Le classique du rape & revenge
Le 11 juillet 2015
Connu comme un des exemples les plus marquants de la vague des rape & revenge des années 1970, Thriller, au-delà de la controverse et de ses scènes-choc, est un film étrange, épuré, répétitif jusqu’à l’étourdissement, dominé par la performance époustouflante de Christina Lindberg, et qui apparaît aujourd’hui comme le brouillon du chef d’œuvre suivant de Vibenius : Breaking Point.
- Réalisateur : Bo Arne Vibenius
- Acteurs : Christina Lindberg, Heinz Hopf, Solveig Andersson
- Genre : Épouvante-horreur, Érotique
- Nationalité : Suédois
- Editeur vidéo : Bac Films
- Durée : 107 min
- Titre original : Thriller - en grym film
- Date de sortie : 5 juin 1974
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Connu comme un des exemples les plus marquants de la vague des rape & revenge des années 1970, Thriller, au-delà de la controverse et de ses scènes-choc, est un film étrange, épuré, répétitif jusqu’à l’étourdissement, dominé par la performance époustouflante de Christina Lindberg, et qui apparaît aujourd’hui comme le brouillon du chef d’œuvre suivant de Vibenius : Breaking Point.
L’argument : Rencontrant un homme par hasard, une jeune femme succombe à son charme. Mais ce qui commence comme une journée d’amour bascule soudain dans la violence sadique : l’ayant droguée, l’homme lui crève un œil. Dès lors, elle ne vivra plus que dans un seul but ; mener à bien une vengeance froide, lente, d’une implacable cruauté.
Notre avis : Enfin paru dans une édition DVD à la hauteur de son culte, Thriller, sous-titré dans sa version originale un film cruel, reste une drôle d’expérience cinématographique, même après plusieurs visionnages. Œuvre-matrice s’il en est pour des longs métrages comme I Spit on your Grave, L’Ange de la Vengeance ou Kill Bill, Thriller partage non seulement son décor suédois avec le film initiateur des rape & revenge, le fameux La Source d’Ingmar Bergman, mais il se trouve que son créateur a lui même été assistant réalisateur pour le maître, travaillant sur Persona ou encore L’Heure du Loup. De cette expérience, Vibenius - rebaptisé Alex Fridolinski au générique - a retenu l’épure et un sens du mélodrame et de la noirceur. Cette influence peut se ressentir dans toutes les scènes où les personnages s’adressent à nous avec un regard caméra comme si nous étions Madeleine (Christian Lindberg), la jeune fille qui va subir tous les sévices physiques et psychologiques du film (viols à répétition depuis son plus jeune âge, oeil crevé, suicide de ses parents, etc.). Parfois même, la caméra reste sur l’épaule de Madeleine et nous nous dédoublons pour devenir elle. Ainsi, le film acquiert une valeur unique, en évitant les pièges du drame larmoyant pour nous amener vers un langage froid, fait d’horreur, d’absurde, de pornographie et de surréalisme visuel. Inclassable, Thriller est au-delà des genres. Il peut même dans ses derniers plans évoquer les westerns apocalyptiques, la bande dessinée et les délires morbides d’Arrabal et Jodorowsky au début des années 1970. Les dialogues sont réduits à l’essentiel. Le film lui même opte pour une lenteur qui s’accentue au fur et à mesure qu’on avance, jusqu’à presque une demie heure de ralentis à la fin dominés par des effets électroniques passés dans une delay qui les rend presque funèbres et solennels. L’hypnose est en marche et elle prend toute sa valeur dans la répétitivité des plans et du montage. De fait, les inserts pornographiques que cette version de Bach Films propose ne deviennent pas un apport aguicheur. Loin de là.
En effet, cette version, bien plus que son pendant soft dispensable, en vient à l’essence même du film : celle de nous faire ressentir le traumatisme et le lent calvaire de Madeleine. Son corps est pénétré encore et encore, frappé, humilié, photographié, percé par des seringues pour en faire une accro à l’héroïne. Elle reçoit tous ces clients qui viennent et reviennent, ces liquides abjects, ce sperme dont chaque goutte s’écoule sur son anus telle une lame de rasoir. Et son mutisme lui rend les cris impossibles. Pourtant le spectateur a envie de hurler pour elle. Il suffoque, se retient et subit toujours plus encore, sans échappatoire, hypnotisé par le regard implorant de Christina, perdant peu à peu toute forme d’émotion pour ne plus être qu’un miroir vide. Les préparatifs de la vengeance sont eux mêmes comme de longs rituels d’apprentissage, difficiles, interminables. Film-trip, Thriller n’est pourtant pas une œuvre parfaite, comme dans ces scènes d’entraînement au karaté ou au tir accompagnées par des musiques sautillantes. On pourrait trouver ces séquences risibles, tout comme certains ralentis ou cette tentative à toujours suggérer la perversité dans le regard des hommes. Pourtant, ce sont dans ces idées, ces collages, ces inserts, ces patchworks d’ambiance et juxtapositions que l’on sent que Thriller n’est peut-être que l’ébauche du film à venir de Vibenius : Breaking Point. De nombreux plans semblent y faire écho. Œuvre d’un fou ou d’un génie, Breaking Point - traduit parfois sous des titres aussi absurdes que Les Suédoise ou Elles lui ont tout appris, dixit Christian Valor dans le bonus DVD - allait créer un langage à lui tout seul, plus proche de l’art total et de la performance que du cinéma d’exploitation. La bande annonce abusive et désopilante disait : "il y a des poursuites en voiture, de l’amour, de la bagarre, de la fesse, tout quoi, pas la peine d’aller voir un autre film !". Peut-être que c’est vrai d’ailleurs. Pas la peine. Thriller serait donc comme le petit précurseur de ce monstre jusqu’au-boutiste. Encore maladroit mais sur la bonne voie. Mais le mystère demeure : qui était vraiment ce Vibenius et qu’y avait-il donc dans sa tête ?
La critique : Thriller
Les suppléments
Cette édition est précieuse à plus d’un titre. D’une part, les amateurs seront ravis de trouver à l’intérieur du digipack trois cartes postales collector mettant en valeur la silhouette iconique de Christina Lindberg. En plus de cela s’ajoute une heure de bonus. Tout d’abord, nous avons un entretien de vingt-quatre minutes avec Christina qui revient sur son expérience de pin-up pour la presse érotique et sur certaines de ses expériences cinématographiques, bien que Thriller reste, selon elle, son meilleur film. Elle revient aussi sur l’intolérance quant à son métier et sur le succès du film, notamment dans les drive-in américains. Elle avoue sa passion pour le heavy metal et son engagement pour la cause animale, parmi plein d’autres sujets abordés. Ensuite, nous avons droit à une rencontre avec le public lors d’une projection à l’Absurde Séance. On y reconnaît quelques visages connus qui se sont déplacés pour l’occasion. L’ambiance est détendue, plutôt drôle, et Christina continue à nous en révéler plus sur elle et sur le film, que ce soit au niveau de l’accueil critique par exemple. On apprend aussi qu’après le décès de son compagnon, elle a repris sa compagnie et tient un magazine dédié à l’aviation. Elle est même venue visiter Airbus. Bref, des petites anecdotes qui en font un indispensable pour tous les fans de Christina Lindberg.
Image & Son
Là aussi nous sommes gâtés car, en plus de la version française de la VHS, on peut enfin découvrir la version suédoise ainsi que la version anglaise sous-titrées. Notre choix s’est donc porté sur le suédois lors du visionnage, apportant une couleur locale si particulière au film. La copie a du grain bien entendu et on se laisse vite hypnotiser par le travail sonore électronique du film, qui là encore semble n’être que les prémices de ce que sera la bande-son du fameux Breaking Point.
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