Le 5 mars 2017
Taboo interroge : Tom Hardy peut-il porter à lui seul toute une série ? Apparemment, non.
- Acteurs : Jonathan Pryce, Tom Hardy, Stephen Graham, Oona Chaplin
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain, Britannique
- Chaîne de TV : FX
- Date de sortie : 7 janvier 2017
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Résumé : Considéré comme mort depuis des années, James Keziah Delaney refait surface à Londres en 1814, après 10 ans passés en Afrique. De retour en possession de diamants acquis illégalement et bien décidé à venger la mort de son père, il va refuser de vendre ce qu’il reste de l’héritage familial à la Compagnie britannique des Indes orientales et se mettre en tête de bâtir son propre empire de négoce et de transport. Mais James, qui va rapidement comprendre qu’il a de nombreux ennemis, va devoir naviguer bien des eaux troubles pour rester en vie et parvenir à ses fins.
Notre avis : Steven Knight, showrunner de Taboo, s’était, à une tentative antérieure, déjà reposé sur les épaules de Tom Hardy pour l’une de ses œuvres. Il s’agissait de Locke, sorti en 2014. Le résultat avait étonné, pour un pari, celui de laisser son protagoniste parler au téléphone au volant de sa voiture, remporté haut la main. Remporté haut la main parce que le concept se prêtait justement à la grosse performance d’acteur, et que le film, par son idée très simple et centrée uniquement sur un personnage à l’écran, empêchait toute dispersion, l’ambition du long-métrage se fondant sur un postulat modeste et intimiste au possible. Mais c’était un film d’une heure et demi. Taboo, elle, est une série de près de 8 heures, avec en plus une seconde saison en préparation (alors qu’elle avait été annoncée comme une mini-série). Une œuvre historique de surcroît, avec par conséquent un panel extrêmement large de personnages et des enjeux, notamment politiques, difficiles à mettre en place. D’où la nécessité de, dès le pilote, produire et poser de manière claire et pertinente (dans le sens où il faut en dévoiler assez mais pas trop non plus) les bases d’une série certes focalisée (du moins c’est le postulat de départ) sur l’appropriation d’une petite terre, Nootka, mais à l’utilité insoupçonnée. En cela, le premier épisode de Taboo vise juste, et réussit, sans éclat néanmoins, à captiver le spectateur. Seulement, déjà, flotte comme L’Influence avant son naufrage le plus gênant des défauts : La série semble toute entière destinée à asseoir le charisme de sa tête d’affiche, Tom Hardy. Arrivé à un point, ou, parce que son acteur principal (showrunner et initiateur du projet, ceci explique probablement cela) se réserve toute la part du gâteau, la cerise et la boulangerie en terme d’intérêt et de consistance d’écriture, la série s’enfonce peu à peu dans les tréfonds de la Tamise.
- Copyright : BBC
Esthétiquement ainsi qu’en terme de reconstitution, absolument rien n’est à reprocher à Taboo tant Steven Knight prolonge son travail exemplaire sur la fidélité des environnements autrement mis en place dans son autre série phare, Peaky Blinders. Différentes époques, mais représentation similaire d’un Londres boueux, sombre et crade dans tous ses recoins, auquel s’ajoute ici une pincée de mysticisme très cheap (quoique plus maîtrisée dans les derniers épisodes), malgré tout le talent de Tom Hardy pour crédibiliser ces scènes par l’incarnation d’un James Delaney possédé et troublant. Car, et il demeure impossible de lui soustraire cela, Taboo peut s’en remettre sur Tom Hardy (et Steven Knight en a bien conscience) pour au moins conférer à son personnage la fascination émanant de son écriture. Déambulant telle une ombre ténébreuse et imposante dans sa ville natale, James Delaney vampirise l’attention aussi bien de tous les personnages, qui n’ont que son nom à la bouche, que le spectateur, même lorsqu’il ne compose pas l’écran. Pour cette raison, difficile d’entrevoir une évolution ou une caractérisation un tant soit peu captivante de nombre des acteurs de cette partie d’échec, avec l’impression qu’ils n’existent seulement parce qu’ils interagissent pour diverses raisons avec James Delaney, et peinent à exister d’eux-mêmes, y compris lorsque la série tente de les développer par de légères sous-intrigues.
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Du moins, c’est le principal reproche que l’on pourrait émettre à l’encontre de Taboo sur ses 3 premiers épisodes. En bousculant assez drastiquement le rythme de sa saison, la série acquiert sur la suite de ses segments un bien meilleur équilibre, en se déchargeant notamment d’une sous-intrigue (celle de la demi-sœur de James) plombante, et en se recentrant sur une seule en particulier, bien plus trépidante. L’occasion pour de nouveaux personnages de s’intégrer pleinement dans la série, tel Miss Bow, très loin de l’idée du boulet que l’on s’en faisait, et Atticus, incarné par l’impressionnant Stephen Graham, devenant, avec d’autres, une partie active du plan de Delaney, qui, enfin, se met clairement en place, délaissant tous les candiratons concernant le personnage pour du concret. Depuis les premières minutes décrit comme un revenant un tantinet violent et sauvage, notre protagoniste confirme sur certains points ce qu’il infirme sur d’autres par ses actes, d’une sécheresse émotionnelle omniprésente et d’une brutalité à la limite du sadisme, que l’on imagine raccord avec son vécu.
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Si le final nous fera finalement pencher définitivement pour le tribord, James navigue constamment entre deux eaux, une antipathique à gauche, et une autre empathique à droite. Sans pour autant le voir sortir de son mutisme ou de son expression faciale inquiétante, dans la manière dont sa quête prend sens, notamment au détour d’un dialogue avec son valet Brace, Delaney offre au spectateur une signification, autre que l’argent, autrement plus intéressante, élevant Taboo en terme de portée historique. Comme si les Etats-Unis représentaient déjà un eldorado avant même d’être passés par la case « indépendance », la série de Steven Knight, Tom Hardy, et Chips Hardy (père de Tom) transpose à l’écran une ode à la liberté noire et paradoxalement désenchantée sur un American Dream avant l’heure. En recréant dans un microcosme londonien le terrain d’une bataille sanglante et barbare opposant les forces de la Couronne à de « simples » civils, Taboo gagne, en plus d’un souffle épique inattendu et maîtrisé, une très grande pertinence acerbe pour une série qui n’aura été décidément pas tendre avec la Royauté britannique, entre le bouffon occupant la place de souverain, et cette conclusion, concordance et surtout évolution symbolique du récit. Il aura tout de même nécessité 3 premiers épisodes à cette saison 1 pour la voir sortir de ses eaux troubles, en attendant un second axe prometteur. Mieux vaut tard que jamais.
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