Le 31 juillet 2019
Même si cela n’était pas bien compliqué, vu la morne hégémonie de Disney, The Boys vient mettre un grand coup de pied dans la fourmilière du genre super-héroïque. Pour notre plus grand plaisir.
- Acteurs : Elisabeth Shue, Karl Urban, Erin Moriarty, Anthony Starr, Jack Quaid
- Genre : Drame, Science-fiction, Action
- Durée : 1h env.
- Date de sortie : 26 juillet 2019
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Résumé : Dans un monde fictif où les super-héros se sont laissés corrompre par la célébrité et la gloire et ont peu à peu révélé la part sombre de leur personnalité, une équipe de justiciers qui se fait appeler "The Boys" décide de passer à l’action et d’abattre ces super-héros autrefois appréciés de tous.
- Copyright : Jan Thijs / Amazon Prime Video
Notre avis : Alors que le MCU vient d’achever sa phase 3 avec Spider-Man Far From Home, il est quand même bon de profiter d’un contrepoids à ce monstre qu’est Disney, producteur de vingt-trois films Marvel autant formatés qu’une carte SD 32Go après une journée de tournage en ProRes HQ 4K. Regarder Avengers Endgame, puis enchaîner avec un épisode de The Boys (oui, on a vu Endgame il y a seulement deux jours, aucun rapport avec sa sortie en téléchargement, n’allons pas nous compromettre), c’est passer du ventilo de poche à la clim de bureau en pleine canicule. Alors que DC Comics ne semble plus en avoir rien à foutre de se créer une identité marquée qui lui est propre, la nouvelle série produite par Seth Rogen et Evan Goldberg (sans oublier Eric Kripke) vient jouer ce rôle d’alter ego méchant et corrosif, en reprenant au passage une esthétique très proche de celle développée par le génial Zack Snyder et abandonnée par la Warner. En plus de parfaitement assumer son rôle de bol d’air frais dans le milieu, The Boys se démarque par son discours piquant comme une coulée d’éthanol, 70% sur une plaie ouverte. Brad Pitt disait dans Cogan "America is not a country, it’s a business" ; postulat que la série développe, en détournant le mythe du super-héros sous le prisme du modèle sociétal américain. A partir de son concept déjà lumineux (faut dire que le genre super-héroïque est désormais assez ennuyeux), The Boys décompose son sujet pour en produire une satire économique, militaire, culturelle et humaine réjouissante.
- Copyright : Jan Thijs / Amazon Prime Video
Scindée en deux axes qui viennent à se rencontrer ça et là, la série propose d’un côté un pur divertissement aussi bourrin que l’accent de Bill Butcher est coupé au couteau, et de l’autre une chronique visant à descendre le règne du business régissant un peu trop les États-Unis et autres pays occidentaux. Cette division peut provoquer dans The Boys un manque d’homogénéité, dans le sens où très rarement la partie avec les "Boys" du titre prolonge le propos de la partie sur les "Seven", offrant plutôt au spectateur une bonne dose de virilité décalée, avec cette équipe atypique menée par un Karl Urban charismatique au possible. La série jongle donc entre ces deux penchants, l’un étant plus amusant à regarder, quand l’autre offre plus de matière à la réflexion, tirant ainsi le show plus loin que l’entertainment au rythme bien rôdé et aux personnages bien écrits (ce qui est déjà pas mal). Avec Vought, entreprise chargée de la gestion des super-héros (dont les Seven), The Boys touche du doigt de Dr Manhattan (cf. https://youtu.be/DaZDTiR4F2U?t=209) les mécanismes de l’industrie hollywoodienne, son processus de starification et de dé-starification, puissante fabrique à rêve propagandiste et illusoire, mise en évidence par la nouvelle venue dans les Seven : Stella. Le procédé, découvrir un environnement par le point de vue d’un personnage qui ne le connaît pas non plus, n’a rien de nouveau, mais dans The Boys, il permet intelligemment de déconstruire toutes les strates du business super-héroïque.
- Copyright : Jan Thijs / Amazon Prime Video
Ce n’est pas seulement Hollywood qui se retrouve sur le devant de la scène, mais tout un pays qui s’est bâti sur des valeurs hypocrites pour manipuler sa population. Homelander, en alternative sur-américanisée de Superman, est un pivot de ce discours cinglant, en incarnant publiquement ce vecteur de moralité et de gentillesse, quand lui-même ne brille pas par son exemplarité morale. Allégorie évidente des États-Unis, ce super-héros infantilisé fait écho à un pays roi des magouilles et soumis aux lois de la finance et du capitalisme, ici personnifié par Madelyn Stillwell. De la part de responsabilité des USA dans l’émergence d’Al-Qaïda, à la création de preuves pour aller envahir un pays, en passant par l’interventionnisme opportuniste de celui qui se dit "police du monde", The Boys aborde sans détour la politique post-11 septembre, sans en nier sa gravité, alors qu’elle sa fonction est malgré tout de divertir et d’amuser.
- Copyright : Jan Thijs / Amazon Prime Video
Loin de parodier dans le ridicule le genre du super-héros, la série aborde finalement très sérieusement les problématiques rattachées à son sujet et ce malgré la décontraction qu’elle affiche. En humanisant des pourritures comme le Homelander ou A-Train, The Boys ne verse jamais dans la facilité, en les considérant uniquement comme des pourritures, rappelant que les premières victimes de ce business juteux sont les super-héros eux-mêmes. Comprimés dans un carcan étroit, sans aucun libre arbitre, les Seven vivent selon les envies et magouilles des hauts placés. Avec parcimonie, la série offre à ses antagonistes des séquences qui les montrent en position de faiblesse, face à la pression écrasante de leur mode de vie. Être pris dans la rivalité d’autres super-héros, subir une télé-réalité dont ils sont les sujets, mettre sa vie entre les mains de John et Sandra du département marketing, voilà les backstages de ces héros pré-fabriqués, la fierté de toute une nation. Elle est belle, cette Amérique.
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