. Mais Tristan refuse ce simulacre et cherche plutôt à intimider Aaron, jusqu’au point de rupture. Léa se retrouve au milieu, déchirée entre l’amour, la haine et la place que chacun revendique…
Notre avis : Pour son deuxième long métrage, après The River Used to be a Man (2011), Jan Zabeil aborde frontalement la thématique « beau-père - beau-fils », peu fréquemment abordée au cinéma. Quels sentiments ambivalents animent Aaron et le jeune Tristan tandis que la mère de ce dernier cherche à maintenir l’équilibre fragile qu’elle a bâti entre eux ?
Le cinéma offre plus banalement l’image plus ou moins sulfureuse d’un beau-père aux prises avec les charmes de sa belle-fille que le cinéma explore souvent, comme dans Beau-père, classique de Bertrand Blier. Si ici rien n’est sulfureux, il est cependant question de vie ou de mort. Dans un cadre dangereux, hautement porteur d’une dramaturgie possiblement mortelle, le drame familial se noue insidieusement au cœur des personnages.
- ©Rohfilm Productions
Tristan, le beau-fils déstabilisé par le vide laissé par le père dans la nouvelle cellule familiale, s’incruste dans l’intimité du nouveau couple et rejette l’usurpateur qu’est le beau-père ; il interroge sa mère sur les raisons de sa rupture avec un père qui n’est présent dans le film qu’au travers d’incessants et obsédants appels téléphoniques.
Sa mère, Léa, séduisante, paisible en apparence, se situe dans une impossible conciliation entre son fils et son amoureux. Tendue, elle est elle-même perturbée par la complexité de ses propres sentiments et craintes.
Son amant Aaron, séduisant, cultivé et athlétique, semble fort et fragile à la fois. Blessé lors d’une chute dont le vrai responsable est Tristan, il doit affronter le garçon qu’il aime pourtant d’un sentiment profond, dans l’eau, sous la glace, dans un incroyable renversement de deux situations subaquatiques, la première, moment de bonheur ludique et lumineux à l’ouverture du film, la seconde, asphyxie quasi fatale redoutée dans l’antépénultième séquence.
- ©Rohfilm Productions
Ces deux scènes, remarquablement construites, se font écho ; la beauté des images et leur perfection formelle condamnent les deux héros à leur survie mutuelle que les spectateurs comme Jan Zabeil désirent au fond ardemment. Ce désir est d’ailleurs la véritable scansion du film qui lutte aussi contre sa propre mise en abîme.
Les alliances salvatrices des trois personnages pour préserver leur équilibre ne font que les rapprocher d’un précipice qui n’a désormais plus rien de virtuel jusqu’au surprenant « revirement final de Tristan qui laisse à chaque spectateur le soin ou de désespérer ou plutôt ici d’espérer de l’humaine condition », pour citer le réalisateur, lors de la présentation du film à Paris. « Je laisse mes personnages s’imposer face à la nature qui les entoure … » Interrogé sur le difficile tournage, il évoque volontiers la petitesse de l’homme face au cadre spectaculaire et l’irréversibilité des gestes ou décision qui ont des conséquences dramatiques dans cet environnement de brume et de neige. « Leurs émotions primitives refont surface au risque de leur perte ». Les montagnes éponymes, les "Trois Cimes", sont bien plus qu’un décor imposant et servent de quatrième personnage qui, dans leur beauté grandiose et sauvage, s’impose aux trois autres.
- ©Rohfilm Productions
Primé en 2017, dans le cadre majestueux de la Piazza Grande, au Festival de Locarno (Prix Variety), Three Peaks (titre international) est incontestablement le marqueur fort du jeune cinéma allemand en plein renouveau : maîtrise redoutable d’un scénario simple et épuré, mais confiance absolue dans le jeu de comédiens délicats ? Face à la maîtrise professionnelle de Bérénice Béjo et Alexander Fehling, quelques improvisations sont subtiles et bienvenues, car habilement cadrées, et concernent le jeune acteur Arian Montgomery.
Le réalisateur est une révélation. A l’issue de la projection au Festival du cinéma allemand, le film ne devrait pas rester sans distributeur très longtemps. Au moins, on le lui souhaite pour une distribution en France, qui devrait être aidée par la participation généreuse de la plus internationale de nos comédiennes, la grande Bérénice Béjo.
– Festival de Locarno (Prix Variety) et Toronto 2017
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